Dans le domaine du médicament et de la santé, périodiquement des scandales éclatent dans le champ médiatique, voire judiciaire…
Aujourd’hui il s’agit de la pénurie de certains médicaments : des patients se voient privés de plusieurs remèdes vitaux (ces cas ont été multipliés par 12 depuis 10 ans!
Comment expliquer cela, alors que les grands groupes pharmaceutiques sont parmi les plus puissants de l’économie mondiale et génèrent des profits faramineux?
Quelles relations, trop souvent occultées, avec les choix stratégiques des directions et des actionnaires de Big pharma?
Tout le dossier: www.lesdossiers-contretemps.org
SOMMAIRE
Danielle Montel, Francis Sitel, À votre santé !
Manifeste Pour une appropriation sociale du médicament Daniel Vergnaud, Libérer le médicament du brevet
et de la domination des Big Pharma Éliane Mandine et Thierry Bodin, Recherche et finance :
une dangereuse liaison Eliane Mandine et Thierry Bodin, Prix du médicament :
distinguer le vrai du faux ! Éliane Mandine, Les génériques : médicaments non-brevetés
ou médicaments low cost ? Annick Lacour, Essais cliniques et pharmacovigilance Michel Mourereau, Le sang humain n’est pas une marchandise… Thierry Bodin et Bernard Dubois, Ruptures de médicaments
et de vaccins Emmanuel (Manolis) Kosadinos, La marchandisation du cerveau Didier Lambert, co-président de E3M, La controverse
sur l’aluminium vaccinal. Un exemple de la mise sous influence
par l’industrie pharmaceutique du domaine public Pascale Brudon, Le médicament dans la mondialisation :
40 ans de luttes Fabien Cohen, Entre enjeux économiques et enjeux de santé publique.
L’Europe et le médicament
Après des centaines de postes supprimés en Europe par les plans de restructuration des activités industrielles, commerciales et fonctions supports en cours : Convergence, Horizon 2020, SCCOPE, la Direction du Groupe Sanofi informe le Comité d’Entreprise Européen d’un nouveau projet d’organisation de la Recherche & Développement en Europe. La Direction justifie la restructuration de son activité de recherche et développement comme un «recentrage de ses efforts d’innovation vers ses aires thérapeutiques les plus stratégiques».
En 20 ans, ce qui constituait le fleuron de la recherche pharmaceutique française et européenne (Hoechst, Roussel-Uclaf, Rhône-Poulenc, Aventis, Sanofi, Synthélabo, Delagrange, Delalande, Zentiva, Chinoin,…) a été presque entièrement démantelé.
En France, de 17 centres de R&D il y a 20 ans, il n’en reste plus que 5. Par rapport aux multiples axes de recherche qui étaient travaillés en France, il n’en resterait plus que trois : oncologie, immuno-oncologie et vaccins. L’Allemagne connaît une situation comparable à celle de la France, alors qu’en Hongrie, Italie, Espagne et Royaume-Uni, les activités de R&D ont totalement disparu.
Voici quelques exemples récents des orientations dites «stratégiques» de Sanofi qui s’accompagnent de suppressions d’emplois et de perte d’expertises :
° Novembre 2018 : une réorganisation est annoncée dans les fonctions commerciales en Italie : 75 postes supprimés.
° Décembre 2018 : une réorganisation est annoncée dans les fonctions support: 700 postes supprimés en France, 142 en Allemagne.
° Décembre 2018 : un projet de transfert de salariés vers le sous-traitant informatique Cognizant est annoncé dans certains métiers de l’informatique : 80 postes supprimés en France.
° Mars 2019 : une réorganisation est annoncée dans les fonctions commerciales : 640 postes supprimés en Europe, principalement en France et en Allemagne.
° Mars 2019 : une réorganisation est annoncée dans la Supply Chain : 100 postes supprimés en Europe.
° Mars 2019 : délocalisation vers Barcelone des fonctions centrales de la Supply Chain : 12 personnes impactées.
° Avril 2019 : délocalisation de certaines fonctions support vers la Hongrie et externalisation.
° Juin 2019 : une réorganisation est annoncée en R&D : 299 postes supprimés en France et 168 en Allemagne.
Rappelons aussi la vente de Zentiva à Advent International avec environ 2500 postes supprimés en Europe au 2ème semestre 2018.
Mais il n’y a pas que des suppressions et des délocalisations, il y a aussi les allers-retours dans les choix des aires thérapeutiques :
A) Recherche Anti-infectieuse Antibactérienne, Antifongique, Antivirale :
– Abandon en 2002 à la suite de l’OPA de Rhône-Poulenc sur Roussel-Uclaf.
– Reprise d’une recherche dans cet axe à Toulouse en 2008 dans Sanofi suite à nos arguments pour développer cet axe répondant à des besoins majeurs dans de nombreux pays.
– Décision de Sanofi de vendre les activités scientifiques de Toulouse en 2013, l’axe anti-infectieux est transféré à Lyon où, affirme la Direction, il y aura des synergies avec Sanofi Pasteur. Environ 80 salariés sont transférés de Toulouse, Montpellier et Vitry en 2014-2015.
– Décision en 2018 de se séparer de cet axe de recherche comprenant une centaine de salariés par une vente à l’entreprise Evotec, avec pour argument que les anti-infectieux ne sont plus une priorité pour Sanofi.
B) Recherche en Diabète et Cardio-Vasculaire :
– Fermée en 2010 à Toulouse.
– Réintroduite en 2015 à Chilly-Mazarin après l’acquisition d’une molécule.
– Abandonnée à nouveau en 2019.
C) Recherche en Neurologie :
– Recentrages sur des maladies neuro-dégénératives rares et abandon de tous les autres axes de recherches.
D) Recherche en Oncologie :
– Arrêt de la recherche à Montpellier en 2010, recentrage uniquement sur Vitry.
– Sanofi annonce vouloir se recentrer sur cet axe en 2019 alors que les expertises de 2010 ont disparu.
Et tout cela se passe dans un Groupe qui a fait en 2018 un chiffre d’affaires de 34,5 milliards d’euros et un bénéfice de 6,8 milliards d’euros, Groupe qui se félicite de sa Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE) !
Ces restructurations sont d’autant plus inacceptables que Sanofi perçoit chaque année entre 120 et 130 millions d’euros de crédit d’impôt du gouvernement français, normalement pour développer la recherche en France et les collaborations en France et en Europe. Où est l’éthique de Sanofi quand cet argent est utilisé pour financer les plans de restructuration et saborder sa R&D?
Outre le côté scandaleux d’un point de vue moral, il est alarmant de constater qu’avec l’externalisation à outrance, Sanofi se met soi-même en danger vis-à-vis du devoir de vigilance.
Nous, élus du Comité d’Entreprise Européen, demandons l’arrêt de ces plans massifs de suppressions de postes et de perte de compétences. Nous considérons que ces orientations stratégiques erratiques menacent sérieusement l’emploi pour l’ensemble des sites et des activités en Europe aussi bien en R&D que dans l’industriel.
Ces désengagements de Sanofi représentent un danger pour notre responsabilité sociale en matière de santé publique.
Thierry Bodin et Bernard Dubois (*)
(*) Thierry Bodin est statisticien, militant syndical.
Bernard Dubois est cadre assurance qualité, militant syndical.
Combien sont-ils ces patients atteints de pathologies incurables en attente d’un traitement issu de la recherche ? Une attente certes terrible, mais compréhensible quand la recherche est menée et financée. Leur impatience légitime est soumise à la seule rude épreuve du temps de la découverte dans le respect des « règles de l’art ».
Mais dans quel état d’esprit et de souffrances ajoutées sont-ils quand ils entendent :
° Que les laboratoires ne s’intéressent pas à leurs maux pour cause de marché restreint, ou parce que l’axe de recherche n’étant pas estimé suffisamment rentable il est abandonné (ainsi du domaine des anti-infectieux)?
° Que la recherche publique manque de tout et se vend aux laboratoires privés pour survivre?
° Que leur espérance de vie dépend de dons défiscalisés de particuliers ou d’entreprises?
° Que les services publics qui les prennent en charge sont fermés ou privatisés, et dans tous les cas en sous-effectif et en sous-investissement ?
Des situations dramatiques, injustes, voire criminelles ! Qui invitent à corriger la réponse politique…
Et que dire quand le traitement existe et qu’il n’arrive pas jusqu’au patient?
Rupture de stocks…
On parle de rupture de stock, comme on l’entend parfois dans les commerces de la grande distribution. Dans ce cas c’est pour le client un désagrément, et pour le commerçant une faute grave d’avoir laissé le marché à la concurrence. Or, pour le médicament, le constat est indéniable : dans notre pays et dans le monde, il y a bien des ruptures et celles-ci sont en augmentation.
Quand on parle de pénurie, ou de rupture, il faut se poser la question d’où vient-elle?
• D’une augmentation de la demande?
• D’un manque de capacité?
• De problèmes de qualité?
• D’une volonté de maintenir des ruptures créées pour maintenir des prix élevés de la part de différents acteurs?
Elles résultent pour beaucoup de la stratégie financière des laboratoires pharmaceutiques et des choix industriels qui en découlent.
Les raisons évoquées pour expliquer les ruptures sont de plusieurs types :
• Des problèmes d’approvisionnement de principes actifs. Ils sont liés à la stratégie d’externalisation de la production des principes actifs chimiques, le plus souvent dans des usines en Chine ou en Inde où les problèmes sont fréquents (qualité insuffisante, production stoppée pour de multiples raisons…).
• Des problèmes environnementaux. Touchant aussi bien notre pays, pour un non-respect des normes environnementales (c’est le cas de Sanofi pour son usine de Mourenx), que d’autres usines dans le monde, ils conduisent à un arrêt des installations.
• Des problèmes dans les usines de production : capacité insuffisante, problème de qualité des principes actifs ou des formulations pharmaceutiques internes (médicaments, vaccins…). Ils surgissent régulièrement et sont attribuables à plusieurs facteurs : investissements insuffisants, maintenance de moins en moins préventive ce qui conduit à des arrêts de production, moyens humains insuffisants au regard des procédures à suivre et des volumes à produire, et perte d’expertise.
Les stratégies de l’industrie pharmaceutique
Depuis quelques années, l’industrie pharmaceutique veut augmenter sa rentabilité et recherche en permanence dans l’industriel tous les gains de productivité possibles. Elle met en place des méthodes d’organisation et de suivi de la production inspirées par l’industrie automobile : indicateurs des arrêts de production et des causes, recherche des micro-temps libres des salariés pour caler des tâches supplémentaires en temps masqués (Total Productive Maintenance, Lean management, etc.). Toutes ces méthodes visent à réduire les effectifs en augmentant les opérations actives ou de contrôles sur le personnel restant. Elles s’affranchissent volontiers des bonnes pratiques de fabrication du Code de la santé publique. Elles aggravent la fatigue nerveuse et physique du personnel, ce qui augmente le taux d’absentéisme et le recours à l’intérim.
En outre, les restructurations en cascade, avec leur corollaire d’abandons ou de transferts de production, ont des conséquences majeures. Déplacer des machines, ou fabriquer un même produit sur d’autres équipements, n’est pas simple si les savoir-faire ne sont pas transférés. À cela s’ajoutent les aspects réglementaires, telle la mise à jour des dossiers pour les autorités sanitaires (qualifications initiales et opérationnelles, validations, états des lieux, dossiers de formation et d’habilitation). Ces mises à jour réglementaires sont longues et peuvent exposer les sites à des remarques de la part de ces organismes (ANSM, FDA…)
Ces perturbations régulières de l’outil industriel sont souvent accompagnées de suppressions de postes. Ces baisses d’effectifs sont aveugles du point de vue des pertes de compétence. À quoi s’ajoutent un manque de formation interne et un recours massif à l’emploi précaire (intérimaires/CDD), voire à des prestataires externes sur des postes permanents. Cela nuit à la qualité et à l’efficacité de la production des médicaments. En France, ces salariés, une fois formés, sont remerciés après 18 mois, par refus de les embaucher en CDI. De nouveaux sont embauchés. C’est un turn-over perpétuel de salariés précaires !
Dans les usines de production externe, des problèmes de qualité.
Les usines sous-traitantes sont souvent des usines vendues par ces grands laboratoires avec un contrat de production de 3 à 5 ans de médicaments dudit laboratoire. Pour ne citer qu’eux, Pfizer, Sanofi ont modifié par leur restructuration le tissu industriel pharmaceutique français et européen en aidant à l’implantation de façonniers aux moyens considérablement inférieurs puisqu’ils vivent des productions laissées par ces grands laboratoires. Ce sont souvent des petites productions, avec des saisonnalités fortes et souvent difficiles à fabriquer. Autant de critères qui nuisent à la productivité.
Les sous-traitants sont conduits au fil du temps à une dégradation de l’investissement, à des efforts coûteux en matière de maintien de la qualité des productions, et inévitablement à des ruptures.
Des problèmes de distribution
Les laboratoires mènent souvent une politique de stocks minimum, ce qui accroît les risques de rupture. Certains laboratoires assument ces politiques de stocks de bas niveau et communiquent sur la mise en place d’une gestion réduite et cadencée des commandes clients. Ces phénomènes sont accentués lors de fermetures ou d’externalisation de sites de distribution. Les sites industriels sont également soumis à la même rigueur de stocks bas par la mise en place d’indicateurs multiples, dont l’un est le suivi du « temps de cycle », à savoir le temps passé à l’usine entre la réception et l’expédition des principes actifs et excipients (ces stocks intermédiaires sont considérés comme des coûts). En cas de problème important, il y a rupture.
La finance ou la santé !
En fait c’est toute la chaîne du médicament de la recherche à la distribution qui est fragilisée par la stratégie financière des laboratoires pharmaceutiques. En production/distribution, la politique de flux tendu, de baisse des coûts, avec moins de moyens humains et des réorganisations permanentes, ne peut qu’engendrer des ruptures.
Face à ce constat, en France, la loi dite « Santé » de 2016 a procédé à un renforcement de l’arsenal juridique de lutte contre les ruptures d’approvisionnement. Son article 151 a inséré dans le Code de la santé publique une définition des MITM (médicaments à intérêt thérapeutique majeur). Des spécialités thérapeutiques dont l’indisponibilité représente un danger pour la survie des patients.
Il est normalement imposé aux exploitants d’élaborer et de mettre en place des plans de gestion des pénuries (PGP) destinés à prévenir et pallier une rupture de stock sur un MITM. Les laboratoires rechignent, cherchent à se soustraire à leurs obligations et les ruptures continuent. En fait ils sont favorables à une solution de financement par la collectivité. Par exemple via une revalorisation du prix des médicaments anciens. Certes, ce n’est pas absurde au vu du décalage croissant avec le prix des nouveaux médicaments (qui ne rendent pas toujours un aussi bon service médical). Pourtant, au-delà de tel ou tel produit dont la fabrication n’est plus rentable, la plupart des laboratoires ont grâce à leurs autres productions des moyens amplement suffisants pour maintenir et garantir ces fabrications. C’est pourquoi des mesures qui pénaliseraient fortement les laboratoires qui refuseraient de répondre à leurs obligations de santé publique sont tout à fait envisageables et souhaitables.
Reste qu’un changement de système serait bien plus efficace !
Les multinationales pharmaceutiques sont gérées comme d’immenses machines à profit au service exclusif de la production de dividendes pour les actionnaires qui n’ont pour la plupart aucune idée sur le comment ils s’enrichissent. Comme le dit le dicton « il fait bon vivre à ne rien savoir ». Il n’en demeure pas moins vrai que ces entreprises ont les moyens d’organiser un cercle plus vertueux de la recherche à la distribution. Mais ils n’en ont nullement l’intention.
On sait à quel point les agences de notation, comme Standard and Poor’s ou Moody’s, ont un effet délétère sur les pays. On sait moins qu’ils ont le même impact sur les entreprises, les notes attribuées conditionnant l’accès au crédit : plus la note est basse, plus les taux d’intérêts sont élevés. Ces agences surveillent également les passifs sociaux des entreprises, elles considèrent que les engagements statutaires à long terme vis-à-vis du personnel (primes d’ancienneté, de départ à la retraite, gratification, financement des systèmes de prévoyance et de soins de santé des salariés et des anciens salariés etc.) sont autant de frein à l’attractivité des investisseurs. C’est aussi pour cela que se développent les contrats précaires au mépris du droit de travail et de la gestion des compétences et des habilitations au poste normalement vérifiées par les agences réglementaires sanitaires et exigées par le Code de la santé publique.
Les entreprises pharmaceutiques mènent une stratégie financière rigoureuse, elles pratiquent un lobbying puissant à tous les niveaux de la société, elles exigent beaucoup des femmes et des hommes salariés, sous-traitants, service publics, personnel politique local ou national, au service de sa production de dividendes. Mais le seul retour à la collectivité qu’elles pratiquent volontiers c’est le mécénat, ou le caritatif via leurs fondations, à condition que cela génère de la défiscalisation.
Il est grand temps que ce bien commun qu’est le médicament au service d’un besoin fondamental comme la santé soit exfiltré des mains des profiteurs.
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », disait Rabelais. La finance n’est pas une science, quant à la production de médicament elle fait tout au long de son élaboration appel à de multiples savoirs scientifiques.
AURORE GORIUS, journaliste, CATHERINE NOËL Médecin Angiologue à Rennes (35)
Les problèmes posés par le Levothyrox, ancienne formule, absent des pharmacies d’officines, durant plusieurs semaines et son remplacement par «sa nouvelle» formule.
Le Dr C. Noël, Médecin, angiologue à Rennes, et Aurore Gorius, journaliste d’investigation, sont intervenues sur le plateau de «C Politique» de la 5, Dimanche 7 Avril (de 1h 02/52 à 1h18). L’émission a réservé 16 minutes au Lévothyrox, «nouvelle formule», aux effets négatifs qu’elle a généré dès sa «mise sur le marché» (de la Santé).
Lancé, voici 30ans, par le laboratoire Merck-Sharp-Dome (MSD), le Lévothyrox donnait entière satisfaction aux 2,6 millions de patients atteints de troubles thyroïdiens, au point de garantir au laboratoire une position de monopole sur le marché. Pourquoi, alors, une « nouvelle formule»? Réponse : « C’est la réponse à une demande de l’ANSM* ». Sauf que la «nouvelle formule», substitue à l’excipient ancien, le lactose, de l‘acide citrique et du mannitol**.Devant la montée en puissance des troubles signalés par les plaintes, la réponse de MSD a consisté à qualifier « d’hystériques » (dont la comédienne Annie Duperrey), les patients qui se plaignaient de fatigues, maux de tête et troubles fonctionnels variables.
Or une équipe de scientifiques de l’université de Toulouse a épluché les données fournies par le laboratoire Merck, qui fabrique le Levothyrox, lors de la validation de la nouvelle formule de ce médicament en mars 2017. Et leur étude, publiée dans la revue Clinical Pharmacokinetics (en anglais) jeudi 4 avril, sonne comme une victoire pour les malades qui pointent du doigt la nouvelle formule. Les résultats des chercheurs permettent en effet d’affirmer qu’il existe bien des différences entre l’ancien et le nouveau Levothyrox, prescrit contre l’hypothyroïdie.
Par ailleurs, des proximités préoccupantes sont observées dans le déroulement des opérations :
/ La demande expresse de cette nouvelle formule par l’ANSM, au laboratoire est exprimée par un membre de l’Agence, récent consultant rémunéré du laboratoire.
/ Le mannitol et l’acide citrique que contient la nouvelle formule permettent à MSD d’avoir accès au marché des BRICs (pays émergents Brésil, Inde, Chine) où les maladies chroniques vont apparaître.
/ L’ancienne formule donnant satisfaction depuis 30 ans, rien n’obligeait MSD à lancer en France cette nouvelle formule si ce n’est que : à «nouvelle formule, nouveau prix de vente».
/ A ce jour, 4.000 plaintes ont été déposées contre MSD.
/Le Président Macron n’a jamais répondu au Dr Catherine Noël, qui prenait elle-même du Lévothyrox, et lui signalait les effets négatifs de la «nouvelle» formule du Lévothyrox.
/ Une pétition, initiée par Mme Sylvie Robache, est en cours de signatures en France.
Les suites :
/ Une plainte est en cours d’Instruction auprès du Parquet de Marseille.
/ Des recherches au CNRS sont en cours.
/ Est posée la question de la mise en place d’une Commission d’Enquête Parlementaire
* Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
**le Mannitol est utilisé pour étudier la fonction rénale. Acidifiant, il peut donner des maux de têtes, or c’est un des troubles le plus souvent évoqué par les plaintes des usagers le nouvelle formule.
Marrakech 1994, une date importante. Se met en place l’OMC, organisation internationale à vocation d’établir des lois commerciales. Les pays contractants décident d’intégrer aux négociations un accord plus spécifique sur les services, pour amener plus de libéralisation dans les services publics par un accord multilatéral des échanges de services. Parmi les services se trouvent les activités de santé. Les activités de santé deviennent des activités commerciales ; les biens et produits de santé deviennent des marchandises relevant de l’OMC, sur un marché mondialisé.
L’idée que la santé est une valeur non marchande, d’une santé publique disparait, le vocable qualité des soins remplace le droit d’accès pour tous.
C’est la mondialisation de l’appropriation des médicaments par les détenteurs de brevets. Fait suite à un lobbying des firmes pharmaceutiques, surtout US.
A la suite (toujours en 1994 à Marrakech) sont mis en place les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle (PI) qui touchent au commerce (ADPIC). Il est décidé que tous les états membres de l’OMC sont soumis aux mêmes droits de PI sur les médicaments, quel que soit leur niveau de développement ou capacité à produire des médicaments. Le brevet sur les médicaments est légitimé par le droit international, et contrevenir à ce droit est un délit.
Cet accord est ratifié par la France en 1995. En le ratifiant nous avons accepté que les services de santé deviennent des marchandises relevant du droit commercial international. Ce qui est en contradiction avec le fondement droit aux soins, qualifié de chose hors le commerce. En contradiction avec le code de déontologie médicale : « la médecine ne doit pas être considéré comme un commerce ».
Il existe un avant et un après 1994
Avant 1994, un pays ne possédant pas la capacité de développer un médicament ne délivrait pas de brevet. Pour ces pays l’importation d’un pays tiers, ou la production d’un générique (cas de l’Inde), même protégé par un brevet n’était pas qualifié de contrefaçon. Cette possibilité permettait aux pays pauvres d’avoir accès aux médicaments à des prix modérés, les génériques étant moins chers que les produits de référence équivalents protégés par les brevets.
Après la ratification des accords de Marrakech, produire la réplique d’un médicament encore sous brevet n’est plus autorisé. C’est un acte qualifié de contrefaçon (délit international passible de sanction).
Ont été pénalisés tous les pays ne possédant pas les capacités de produire un médicament, principalement les pays du Sud.
Les perdants :
L’Inde qui s’était doté d’une industrie capable de produire des génériques, au détriment d’infrastructures de recherche capables de développer de nouveaux médicaments, s’est vu pénaliser par ces accords, qu’elle a dû ratifier en 2005.
Les gagnants :
Les firmes pharmaceutiques des pays industrialisés : réduction de la concurrence pour leur produit
Puis il y a eu les procès en Afrique du Sud, suite à la pandémie du VIH. Possibilité, obtenue grâce à l’ampleur des protestations en Afrique du Sud et sur toute la planète, de produire des génériques bien que sous protection des brevets, au nom de la santé publique,
Suite à ce procès, des pays en développement demandent qu’une flexibilité soit introduite dans les ADPIC, que rien ne puisse empêcher les Etats de prendre des mesures pour protéger la santé publique de leur population.
Ce sont les accords de Doha, en 2001 qui introduisirent la possibilité à un pays de produire des copies de médicaments même si protégés par un brevet en cas de situation d’urgence sanitaire nationale comme le SIDA, le paludisme, la tuberculose ou “d’autres épidémies : la licence obligatoire (ou licence d’office)
Une dérogation aux droits des brevets autorise les pays producteurs de médicaments génériques, comme l’Inde, le Canada ou le Brésil, à vendre des copies de produits brevetés à des pays incapables d’en fabriquer eux-mêmes.
Licence obligatoire (LO) : un défi à la puissance américaine certes mais pratiquement inefficace :
Des organisations humanitaires comme Oxfam dénoncent très vite l’inefficacité de la licence d’office ;
Les recours aux LO demeurent épisodiques : de 1995 à 2012 seulement 24 LO sont enregistrées ; principalement ce sont les pays du Sud à revenu intermédiaire qui y ont recours
Trop compliquées à mettre en œuvre pour les pays pauvres : un médicament peut être protégé par plusieurs centaines de brevets : des procédures à n’en plus finir, compliquées, onéreuses.
4 années d’effort pour le Rwanda, avec l’aide de MSF, pour obtenir la production d’antirétroviraux génériques (produits par le Canada)
Si une licence obligatoire est délivrée, une rémunération adéquate de compensation doit être donnée au détenteur du brevet, compte tenu de la valeur économique de l’autorisation
Des laboratoires pharmaceutiques ripostent avec l’exclusivité des données cliniques (durée 10 ans). Un générique, une fois produit doit être validé : il est comparé au produit de référence dans au moins un essai clinique. Ceci est rendu impossible si les données cliniques du produit de référence ne sont pas publiées.
Maintenant c’est le secret des affaires qui est mis en avant : transparence assurée par les brevets > au secret industriel.
Malgré une météo peu clémente ce soir là, empêchant de nombreux invité(e)s, 30 personnes ont saisi l’invitation au débat durant un peu plus de 2 heures, dans le cadre convivial du café culturel et associatif du Lieu-Dit (Paris 20e).
L’introduction situe le contexte dans lequel les premiers signataires (un peu plus d’une centaine) ont décidé de rendre public ce manifeste « pour une appropriation sociale du médicament » : le rapport annuel d’Oxfam sur la concentration de la fortune des 26 plus riches milliardaires détenant autant d’argent que la moitié de l’humanité, les luttes à l’hôpital, le mouvement durable des gilets jaunes … Actualité en phase avec le sujet de la rencontre : comment sortir le médicament du carcan de la finance.
Un constat fait l’unanimité : celui du changement de paradigme de l’industrie pharmaceutique, avec l’abandon du développement interne et l’adaptation totale de sa politique industrielle et de recherche à la financiarisation capitalistique de l’économie. Les grands laboratoires ne veulent prendre aucun risque financier. Ils exercent de ce fait pression et ingérence sur la recherche publique pour que celle-ci prenne à sa charge les développements à risque. Ils déportent leur responsabilité d’industrialisation des procédés sur des start-up. C’est un détournement des moyens de la recherche publique alors que les budgets publics sont sans cesse en régression.
La situation actuelle n’a donc plus rien à voir avec la période initiale de formation de ces groupes, antérieurement entreprises intégrées liant potentiels de la recherche et de la production. Aujourd’hui les milliards de profits réalisés sont distribués à 80% en dividendes vers les actionnaires ou en opérations financières (rachats d’actions, fusions/acquisitions, restructurations). Les Big Pharma s’octroient tout pouvoir pour la fixation des prix des médicaments, sans aucune transparence, remettant en cause l’égalité d’accès aux traitements.
Les conséquences pour la vie humaine, insupportables, sont dénoncées. Que de vies brisées, de souffrances, dans le monde. Didier Lambert, co-président de l’association E3M, association des malades de myofasciite à macrophages, témoigne du coût humain de telles orientations. Rappelant que l’association est sans ambiguïté favorable à la vaccination, il fait un bref rappel historique de l’état des recherches menées par l’équipe de l’INSERM, experte en pathologie neuromusculaire, conduite par le Pr. Romain Gherardi . Le travail de cette équipe depuis les années 1990, a permis d’identifier les causes de cette maladie : les adjuvants aluminiques, adjuvants présents dans les vaccins. Ces travaux sont aujourd’hui repris par la communauté scientifique internationale, renforçant la recherche fondamentale faite de longue date par le Pr. Chris Exley (Grande-Bretagne) sur la toxicité de l’aluminium. Celui-ci vient de découvrir des taux d’aluminium extrêmement élevés dans le cerveau de personnes autistes, stockés dans des endroits inhabituels (en intracellulaire) et transportés dans le cerveau par des macrophages. La piste vaccinale comme pouvant être à l’origine de cas d’autisme, s’en trouve renforcée. Or les industriels, les pouvoirs publics et les autorités sanitaires, persistent dans le déni. Pourtant la solution est connue : le changement d’adjuvant. Le phosphate de calcium, connu comme étant au moins aussi efficace que les sels d’aluminium, était utilisé lorsque l’Institut Pasteur fabriquait les vaccins. Avant la privatisation de sa branche production, rachetée par le laboratoire Mérieux. L’enjeu est mondial.
Laurence Cohen, sénatrice du groupe CRCE, vice-présidente de la commission des Affaires sociales, rappelle son expérience autour de la mission d’information sénatoriale relative à la « pénurie de médicaments et de vaccins » d’octobre 2018. Ce rapport met en évidence non seulement la responsabilité des industriels mais également le coût humain et financier qu’engendrent ces défaillances, notamment pour notre système de Sécurité sociale. Ces gros laboratoires touchent des fonds publics sans engagement de leur part en matière de santé publique. Or la majorité au Sénat a voté contre la publication de ce rapport. Elle souligne que dans l’hémicycle, chaque fois qu’il est question de maîtrise publique (ou de pôle public), il y a barrage quelque soit les gouvernements successifs, une volonté politique d’entraver. Les laboratoires ont ainsi toute puissance sur la fixation des prix des médicaments, en se masquant derrière une soi-disante intention de défendre la santé. Or le seul critère projeté est celui du taux de rentabilité actionnariale. Le groupe CRCE a considéré que le rapport n’allait pas assez loin. Un amendement proposant de rendre public l’historique des ruptures de stocks par laboratoire, a été déclaré hors sujet ! Les laboratoires produisent à bas coût dans les pays en voie de développement (PVD). Au moindre ennui, c’est toute la production qui est impactée, une des causes des pénuries de médicaments et vaccins. Pénurie qui constitue aussi des dépenses pour les services publics hospitaliers, dans la recherche des stocks disponibles (représente 16 postes temps plein pour l’APHP).
Dans ce contexte, mettre en cause les brevets sur les médicaments, est juste mais c’est un « gros morceau ». Il faut être « bien armés » contre les Big Pharma, car leur lobbying est puissant, souligne une ancienne fonctionnaire à l’OMS chargée du dossier sur les médicaments essentiels. Elle invite à avoir effectivement une vision européenne et internationale, à intégrer cette remise en cause des brevets dans le combat plus global pour la santé. Cette politique industrielle pousse à breveter alors que l’efficacité de certains traitements ou médicaments est en question. La transparence sur les prix des médicaments est conjointement une grande bataille. Qu’est ce qu’un prix juste pour une industrie qui a déjà largement engrangé le retour sur investissements ?
Deux intervenants témoignent de la situation actuelle en psychiatrie. Les médicaments prescrits sont soit très onéreux soit bon marché. Mais pour alimenter ce marché, les laboratoires en viennent à créer de nouvelles pathologies ou de nouveaux syndromes. Aux Etats Unis, on expérimente les psychotropes sur des enfants ou des jeunes, en prévision de troubles potentiels ! Les soins, ce n’est pas seulement prescrire les médicaments, insistent-ils. Les prix des médicaments sont « calés » en fonction des systèmes de santé. Donc nous ne sommes pas égaux devant la santé, la vie, la mort… Pourquoi pas un observatoire citoyen pour la transparence ? Sachant qu’il est nécessaire d’intervenir en amont sur les choix de recherche.
Un débat s’instaure sur la visée ? Le médicament bien commun, ce n’est pas seulement pour la France ou l’Europe, mais un bien commun pour l’humanité, donc à l’échelle monde. L’absence ou la négation du rôle du citoyen en tant qu’individu ou représenté par les syndicats, les associations ou les élus, fait que ce qui domine en matière de brevets est la non transparence. D’où l’exigence de maîtrise publique et sociale. Il ne s’agit pas de produire des médicaments mais de produire des médicaments utiles, en fonction des besoins réels et du retour d’expérience, donc de l’avis des professionnels de santé et des citoyens, associations, patients. Pôle public à l’échelle européenne ? Cela fait débat …Il y a une certaine défiance. Service public du médicament où prime l’exigence de transparence ? Les participants s’accordent sur le fait que les luttes concrètes ou les alternatives doivent s’inscrire dans la visée de dégager la chaîne du médicament de la domination des Big Pharma. Avec les brevets, on s’attaque effectivement à la domination de la propriété y compris intellectuelle. Ce débat doit être public sous contrôle des citoyens. Pierre Dharreville, rappelle que le groupe des députés communistes est intervenu dans le débat parlementaire exigeant la transparence sur le prix des médicaments, pour rendre public la part du coût de la recherche dans le coût global. Ces exigences sont maintenant au devant de l’actualité. Ce qui explique que s’accentuent les pressions des Big Pharma, pour mettre beaucoup d’obstacles à la connaissance de la composition du prix. Il y a des failles qu’il faut utiliser : un contrôle efficace a pu mettre en évidence des pratiques frauduleuses.
L’échange insiste sur la nécessité de se préoccuper des traités de libre échange. Eliane Mandine intervient pour rappeler l’historique. Marrakech 1994, une date importante. Se met en place l’OMC, organisation internationale à vocation d’établir des lois commerciales. Les pays contractants décident d’intégrer aux négociations un accord plus spécifique sur les services, pour amener plus de libéralisation dans les services publics par un accord multilatéral des échanges de services. Parmi les services se trouvent les activités de santé qui deviennent des activités commerciales ; les biens et produits de santé deviennent des marchandises relevant de l’OMC, sur un marché mondialisé.
L’idée que la santé est une valeur non marchande, d’une santé publique, disparait, le vocable qualité des soins remplace le droit d’accès pour tous.
A la suite (toujours en 1994 à Marrakech) sont mis en place les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle (PI) qui touchent au commerce (ADPIC). Il est décidé que tous les états membres de l’OMC sont soumis aux mêmes droits de PI sur les médicaments, quel que soit leur niveau de développement ou capacité à produire des médicaments. Le brevet sur les médicaments est légitimé par le droit international, et contrevenir à ce droit est un délit. C’est la mondialisation de l’appropriation des médicaments par les détenteurs de brevets. Il y a donc un avant et un après 1994. Les perdants ? Tous les pays ne possédant pas de capacités de produire des médicaments, principalement les pays du Sud. Les gagnants ? Les firmes pharmaceutiques des pays industrialisés. Les pays en développement ont demandé qu’une flexibilité soit introduite dans les ADPIC, pour protéger la santé publique de la population (Accord de Doha 2001). Depuis, les Firmes ont trouvé les moyens de contourner les dérogations au droit des brevets comme aux obligations des Licences d’office. Si Licence obligatoire est délivrée, une rémunération de compensation doit être attribuée au détenteur du brevet et les labos pharmaceutiques ripostent avec l’exclusivité des données cliniques (durée 10 ans).
En conclusion, à la question posée de quelles suites ? Un souhait général d’approfondir les diverses pistes alternatives aux brevets, de coopération avec les divers collectifs déjà constitués, qui ont produit des travaux dans ce champ d’intervention. Des questionnements ont été émis :
Pour les brevets, il serait intéressant de différentier ce qui est propre au médicament de ce qui est recherche sur diagnostic. Définir un domaine d’interdiction du brevetage dont le domaine du vivant. Les tentatives actuelles sont très graves. Les licences d’office n’empêchent pas les brevets sur le vivant : concept de biopiraterie.
Revenir sur les droits d’usage ; Peut-on substituer à la notion de brevets celle de reconnaissance intellectuelle ?
Bienvenue à toutes et tous, merci de votre présence, malgré la météo, pour cette rencontre et merci au Lieu-dit café culturel et associatif qui nous accueille.
La santé des populations à travers le monde ne serait se résumer à l’accès aux médicaments, nous avons bien conscience qu’elle est multifactorielle, conditions de vie, accès aux besoins vitaux que sont l’eau, l’électricité et l’alimentation, conditions de travail, environnement, mal bouffe, accès à un médecin et aux hôpitaux de proximité, sans oublier un aspect essentiel, la prévention des risques sanitaires.
Pour notre part, le groupe que nous avons constitué et que nous vous invitons à élargir, s’est attaché à traiter la question de l’accès aux médicaments, avec l’ambition de conjuguer nos efforts avec toutes celles et ceux qui ambitionnent de faire de l’accès aux soins un droit universel sorti des griffes de la finance.
Les prix provisoires de 2 anticancéreux innovants dépassent les 300 000 € par patient. Ces prix sont fixés par le laboratoire en attente de fixation du prix par le CEPS.
Il suffit également d’entendre le cri d’alarme de l’OMS : « La résistance aux antibiotiques constitue aujourd’hui l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement ». Et pourtant la très grande majorité des labos dont Sanofi ont abandonné les recherches dans ce domaine pour cause de rentabilité insuffisante.
Face aux prix stratosphériques de certains médicaments décidés par accord entre gouvernement /institutions d’état et Big Pharma, face aux ruptures de médicaments essentiels, à l’absence de traitement efficace comme de nouveaux antibiotiques, les professionnels de santé, associations, certains politiques, se font entendre en France et dans le monde. Où est l’utilité sociale ? L’industrie du médicament illustre l’emprise croissante des marchés financiers. Elle détourne notre système de santé et de Sécurité Sociale, pour accumuler des profits faramineux, alors qu’elle doit être au service de la santé publique et des patients.
Le brevet est le symbole de ce processus. Utilisés par les Big Pharma dans un « contrat social faussé » disposant d’une garantie publique, les brevets sont un outil, un instrument de chantage auprès des gouvernements, un support de spéculation pour des prix exorbitants. Les brevets n’ont pas toujours existé. A l’origine, ils visaient à protéger les découvertes. C’est en 1959, que les brevets, dans leur conception de préservation d’un monopole capitalistique, ont été instaurés.
Ceci conduit forcément à des constats inacceptables :
Le choix des axes de recherche en fonction du maximum de rentabilité conduisant à une impasse sanitaire ;
Le prix des médicaments constitue un handicap majeur dans les pays en développement, pour de nombreuses populations du monde et conduit à des surcoûts inacceptables pour les systèmes de santé.
Le brevet permet aux labos pharmaceutiques de rentabiliser au prix fort certaines, « plus ou moins », avancées technologiques avec interdiction, sauf acceptation du détenteur du brevet, de pouvoir utiliser ces connaissances. Ainsi se constituent des monopoles capitalistiques gigantesques dans le domaine du médicament comme dans celui de l’informatique et des communications.
Les multinationales prétextent que les brevets financent la recherche. Ce n’est absolument pas le cas au sein des multinationales de la pharmacie puisqu’elles suppriment toutes des milliers d’emplois : 6300 effectifs en France dans Sanofi en 2008 et 3500 au mieux en 2020, malgré le milliard € perçu par Sanofi en Crédit d’Impôt Recherche durant ces 10 dernières années. Autant de moyens qui manquent cruellement à la recherche publique.
Il est urgent de changer. L’idée clé de ce changement, c’est la maîtrise sociale et publique de la santé et des pouvoirs. De l’Assemblée nationale aux agences gouvernementales, dans les partis politiques, dans l’opinion publique, il faut faire avancer cette idée de maîtrise sociale de la santé. Les labos ne doivent pas être hors des choix et du contrôle du citoyen, alors que nous les finançons.
Des questions sont alors posées : qui décide ? Comment contrôler ? On devrait pouvoir en discuter avec le grand public, les professionnels de santé, les salariés… La transparence doit être un programme d’urgence : la visée c’est la santé de tous, quels sont les besoins, les choix de recherche, comment produit-on? Quels sont les coûts de production ? Tout ceci est aujourd’hui de manière inacceptable, sous le sceau du secret. Secrets, scandales, racket des patients et des organismes de sécurité sociale, destructions de projets de recherche, pillage légal du bien commun….Le temps est venu d’imaginer une société plus humaine et plus juste.
Médicament bien commun. Quelles conséquences ? Quels choix ? Qui décide ? Quel contrat social ? Peut-on breveter les biens communs ? En 1955, Jonas Salk, père du premier vaccin contre la poliomyélite, répondait à la question : qui détient le brevet : « Il n’y a pas de brevet. Pourrait-on breveter le soleil ? ». Au vue des expériences internationales (exemple Afrique du Sud en 2001, Procès de Prétoria), la Licence obligatoire est-elle une solution durable, suffisamment efficace contre les pressions des Big Pharma, pour combattre le prix faramineux des médicaments ?
Recherches, avancées des connaissances et des procédés de production du médicament sans brevet : une propriété intellectuelle pour la société, refusant la propriété marchande ? Comment sortir la recherche médicale de la captation des Big Pharma ? Quels moyens pour soustraire l’industrie pharmaceutique des exigences des actionnaires et du marché?
Quelles initiatives pouvons nous prendre (colloque, journée d’étude, ateliers), quelle dynamique pouvons nous créer pour faire converger toutes celles et tous ceux qui réfléchissent et agissent sur le médicament comme bien commun ?
Voici quelques suggestions, mais ne nous freinons pas – soyons inventifs. Il est urgent d’être audacieux – c’est de la santé, de la vie dont nous débattons.
Le temps est venu de rompre avec le système et d’imaginer une société plus humaine et plus juste.
Nous vous invitons à la lecture de cet article publié sur le site BASTA / PHARMA PAPERS
Par Olivier Petitjean
Mis en ligne le 16 janvier 2019
Les laboratoires pharmaceutiques n’ont plus grand chose à voir avec ce qu’ils étaient il y a cinquante ans, ou même il y a vingt ans. De plus en plus gros et de plus en plus financiarisés, ils sont devenus des machines à siphonner des milliards d’euros ou de dollars pour les redistribuer aux actionnaires, notamment les grands fonds de Wall Street.
En 1955, Jonas Salk, père du premier vaccin contre la polio, à qui l’on avait demandé à la télévision qui détenait le brevet sur cette découverte, avait eu cette réponse demeurée célèbre : « Eh bien, au peuple je dirais. Il n’y a pas de brevet. Pourrait-on breveter le soleil ? »
Soixante ans plus tard, en 2015, Martin Shkreli, jeune homme d’affaires new-yorkais venu de la finance, fait scandale en multipliant du jour au lendemain par 55 le prix de vente du Daraprim, de 13,50 à 750 dollars. Il venait de racheter les droits exclusifs sur ce médicament classé essentiel par l’Organisation mondiale de la santé, utilisé pour traiter la malaria ou le Sida. « C’est une société capitaliste, un système capitaliste, des règles capitalistes », explique alors celui qui finira quelques mois plus tard en prison (non pas pour crime contre la santé publique, mais pour avoir trompé des investisseurs…).
En soixante ans, l’industrie pharmaceutique a profondément changé.
En soixante ans, l’industrie pharmaceutique a profondément changé. Les fabricants de médicaments figurent désormais parmi les plus grosses multinationales au monde, aux côtés des firmes pétrolières ou automobiles. Elles sont aussi les plus lucratives pour les marchés financiers. Et ce n’est sans doute pas fini. Des médicaments sont mis sur le marché à des prix toujours plus onéreux. En 2015, le Sovaldi, un traitement contre l’hépatite C du laboratoire Gilead, était vendu en France 41 000 euros pour trois mois de traitement. Il est ainsi le premier médicament à avoir été de fait réservé par les autorités de santé à seulement une partie des patients potentiels en raison de son prix. Désormais, les prix de certains médicaments présentés comme innovants atteignent le demi-million d’euros ! Parallèlement, les plans de suppressions d’emploi se succèdent. Toujours en 2015, Sanofi en était à son troisième plan social depuis 2009. Le quatrième vient tout juste d’être annoncé….