Lors de la publication d’une enquête sur son site le 18 septembre 2025, l’UFC-Que Choisir dénonce un système qui met en péril l’accès aux soins.
Médicament Bien Commun partage à 100% ce constat ainsi que la dénonciation des logiques financières qui confisquent l’innovation et mettent en danger le système de santé. Effectivement, sous prétexte de « rémunérer l’innovation », le prix des nouveaux médicaments est monstrueusement élevé. Aussi, nous vous invitons à la lecture de cette enquête et article d’UFC-Que Choisir.
Nous pensons cependant que les préconisations énoncées après ce constat, sont insuffisamment conséquentes. C’est en particulier le cas de celle sur la fixation des prix au niveau européen, sous prétexte d’un pouvoir de négociation accru. La négociation sur les vaccins anti-covid l’a une nouvelle fois prouvé : cette négociation, sous pression des Big pharma, est à risque en particulier s’il s’agit d’un prix unique calé sur ce que peuvent et veulent les pays les plus puissants ; ce qui peut être difficilement soutenable pour les systèmes de santé de nombreux petits pays européens.
Nous pensons également que « l’activation de la licence d’office pour casser les monopoles en cas de prix abusifs », est bien faible face au monopole de brevets. Nous pensons nécessaire, en priorité, « de contester les accords de Marrakech (1994), qui ont légitimé les droits de propriété intellectuelle liées au commerce (ADPIC), appliqués aux médicaments, support juridique de leur monopolisation par les Big Pharma, pour leurs aspects négatifs sur l’accès aux médicaments et le droit à la santé ».
Il apparait par ailleurs difficile de réclamer une « Transparence totale sur les prix réels, les essais cliniques et les brevets » sans remettre en question le secret des affaires qui empêche d’intégrer les financements publics investis dans les différentes phases du cycle de vie des médicaments. Pourtant, le droit européen et français prévoit explicitement des exceptions à ce secret lorsqu’il s’agit de protéger l’intérêt général. Le droit à la santé étant reconnu comme un droit fondamental légitime pleinement l’accès aux données sur les financements publics, les coûts de R&D ou les prix nets des médicaments nouveaux.
Nous vous invitons à lire la suite et à donner votre avis.
Publié le 18 septembre 2025
Alors que les prix des médicaments flambent, notamment en cancérologie, l’UFC-Que Choisir alerte sur un cas emblématique des dérives du marché pharmaceutique : le Keytruda®, anticancéreux le plus vendu au monde. En France, son remboursement a coûté plus de 2 milliards d’euros en 2024, soit 5,2 % des dépenses de médicaments remboursables, tandis que son brevet lui assure un monopole jusqu’en 2031. L’exemple du pembrolizumab (Keytruda®) révèle à lui seul un système dévoyé, marqué par la financiarisation de l’innovation, l’opacité tarifaire et des monopoles prolongés. Une trajectoire explosive qui met en péril la soutenabilité du système de santé et l’accès équitable aux soins.
Des prix indécents, couverts par l’opacité
Jusqu’à 70 000 € par patient et par an : c’est le coût du Keytruda®, qui concerne près de 90 000 malades en France. Le prix affiché dépasse 2 000 € le flacon, mais les « remises » négociées entre l’État et les industriels sont gardées secrètes, au nom du sacro-saint secret des affaires. Une absurdité démocratique, insupportable dès lors qu’il s’agit de milliards d’argent public.
« Nous exigeons une transparence sur le prix de ce médicament, et des médicaments en général », martèle Marie-Amandine Stevenin, Présidente de l’UFC-Que Choisir. « Cette transparence est d’autant plus nécessaire que des analyses indépendantes estiment qu’un prix équitable du Keytruda® pourrait se situer entre 52 et 885 €, très loin des montants facturés à l’Assurance maladie. Dès lors, que payons-nous réellement ? ».
Une innovation confisquée par les logiques financières
Pour les industriels, ces prix mirobolants seraient justifiés par la valeur thérapeutique des nouveaux traitements. Mais l’Organisation mondiale de la santé constate qu’ils reflètent surtout la propension maximale à payer des systèmes de santé, bien plus que leur efficacité réelle.
De nombreux chercheurs montrent aussi que ces tarifs astronomiques traduisent également une histoire financière : rachats et fusions-acquisitions menées à coups de dizaines de milliards de dollars, multiplications et prolongations des brevets et spéculations destinées à garantir des retours sur investissement pour des acteurs privés, bien souvent à partir d’innovations issues de la recherche publique.
Finalement, les citoyens paient deux fois : une première fois pour financer la recherche fondamentale largement publique, et une deuxième fois via l’Assurance maladie, qui rémunère en plus les opérations financières attachées à ces innovations. En France, le cas du Zolgensma® contre l’amyotrophie spinale est emblématique de cette répartition inéquitable des risques et bénéfices. Une large part de la recherche fondamentale sur ce traitement vient du CNRS et de l’AFM Téléthon, mais le traitement n’en reste pas moins commercialisé en accès précoce à un prix affiché proche de 2 millions d’euros (pour une injection unique).
Des choix qui affaiblissent tout le système de santé
Chaque euro dépensé pour ces blockbusters (1) pharmaceutiques hors de prix est un euro qui n’est pas investi ailleurs : hôpitaux, personnels, équipements. En 2023, les dépenses en médicaments remboursables se sont élevées à 36,5 milliards d’euros. Pour absorber l’explosion des nouvelles thérapies onéreuses, l’État impose chaque année des économies sur les génériques et biosimilaires, pourtant essentiels et efficaces. Résultat : désindustrialisation, délocalisations massives vers quelques usines en Asie, déjà saturées par la demande mondiale, et dépendance accrue, qui provoquent des pénuries récurrentes.
Fin 2024, près de 400 présentations de médicaments étaient en rupture de stock en France. Ces pénuries ne sont pas anecdotiques : elles concernent parfois des traitements vitaux pour l’hypertension, l’épilepsie ou certains cancers. Autrement dit, les blockbusters surpayés ne menacent pas seulement la soutenabilité financière, ils fragilisent dès aujourd’hui l’accès aux médicaments essentiels.
Réformer en urgence une économie pharmaceutique à la dérive
Face à ces dérives, l’UFC-Que Choisir appelle à une réforme profonde des politiques du médicament et formule des propositions claires pour replacer la transparence, la régulation et la justice sociale au cœur de la santé publique :
- Transparence totale sur les prix réels, les essais cliniques et les brevets ;
- Négociation européenne des prix pour peser plus fort face aux laboratoires ;
- Évaluation indépendante et rigoureuse de la réelle valeur thérapeutique des médicaments ;
- Faire que les financements de la santé et des soins y soient pleinement consacrés, y compris dans la négociation des prix des médicaments ;
- Activation de la licence d’office pour casser les monopoles en cas de prix abusifs;
- Relocalisation de la production des médicaments essentiels pour garantir l’approvisionnement.
L’UFC-Que Choisir défend sans relâche un principe simple : l’accès aux meilleurs soins doit rester un droit universel, et non un marché captif au service des profits privés.