Pénuries, racket de la sécu par les labos: “il faut un pôle public du médicament”

Débat animé par Mathieu Magnaudeix de Mediapart A l’air libre, avec la participation de:

  • Rozenn Le Saint, journaliste, auteure de “Chantage sur ordonnance, comment les labos pharmaceutiques vident les caisses de la sécu”, aux éditions du Seuil
  • Irène Frachon, pneumologue et lanceuse d’alerte, auteure de “Mediator, un crime chimiquement pur “, aux éditions Delcour
  • Olivier Maguet, Médecins du Monde
  • Damien Maudet, député La France Insoumise

Bonne écoute …

Vous pouvez réagir, donner votre opinion sur ce débat, apporter un témoignage, en écrivant un commentaire en fin d’article.

 

Nous Personnel-le-s et Usager-ère-s de la Santé, du Social et du Médico-social, Nous vous accusons !

Nous Personnel-le-s et Usager-ère-s
de la Santé, du Social et du Médico-social,

Nous vous accusons !

Vous, Emmanuel Macron et les gouvernements précédents, d’avoir mené des politiques mettant désormais en péril la santé de la population, dans toutes ses dimensions, physique, psychique et sociale.

Nous vous accusons d’avoir fait dangereusement progresser les déserts médicaux. Ainsi, 15 millions de personnes n’ont plus accès à un médecin traitant et les délais d’obtention d’un rendez-vous chez un spécialiste ou un paramédical, orthophoniste, kiné… s’allongent indéfiniment

Nous vous accusons d’avoir multiplié les obstacles financiers à l’accès aux soins : dépassements d’honoraires qui atteignent 3,5 milliards d’euros en 2021, franchises médicales, forfaits, restes à charge, remise en cause de l’AME pour les sans-papiers. Avec pour conséquence 30% des personnes qui reportent leurs soins et une forte progression des tarifs des mutuelles.

Nous vous accusons d’avoir organisé la casse de l’hôpital public, comme l’ont révélé la crise covid et la crise des Urgences

  • Suppressions massives de lits (4100 en 2021 en pleine pandémie), fermetures de services d’accueils d’urgence, de maternités, de centres d’IVG, démantèlement des hôpitaux de proximité vidés de la plupart de leurs activités, ayant abouti à priver des territoires entiers d’accès aux soins hospitaliers
  • Destruction du secteur psychiatrique public ne permettant plus la continuité des soins psychiques en hospitalisation et en ambulatoire
  • Concentration des établissements sanitaires et sociaux, privatisation et marchandisation rampante
  • Etranglement financier et gestion de l’hôpital comme une entreprise de production, dont la tarification à l’activité (T2A) est la signatureNous vous accusons d’avoir institué des politiques managériales génératrices de souffrance pour les personnel-le-s, non reconnu-e-s, maltraité-e-s, contraint-e-s à la démission, et de faire preuve de mépris vis-à-vis de ces métiers féminisés sous-payés du soin et de l’accompagnement.Nous vous accusons de mettre en œuvre une déshumanisation du soin, de l’accompagnement médico-social et social, par une protocolisation à outrance et des pratiques inadmissibles et dégradantes d’isolement et de contention qui se multiplient en psychiatrie mais aussi dans les EHPADs et dans d’autres secteurs de soins.Nous vous accusons d’avoir fait le choix de l’austérité budgétaire conduisant à une insuffisance criante de soignant-e-s et de personnel-le-s dans tous les secteurs de la santé du médico-social et du social.

    Nous vous accusons de carences graves dans les politiques d’accompagnement et de soins des personnes en perte d’autonomie, à domicile et en institution comme le scandale Orpéa l’a encore démontré.

Nous vous accusons d’inaction coupable face aux pénuries de médicaments, aux prix scandaleux exigés par les laboratoires pharmaceutiques qui ponctionnent la Sécurité Sociale, aux scandales sanitaires.

Nous vous accusons d’avoir laminé la médecine préventive à l’école et au travail, supprimé les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et d’avoir abandonné une authentique politique de prévention sanitaire (malbouffe, maladies professionnelles et accidents de travail, pollution de l’air, pesticides, pollutions industrielles, pandémies, filtration de l’air intérieur, …).

Nous vous accusons d’inaction coupable face aux inégalités sociales de santé.

Nous vous accusons d’avoir considérablement affaibli la Sécurité sociale par des exonérations récurrentes de cotisations sociales pour les entreprises.

Nous vous accusons de conduire des politiques sociales déshumanisantes, maltraitantes envers les populations et les personnel-le-s de la santé du social et du médico-social, d’avoir oublié qu’une politique de santé et de prévention se bâtit avec les populations.

Personnel-le-s et Usager-ère-s, mobilisons-nous tou-te-s ensemble, pour contrer ces politiques et porter nos exigences :

  • D’un accès aux soins et à un accompagnement social pour toutes et tous sur tout le territoire sans discrimination financière, géographique, culturelle, numérique, sociale, de genre, d’origine et de situation administrative.
  • De la suppression des dépassements d’honoraires, vers la suppression des restes à charge.
  • D’un Service public de santé de premier recours sur tout le territoire avec ouverture de centres de santé pluriprofessionnels, pour permettre une répartition des professionnel-le-s de santé en fonction des besoins.
  • D’un Service public hospitalier présent sur tout le territoire, répondant à l’ensemble des besoins de la population.
  • De réouvertures de lits, de services, d’hôpitaux de proximité, de maternités, de centres d’IVG…partout où cela est nécessaire, selon les besoins définis par les professionnels (médecins ou non), les usager-ère-s, associations, élu-e-s…
  • D’un accès direct à un service d’urgence à moins de 30 minutes.
  • Du retour à une réelle politique de secteur en psychiatrie.
  • D’un arrêt des fermetures de lits et de services.
  • De la définition d’un nombre maximum de patient-e-s par soignant-e et par activité, co-élaboré avec les équipes soignantes et les usager-ère-s
  • D’un plan de formation à la hauteur des besoins, de l’instauration d’un pré-salaire étudiant, de moyens octroyés immédiatement pour ouvrir les places nécessaires dans les écoles et universités.
  • De recrutements à la hauteur des besoins, co-évalués par unité avec les personnel-le-s, usager-ère-s, dans tous les établissements sanitaires et médico-sociaux
  • De la reconnaissance des professionnel-le-s de santé par des mesures salariales et statutaires prenant en compte l’engagement, la responsabilité, la formation et la pénibilité.
  • De la participation effective aux décisions des personnel-le-s, de toute catégorie, de santé, du social et du médico-social, et des usager-ère-s.
  • De la reconnaissance du médicament comme bien commun, et non comme marchandise, pour permettre un accès au meilleur prix.
  • De la reconquête et du renouvellement de la Sécurité Sociale, avec un 100% Sécu, un financement à la hauteur des besoins, le retour à une gestion par les représentant-e-s des usager-ère-s et assuré-e-s sociaux.
  • De la sortie de la gestion marchande du système de santé et de la politique d’austérité imposée par l’ONDAM (Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie), avec son enveloppe fermée qui empêche de répondre à la satisfaction des besoins.
  • D’une modification de la loi de finance de la Sécurité Sociale dans l’urgence, dès 2023, et d’une augmentation des budgets.Il y a urgence à défendre le droit à la santé, à l’accès aux soins, à l’accompagnement social et à une protection sociale de qualité pour tous et toutes, c’est une exigence d’égalité !

Personnel-le-s, Usager-ère-s, participons nombreux-ses aux initiatives portant ces propositions et revendications et en particulier

Le 8 mars, journée internationale des droits des femmes,
Dans la semaine du 7 avril journée mondiale de la santé,
Le 13 mai la manifestation nationale pour les services publics à Lure.

Premiers signataires

Associations et collectifs : Act Up Sud-Ouest, Association des Médecins Urgentistes de France, Appel des appels, Association ETM46, Association nationale des sage-femmes orthogénistes, ATTAC, Coordination des Associations pour le Droit à l’Avortement et à la Contraception, CapitalExit, Cerises la coopérative, Collectif CIVG Tenon, Collectif National Droit des Femmes, Collectif antisanofric, Collectif Inter-Urgences, Comité Ivryen pour la santé et l’hôpital public, Comité de Vigilance des Services publics de Haute-Saône, Confédération internationale solidaire et écologiste, Convergence nationale des collectifs de défense et de développement des services publics, Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, Europe solidaire sans frontières, Femmes égalité, Fondation Copernic, La santé n’est pas une marchandise, LaSantéUnDroitPourTous, Le fil conducteur psy, Médicament bien commun, People’s Health Movement France, Planning familial de Loire-Atlantique, Planning familial du Val de Marne, Printemps de la psychiatrie, Printemps du CARE, Résistance sociale, Stop précarité

Syndicats : Fédération CGT Santé Action Sociale, Fédération des Orthophonistes de France, Fédération Syndicale Unitaire (FSU), Fédération Sud Collectivités territoriales, Fédération Sud Education, Fédération Sud Santé Sociaux, Solidaires, SUD Chimie Sanofi Montpellier, Syndicat National des Infirmier(e)s Conseiller(e)s de Santé-FSU, Syndicat de la Médecine Générale, Union Fédérale Médecins Ingénieurs Cadres Techniciens-CGT Santé Action Sociale, Union syndicale de la psychiatrie,

Avec le soutien des organisations politiques : ENSEMBLE!, Europe-Ecologie Les Verts, Génération.s, Gauche écosocialiste, France insoumise, Nouveau Parti Anticapitaliste, Parti Communiste Français.

contact : notresanteendanger2avril@gmail.com

Retraite à 64 ans, pillage de la sécurité sociale …pour leurs profits

Il est possible de se saisir des réunions d’information contre la “réforme des retraites”, pour faire le lien, retraite à 64 ans/Sécurité sociale, et montrer que les exonérations de “charges patronales” en appauvrissant les Caisses de retraite, poussent les salariés (qui le peuvent) à souscrire aux Fonds de pension.  Les Big Pharma, qui se sont enrichis grâce au remboursement de leurs médicaments, organisent leur pénurie afin de spéculer, à l’échelon européen, sur le “marché” de notre santé, au détriment de notreSécurité sociale. Ils poussent, eux aussi, à souscrire auprès des assurances… (pour ceux qui peuvent)

 A l’Ile St Denis (93450), minuscule commune populaire de 7.800 habitants (60% d’abstentions aux présidentielles au 1er Tour), s’est tenu à l’initiative du Maire (S.E.), un rassemblement visant à mobiliser la population contre la retraite à 64 ans, en présence du Député Eric Coquerel (LFI) et d’une quarantaine de personnes dont la diversité était assez proche de celle présente dans les manifs, et d’une journaliste de l’Humanité Dimanche. Un syndicaliste (CGT) ouvre le feu en rappelant à quel point ces 4 ans de plus, seront destructeurs sur les salariés déjà usés par leurs conditions de travail et de vie. Le prétexte du déficit annoncé, des Caisses de retraite (environ 13 Mds€) est alors rapproché du volume total du budget des Caisses de retraites (400 Mds€ environ). Ce rapprochement permet d’en souligner l’insignifiance (3% environ).

Le budget global des Caisses de Retraites et celui de la Sécurité sociale, représentent un total de 650 Mds€ environ (proche de celui de l’État). De quoi susciter la convoitise des financiers. Résultat de décisions gouvernementales régulièrement renouvelées, les exonérations de “charges sociales patronales” (35 Mds€, près de 3 fois le “déficit” prétendu), sont prélevées sur les salaires BRUTS. Elles appauvrissent d’autant Sécurité sociale et Caisses de Retraite. Or, ces cotisations sociales sont bien LA propriété des salariés puisque prélevées sur le salaire global (le brut). En parallèle, JAMAIS n’est évoqué l’enrichissement des actionnaires des laboratoires, grâce au remboursement, depuis 1946, de leurs médicaments par la Sécurité sociale. Ainsi SANOFI, en 2021, a versé 4,5Mds€ de dividendes. La Sécurité sociale, dans son ensemble, et les cotisations des salariés, solidaires, qui les alimentent, seraient-elles au service du profit des actionnaires au lieu de rester, exclusivement, au service de notre santé ?

De plus, en pleine épidémie COVID, SANOFI continue de licencier chercheurs et techniciens. SANOFI réprime les syndicalistes qui s’opposent à cette liquidation. SANOFI, comme les autres laboratoires, organise les pénuries de médicaments (Amoxicilline ou Paracétamol …) en France, pour les vendre, plus chers, ailleurs en Europe. Notre santé n’est pas une marchandise. L’indépendance sanitaire, au service des seuls patients, est seule, garante de la recherche libre de molécules nouvelles, et de leur mise en circulation au prix de revient, hors dividendes parasites. Notre santé n’est pas une marchandise : elle est nôtre, notre survie en dépend. Notre santé n’est pas objet de spéculation.  Les 3.000 meurtres du Médiator le prouvent, comme le prouve la mort des 1.500 enfants hémophiles irakiens, tués  par du sang, que l’on savait contaminé par le VIH, en 1989, par un laboratoire français. Notre santé doit donc être installée hors du Marché, donc hors du profit de quelques-uns.

PS:  [A postériori, il est tentant de rapprocher la centaine de victimes rescapées du séisme en Turquie, parmi 40.000 victimes ensevelies, au prix de l’effort solidaire de centaines de sauveteurs (Macron et ses supports, diraient “le coût” !!), pour mesurer l’énormité des actes du Médiator ou du sang contaminé VIH, pour servir le profit. En Turquie, il n’était aucunement question de la profitabilité de cette action, seulement de vies humaines…]

Contribution de Michel MOUREREAU

Servier ou le contraire de Primum non nocere

Face à un crime chimiquement pur comme celui du Mediator, au-delà de la culpabilité débattue actuellement en Cour d’appel au pénal début 2023, et l’indemnisation des victimes, la réponse appropriée ne devrait-elle pas passer par la socialisation des moyens de recherche, de production et de distribution de ce groupe pharmaceutique ? Le médicament sorti de la sphère marchande, dépouillé des brevets qui l’empêchent de répondre aux besoins de santé publique servirait le bien commun… Alors, premièrement il ne pourrait pas nuire.

Mais laissons Irène Frachon, pneumologue et lanceuse d’alerte, nous présenter cet ouvrage remarquable, « Mediator, un crime chimiquement pur », un album dessiné et colorisé, fruit d’un travail collectif qui vous relate comment des dérivés d’amphétamines recyclés en coupe-faim puis en antidiabétique, ont occasionné la mort et les handicaps de milliers de personnes victimes d’hypertension artérielle pulmonaire ou de valvulopathies cardiaques, bien souvent des femmes qui voulaient perdre quelques kilos. Sous des noms commerciaux divers et sur plusieurs continents, ils permirent à Servier de se hisser à la 9ème place des fortunes de France tout en recevant à plusieurs reprises des médailles du mérite et la légion d’honneur… À vous de vous faire une opinion !

Interview d’Irène FRACHON sur France Bleu Breizh

https://www.dailymotion.com/video/x8gv2t5

Regardez « Mon album breton » par Irène FRACHON, lanceuse d’alerte, sur France 3

https://youtu.be/xfRylaAnFTA

Sasufi ! Un Médiateur de Santé, avec son grain de folie.

Pour les Communs de la Santé

Quand un grain de sable s’invite, sous la forme d’un neuroleptique, dans le cerveau d’un salarié de BigPharma au psychisme jusque-là formaté. Cette conférence gesticulée nous invite à partager le parcours d’un scientifique dans le domaine de l’industrie pharmaceutique.

La conférence est donnée « sous chapeau » qui est reversé à l’association PAGO, Pairs Aidants du Grand Ouest, le collectif ACCES, Accueil Civique Culturel Economique et Social, ou bien le collectif MBC, Médicament Bien Commun.

Sasufi ! – Catalogue & Agenda des Conférences gesticulées

Les enjeux du « virage numérique de la santé »

La rencontre – débat, organisée par Sciences critiques et Médicament bien communen partenariat avec l’Université du bien commun à Paris,

Quelle santé publique pour demain ?

Comprendre et analyser les enjeux du « virage numérique de la santé » et ses alternatives possibles

s’est tenue le 19 novembre 2022, au Maltais Rouge, Paris

L’objectif était de tenter de comprendre et analyser les enjeux et les alternatives possibles au « virage numérique de la santé ». De mettre en débat les questions : Faut-il systématiser l’utilisation du numérique ? Qui en est le vrai bénéficiaire ? Quel modèle économique représente cette numérisation, quel est l’impact sur l’avenir de notre système de soins, voire de notre société ? Comment le réguler pour éviter toutes les dérives délétères.

Au cours de la première table ronde,  ont été abordés  le vécu et le ressenti des usagers et des professionnels du secteur de la santé, ainsi que l’impact de la numérisation sur les soins de santé et sur la santé publique.

Participaient à cette table ronde :

Stéfania Marsella, assistance sociale, chargée de projets à la fédération des maisons médicales, Maison Médicale Calendula.

Christophe Prudhomme, médecin urgentiste, conseiller CNAM.

L’animation a été assurée par Annie Flexer, membre de Médicament Bien Commun

Les échanges, enregistrés par Fréquence Paris Plurielle  (106.3 MHz ou rfpp.net), peuvent s’écouter à partir du lien suivant vivelasociale.org/les-emissions-recentes  

LES EMISSIONS RÉCENTES au 1er décembre

Sanofi: mouvement de grève inédit

En réponse à une inflation estimée à plus de 6% (dont 12 à 20% pour l’alimentaire et l’énergie), mais qui dépassera probablement les 10% en 2023, Sanofi n’a consenti, lors des dernières NAO (négociations annuelles obligatoires) avec les syndicats, qu’une augmentation de 4 % des salaires pour les non-cadres et de 3 % pour les cadres, ainsi qu’une prime de 2 000€.

En 10 ans, les salaires des employés de Sanofi n’ont augmenté que de seulement 2%, alors que l’inflation sur cette période progressait d’environ 10 %. Cette absence d’augmentation collective et un salaire d’embauche au rabais font que les minimas salariaux dans le groupe Sanofi ont diminué entre 2014 et 2019. Ce qui n’empêche pas Paul Hudson, Directeur Général de Sanofi, dans un courrier aux salariés (document de référence de 2021), de prétendre que les salaires de base annuels dans son groupe sont supérieurs à la moyenne nationale de l’industrie pharmaceutique. C’est incontestable pour lui, qui figure dans le top 5 des dirigeants du CAC40 les mieux payés en 2021, avec 10,98 millions d’€ à lui seul.

Dans ce contexte, a éclaté le 14 novembre 2022 une grève pour revendiquer une augmentation des salaires de 10%, assortie d’une prime de 10 000 € pour tous, ainsi que l’intégration d’au moins les 2/3 des précaires (3700 précaires dans le groupe Sanofi en France).

Ce mouvement, initié par la CGT, rejointe par les syndicats FO, CFTC et CFDT, s’est étendu de la recherche à la production, en passant par la distribution, à 16 sites, incluant celui de Vitry où travaillent 2000 salariés. Quoique d’une ampleur inédite, cette grève a d’abord été minimisée par la direction de Sanofi, qui a déclaréqu’elle n’avait aucun impact sur la production en cours des produits pharmaceutiques. Elle ne fait pas non plus la une des grands médias, muets sur les nombreux conflits sociaux actuels, quand ils ne les dénigrent pas pour la gêne occasionnée pour la population.

Devant le peu de prise en considération des revendications, somme toute légitimes, des grévistes de Sanofi, les syndicats se demandent, s’il ne faut pas bloquer le périphérique pour être entendus[1]. Ce qui ne manquerait pas d’être décrié par les tenants de l’information, comme une escalade de la violence visant à nuire au quotidien des Français, et mise sur le compte d’une « minorité » que représentent les syndicats du groupe.

Voir les grands émois suscités par les longues queues d’attente des automobilistes devant les stations-service suite au blocage des raffineries de TotalEnergies  en octobre : aussitôt avait été dénoncé « l’abus de pouvoir » des syndicats, une « minorité d’individus » qui prenait en otage ceux qui se lèvent tôt, en les empêchant de se rendre au travail.  Sans signaler la responsabilité des dirigeants de Total, qui dans le même temps affichait des bénéfices record (17,3 milliards € sur les 9 premiers mois de 2022). La direction de TotalEnergies a cependant été contrainte de revoir sa copie.

C’est bien le couplet habituel de la « prise d’otage » des français, confrontés à la pénurie de Doliprane, qu’utilise Paul Hudson, en durcissant le ton face à la durée du mouvement, dans un document destiné à l’ensemble des salariés (Note interne du 6/12/2022) : « Le droit de grève consiste à cesser collectivement le travail, et non à volontairement interférer ou bloquer la livraison de médicaments. (…) Ce type de blocages par une minorité de grévistes (…) sont tout simplement irresponsables et illicites. Ils ne seront pas tolérés ».

La ficelle est un peu grosse : reporter sur les grévistes la responsabilité d’une mise en danger de la population par le manque d’accessibilité des produits de santé.

Les ruptures de stock de médicaments ne font que s’accroître depuis une décennie, pour atteindre aujourd’hui un seuil critique, avec les pénuries d’antibiotiques comme l’Amoxicilline, essentiel dans les prises en charge des pathologies des jeunes enfants (bronchiolites, otites).  Elles s’ajoutent à l’arrêt de la production ou de la vente, ces dernières années, de dizaines de médicaments jugés insuffisamment rentables. Certains sont pourtant d’intérêt thérapeutique majeur, tel  l’Immucyst, vaccin thérapeutique très efficace contre le cancer de la vessie, arrêté définitivement par Sanofi en 2019, malgré la protestation des urologues. Par ailleurs, les médicaments sont négociés à des prix exorbitants, ce qui les rend plus difficile d’accès pour les patients. En exemple, le prix des insulines aux USA, dont le Lantus de Sanofi, qui, en 8 ans, est passé de 99 à 269 € (entre 2010 et 2018).

Toutes ces mesures s’inscrivent dans les politiques libérales appliquées depuis plusieurs années, d’une financiarisation à outrance des activités liées à la santé, les transformant en une gigantesque source de profits pour les Big Pharma. Pfizer a doublé son bénéfice net en 2021, à 22 milliards de dollars, principalement grâce à la vente de son vaccin contre le coronavirus, Sanofi affiche en 2021 un bénéfice net des activités de 8,1 milliards d’€, en hausse de 11.8 %, pour ne citer que ces deux exemples. Ce modèle économique des entreprises du médicament est pourtant rarement remis en cause dans l’opinion publique.

Ce ne sont pas les grévistes, en lutte depuis le 14 novembre, qui sont à l’origine de cette impossibilité, pour des dizaines de milliers de patients, de bénéficier de traitements adaptés. Au contraire, c’est leur force de travail qui assure la production des médicaments et vaccins, et permet à Sanofi d’atteindre 38 milliards de chiffre d’affaires en 2021 et de distribuer 4 milliards d’€ de dividendes à ses actionnaires. Ce qui autorise cette entreprise à prévoir une hausse de 16% d’augmentation des dividendes à destination des actionnaires en 2022.

Dans le même temps les salariés ont à subir les décisions, prises pour satisfaire l’insatiable appétit des actionnaires, de délocalisations de production, de fermetures de sites (fermeture de 9 centres de recherche et d’une usine de production en France), de réduction des effectifs (Sanofi a réduit de 28% ses effectifs en CDI entre 2008 et 2022). Ils sont malmenés de restructurations en restructurations, tout en étant incités à donner le meilleur d’eux-mêmes pour que l’entreprise reste dans le top 10 des multinationales de la pharmacie. En échange de quoi les salariés subiraient une baisse effective de leur revenu (augmentation de salaires de 3 à 4%, bien inférieure à l’inflation) alors que les actionnaires verraient leurs dividendes continuer à croître bien au-delà de l’inflation (+16%).

Les salariés ne font que revendiquer une juste rémunération et une meilleure répartition des richesses. Saluons leur courage et leur détermination. Aidons-les en dénonçant aussi souvent que possible la toxicité, pour l’ensemble de la société, des politiques néolibérales menées à l’échelle internationale et incarnées en France par l’exécutif actuel. Elles favorisent l’usurpation des pouvoirs dans les entreprises par une minorité de financiers/rentiers, et l’accaparement de la totalité de la valeur ajoutée produite par les acteurs de terrain que sont les chercheur-se-s, ingénieur-e-s, technicien-ne-s, ouvrier-e-s, considérés comme de simples variables d’ajustement.

Médicament Bien Commun – 14-12-2022

[1] https://www.lamarseillaise.fr/france/la-greve-dans-16-sites-sanofi-est-historique-JA12749819

Quelle santé publique pour demain ? Comprendre et analyser les enjeux du « virage numérique de la santé » et ses alternatives possibles

Rencontre – débat

organisée par Sciences critiques et Médicament bien commun en partenariat avec l’Université du bien commun à Paris

Samedi 19 novembre 2022 de 14 h 30 à 18 h 30

Accueil à partir de 14 h

au Maltais rouge

40 rue de Malte – 75011 Paris

Inscription : https://framaforms.org/quelle-sante-publique-pour-demain-1666207583

Le numérique investit et envahit tous les secteurs de notre vie. L’application des services du numérique au domaine sensible de la santé, appelée communément « e-santé », selon la définition de l’OMS, est présentée par les pouvoirs publics comme une stratégie pertinente pour accroître l’efficacité des systèmes et services de santé tout en réduisant la dépense publique. Son développement suscite cependant un accueil partagé, tant de la part des patients (malades ou potentiels) que des professionnels de la santé, mais aussi des économistes, techniciens, politiques, philosophes.

La chirurgie robotique, la consultation à distance ou le dossier médical partagé peuvent être considérés comme des avancées technologiques qui permettent d’accroître l’efficacité des soins de santé. Demeurent des critiques et questions concernant la disparition du face à face soigné-soignant, la mise en péril du secret médical, la confidentialité et les utilisations des données personnelles.

Comment distinguer les croyances des réalités qui nous échappent, et apprécier les impacts réels de la numérisation dans le secteur de la santé sur l’avenir de notre société, nos droits fondamentaux et notre intimité ? Quels sont les enjeux éthiques de ce virage numérique ? Entre progrès technique et intérêts économiques, qu’advient-il de la santé, bien essentiel de l’être humain ?

Nous tenterons de comprendre et analyser ces enjeux et les alternatives possibles à ce « virage numérique de la santé », au cours de deux tables rondes portées par

– les usagers : le vécu et le ressenti des usagers et des professionnels du secteur de la santé, l’impact de la numérisation sur les soins de santé et sur la santé publique.

– les observateurs et analystes : l’utilisation des données de santé, les risques de dérives et les alternatives envisageables pour une gestion régulée, dans le respect des droits humains fondamentaux.

Chaque partie comprendra l’intervention d’acteurs, analystes et témoins des faits étudiés, et une large part sera accordée au débat avec le public.

Programme

14 h – Accueil

14 h 30 – Introduction

Eliane Mandine, Médicament bien commun ; Anthony Laurent, Sciences critiques

14 h 40 – Table ronde 1 – Vu du terrain : le numérique au quotidien, vécu des patients et des soignants

Animation : Annie Flexer, Médicament bien commun

Avec :

Stéfania Marsella, assistance sociale, chargée de projets à la fédération des maisons médicales, Maison Médicale Calendula ;

Christophe Prudhomme, médecin urgentiste, conseiller CNAM ;

15 h 30 – Débat avec le public

16 h – Pause

16 h 15 – Table ronde 2 – Le numérique dans la santé : enjeux, risques, alternatives

Animation : Anthony Laurent, Sciences critiques

Avec :

Florence Gaillard, journaliste ;

Sylvain Delaitre, ingénieur chercheur, représentant la CGT au comité Cyber du Conseil national de l’industrie

Juliette Alibert, juriste, spécialiste des données de santé, Association InterHop ;

Benoît Piedallu, membre de La Quadrature du net ;

17 h 40– Débat avec le public

18 h 20 – Conclusion

Partenaire

Nos sites web :

https://sciences-critiques.fr/   https://medicament-bien-commun.org/

https://www.universitebiencommun.org/

Des Big Pharma aux communs

Gaëlle Krikorian

Petit vadémécum critique de l’économie des produits pharmaceutiques

page1image43389648

La crise de la COVID illustre de façon presque caricaturale ce qui, dans l’économie des produits pharmaceutiques, nous condamne à restreindre inexorablement le nombre des personnes qui ont accès aux innovations de santé – dans les pays pauvres comme dans les pays riches. Changer de trajectoire, et éviter la multiplication du tri sur une base économique, impose de comprendre précisément les dysfonctionnements, déséquilibres et abus actuels pour proposer d’autres manières de fabriquer et de gouverner les produits dont peuvent dépendre nos vies.

Quels sont les symptômes qui affectent l’économie des médicaments ? Quels diagnostics peut-on établir sur la base de ces manifestations de dysfonctionnements ? Quels pourraient être les traitements à apporter à ce système en déroute ? Un ouvrage bref et concis qui fournit des arguments solides pour une réinvention de l’économie des produits pharmaceutiques.

Docteure en sociologie à l’EHESS, Gaëlle Krikorian alterne les phases de recherche, de conseil politique et d’engagement dans la société civile. Ses travaux portent sur les mobilisations sociales, les politiques publiques et la globalisation, autour de questions de santé. Elle a été conseillère pour le groupe des Verts au Parlement européen à Bruxelles, puis directrice des politiques pour la Campagne d’accès aux médicaments essentiels (CAME) de Médecins sans frontières (MSF). Son implication dans les luttes pour l’accès aux médicaments date de son engagement à Act Up.

Contact médias : Antoine Bertrand antoinebertrand1@gmail.com Diffusion/Distribution : Harmonia Mundi www.luxediteur.com

L’informatique hospitalière ou la dérive vers le privé

Les années 80

Dans les années 80, l’informatique hospitalière était limitée à la paye, à la facturation. L’informatique était gérée par les CRIH (Centre Régionaux d’Informatique Hospitalière), les développements étaient pour la plupart nationaux et réalisés par le CNEH (Centre National de l’Expertise Hospitalière). Chaque hôpital contribuait, par le biais d’une cotisation, au fonctionnement de ces centres. Les CRIH développaient aussi des solutions, orientées télétraitement et les mettaient à disposition des hôpitaux ou d’autres CRIH. Les participations aux développements se faisaient par conventions entre les hôpitaux, permettant de mutualiser les coûts.

C’est aussi la période où les hôpitaux développaient leurs infrastructures autour de « hosts » (Bull ou IBM). L’offre était limitée, la couverture fonctionnelle administrative (gestion du personnel, gestion comptable, gestion du dossier administratif du patient). Jusqu’à la fin des années 80, l’offre publique s’est progressivement développée afin de commencer à prendre en compte le dossier médical, le dossier infirmier, les prises de rendez-vous.

Tandis que les gros hôpitaux ouvraient petit à petit leur couverture fonctionnelle, les établissements plus petits peinaient à la mise en place de solutions. Les développements n’étaient pas coordonnés au niveau du ministère de la santé, des offres publiques, concurrentielles entre elles virent le jour. Des forums d’informatiques hospitaliers permettaient à chaque hôpital de présenter ses développements.

La somme des budgets alloués aux services informatiques dans les hôpitaux subit une première explosion. En 1991, l’IGAS fut missionnée pour faire une « Mission d’audit de l’informatique Hospitalière et d’évaluation de la Politique publique en ce domaine »[1].

Les années 90 et 2000

L’audit de l’IGAS fut confié à la société Bossard Consultants, société contrôlée par le groupe Cap Gemini. Cet audit dénonça l’émiettement de l’offre, les coûts importants, les objectifs non atteints, tout en relevant la pertinence d’un GIE référence, GIE intimement lié à Cap Gemini (« Cap Sesa Informatique Hospitalière »).

Dans ses conclusions, l’IGAS souhaitait une meilleure coordination des offres publiques afin de permettre les coopérations pour développer la couverture fonctionnelle, notamment autour du dossier patient. Elle alertait sur un risque « … fort de voir les sociétés privées “acheter” par ce biais, et en dehors de toute mise en concurrence, une clientèle alors que les centres producteurs déclineraient » alors que paradoxalement dans sa gestion actuelle ce projet risque d’être le “cheval de Troie” d’une offre particulière, celle de Cap Sesa Informatique Hospitalière. En page 58 de l’audit, toutes les propositions allaient dans le sens d’une offre publique, pour limiter les coûts. La plupart de ces propositions n’ont pas été suivies.

Dans les années qui ont suivi, faute de prise en compte des propositions de l’IGAS, une offre concurrente privée, s’est développée. Un cas type est celui de la société « Pyrénées informatique », offrant une solution intégrée sur AS400. IBM, voyant une opportunité de marché a racheté cette société puis a délaissé l’offre privée en logiciels hospitaliers, faute de rentabilité.

Siemens s’est très vite porté acheteur de cette offre, vendue par IBM, y voyant un moyen d’acheter un « portefeuille hospitalier existant » et arrêta rapidement la maintenance de la solution existante pour obliger les sites hospitaliers à installer son offre propre « Clinicom » venue des USA. Tous les hôpitaux s’étant engagé sur AS400 se trouvaient face à une obligation de migration, avec les coûts que cela représente… Et quelques années plus tard (2011) Siemens vendit à son tour son portefeuille « Clinicom » à la société « Intersystem » qui s’empressa de tuer la solution pour la remplacer par sa solution « Trakcare » venue des USA.  À chaque revente, les hôpitaux se retrouvaient captifs, comme l’avait prévu l’audit de 1991, à chaque migration obligatoire, les hôpitaux faisaient exploser leur budget informatique.

Parallèlement, des grosses sociétés, souvent dirigées par des multinationales virent dans cette désorganisation de l’informatique hospitalière un marché juteux. Le libre choix des hôpitaux, puis l’obligation de mettre en concurrence les solutions publiques et privées ouvrit le marché à ces sociétés à vocation lucrative.

La situation actuelle

Une offre complète, trop complète

L’informatique est dorénavant partout, dans toutes les unités de soins, les sociétés privées ont trouvé peu à peu leur créneau, leur spécialité.

Quel que soit le domaine, la spécialité médicale ou médico-technique, il existe plusieurs solutions sur le marché. Le règne de l’appel d’offre a diversifié les choix pour des hôpitaux partageant parfois le même personnel, obligé à se former à plusieurs solutions totalement différentes au niveau ergonomique pour pouvoir exercer son métier de soignant.

Une intégration complexe

Cet éclatement des solutions rend souvent très difficile leur intégration au niveau de l’hôpital. Cette intégration est chronophage et source de problème de sécurité. Les informaticiens hospitaliers ne sont plus maîtres de leur système mais simples intermédiaires entre les services et les prestataires informatiques. Très souvent les centres hospitaliers doivent gérer 4 à 5 SGBD[2] différents avec tous les problèmes que cela représente en formation, en sauvegardes. Une série de choix qui aboutit à l’externalisation des prestations informatiques[3]. Si l’usage de HL7[4] tente à se généraliser, s’il permet des échanges standards entre les applications, on est très loin du système intégré.

Des failles de sécurité énormes

Chaque solution a ses contraintes, en version de système d’exploitation serveur, parfois même en version de système d’exploitation client et même en version de navigateur. Ce nombre multiple de versions de systèmes n’est pas sans risque au niveau des failles. Et l’intégration des appareils médicaux dans les systèmes d’information hospitaliers apporte son lot de failles[5].

Vitry-le-François : cyber-attaque à l’hôpital, les pirates demandent une rançon (francetvinfo.fr)

Internet : des hackers revendent nos données médicales (francetvinfo.fr)

En 2022, un établissement hospitalier est rançonné par un malware chaque semaine en France. En avril, le système centralisé d’approvisionnement des pharmacies en France a été attaqué. Et en juin, le système AMELIE a été siphonné, et les données revendues sur le Dark Net.

Les GHT (Groupement Hospitalier de Territoire), une fausse « bonne solution »

L’informatique doit évoluer vers une homogénéité au niveau des GHT, mais le mal est déjà fait et le pansement sur une jambe de bois risque d’être très coûteux.

L’homogénéité va se faire en imposant aux plus petits hôpitaux des solutions privées, qui vont amputer le budget de ces derniers. L’offre privée en informatique hospitalière est trop souvent une niche et les solutions sont vendues à coût pharamineux.

Les pistes de réduction du TCO ne sont pas explorées

L’informatique hospitalière est le règne du tout Windows, sur serveur et sur station. Les équipes informatiques sont mobilisées sur les évolutions matérielles et logicielles, aucune solution de réduction du coût total de possession TCO[6] n’est envisagée, comme cela a été fait dans la gendarmerie nationale.

Les hôpitaux sont tributaires des tarifs imposés par les sociétés qu’ils ont choisies et ne sont plus maîtres de leur budget informatique, transféré en partie sur les GHT. Tout cela dans un contexte budgétaire global sous pression.

La sécurité informatique globale est donc laissée de côté, faute de moyens[7].

Retrouver le contrôle en développant un pôle public d’informatique hospitalière

« Easily[8] » est à ce jour un des logiciels publics de gestion de dossiers médicaux qui s’implante dans de nombreux hôpitaux. Mais repose sur une concurrence public-public.

Dans ce contexte, la seule solution serait de repartir de certaines propositions de L’IGAS en 1991[9], des solutions libres dans chaque domaine existent déjà, il faudrait une volonté gouvernementale pour participer à leur développement et les imposer. Il faut pour ce faire utiliser et mobiliser les personnels informatiques en place pour développer de manière coordonnée des outils dans un cadre national.

Les revendications des professionnels (et des patients) s’articulent autour de deux objectifs :

  • Un outil ergonomique permettant de colliger et d’avoir un accès simple, rapide et ubiquitaire aux informations concernant le patient pour assurer une prise en charge optimale ;
  • Une collecte de données anonymisées permettant la réalisation d’études cliniques, épidémiologiques et autres sous le contrôle des professionnels en accord avec les patients.

Nous avons donc deux besoins différents, donc de deux outils différents qui doivent bien entendu communiquer entre eux, mais qui doivent aussi permettre une certaine étanchéité afin d’assurer la meilleure sécurité possible en termes de protection des données. Deux exigences dont la France maitrise les moyens d’y répondre.

Le premier point correspond en fait au fameux Dossier médical partagé (DMP), serpent de mer et échec très coûteux, qui fait qu’aujourd’hui nous ne disposons toujours pas de l’outil qui apparaît de plus en plus essentiel pour assurer un suivi efficace et sécurisé des patients.

Le seul progrès de ces dernières années est l’informatisation du dossier hospitalier du patient, de qualité variable selon les hôpitaux qui ont fait appel à différents prestataires, ce qui signifie une grande hétérogénéité des systèmes installés. De fait les systèmes ne communiquent pas entre eux. Ils offrent en général une qualité et une ergonomie acceptable limitée au travail au sein de l’hôpital. Or le besoin essentiel aujourd’hui se focalise sur un dossier interopérable entre les professionnels de ville et hospitaliers.

Afin de pouvoir disposer de ce type d’outil, il est essentiel de privilégier une architecture légère, souple et décentralisée. En effet, si le dossier du patient doit pouvoir être consulté en tant que de besoin tout au long de sa vie, l’essentiel des accès se feront localement par les professionnels du bassin de vie du patient (ville, hôpital général et jusqu’au CHU de référence).

Le deuxième point concerne l’opération Health Data Hub très contestée, puisque le conseil d’administration de la CNAM a récemment rejeté le projet du gouvernement au motif que « conditions juridiques nécessaires à la protection de ces données ne semblent pas réunies pour que l’ensemble de la base principale soit mis à disposition d’une entreprise non soumise exclusivement au droit européen ».

Dans le même temps, il rappelle que « compte tenu du caractère spécifique des données au regard de leur complétude et de leur enjeu stratégique, seul un dispositif souverain et uniquement soumis au RGPD permettra de gagner la confiance des assurés dans l’utilisation de leurs données » et demande que le Système national des données de santé (SNDS) soit confié « à un opérateur souverain et de confiance pour l’hébergement des données ». Nous disposons donc là d’un appui pour que la base de données de la Sécurité sociale qui, rappelons-le est une des plus complètes au monde, reste sous un contrôle national.

La question qui se pose aujourd’hui est de pouvoir disposer de prestataires français, voire européens, dans le cadre de la stratégie industrielle qui est proposée dans le texte. L’annonce faite en octobre 2021 d’un accord entre Thales et Google en vue de la constitution d’un « cloud souverain » est très grave. Il aggrave notre dépendance et notre manque d’autonomie alors qu’il nous faut mobiliser les forces endogènes du pays. Si ce n’était pas une annonce officielle, cela pourrait passer pour une blague, tant l’association des termes « Google » et « Cloud souverain » sont antinomiques !

La situation mondiale fait déjà état d’une hégémonie des mastodontes Amazon, Microsoft et Google en termes d’offre Cloud, pourquoi s’associer à l’un des 3 monopoles pour « construire un Cloud Européen indépendant » ? La longueur de la cuiller n’y fera rien, il s’agit bien de « souper avec le diable», le Cloud European Act du commissaire européen Thierry Breton (et ancien patron de THOMON ou d’ATOS) est très mal parti …

Nous dénonçons ici ce double langage, cette contradiction entre les déclarations de principe et les actes. Il faut cesser les « coopérations » avec les Microsoft ou Google, et remettre les chercheurs européens sur des pistes indépendantes (des brevets indépendants existent, mais ils sont anciens : il faut reprendre les recherches). Pour cela, il faut des moyens en hommes et en financements, mais il faut d’abord une politique claire, et autonomes par rapport aux GAFAM ou aux puissances tiers (USA, Chine, Taiwan …).

Sylvain Delaitre, CGT Thales

Notes annexes

1. Choix des gendarmes sur les OPENSOURCES.

Ils ont résisté à l’injonction du Gouvernement Sarkozy de passer à Microsoft. Le FIC de Lille (cybersécurité), avec le Général Marc WATIN AUGOUARD (4 étoiles) refuse de s’aligner sur le système privé américain.

Aujourd’hui, 90% des postes informatiques de la Gendarmerie sont sous Linux, un système d’exploitation libre. Une preuve qu’il est possible, pour une administration, de se passer des Gafam, et de réaliser 40% de gain.

https://lafibre.info/tutoriels-linux/gendarmerie-libre/

2. La concurrence public-public fait rage … aussi.

Après avoir longtemps travaillé avec le CHU de Grenoble sur le dossier médical “Crystal Net”, les Hospices Civils de Lyon développent leur propre logiciel “Easily”, puis affichent à nouveau une volonté de travailler ensemble, qui finit par l’abandon total de la première solution. Si Easily est devenu au fil des années l’un des logiciels de gestion de dossiers médicaux les plus connus dans le monde hospitalier, au point de tuer le concurrent dont il est issu que de temps perdu dans cette concurrence public-public.   

3. Christophe Prudhomme, médecin urgentiste

“En ce qui concerne l’interopérabilité, je voudrais citer deux exemples en rapport avec mon activité quotidienne. Premièrement, l’absence d’interopérabilité des systèmes de gestion des interventions entre les SAMU de Paris et de la petite couronne et la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris. La conséquence est une perte de chance pour le patient lors des interventions où le facteur temps est déterminant, comme l’arrêt cardiaque. En effet, aujourd’hui que l’appel tombe sur le 15 ou le 18, la prise d’adresse se fait d’abord dans un système puis l’opérateur prend son téléphone pour contacter son collègue pour lui transmettre les informations afin qu’elles soient rentrées dans un autre système ! Deuxième carence ; l’absence d’accès direct aux dossiers de patients complexes lors d’un appel en urgence, notamment pour les patients en hospitalisation à domicile ou atteints de pathologies complexes.”

[1]http://www.lesiss.org/offres/file_inline_src/445/445_P_15163_1.pdf

[2] Système de Gestion de Base de Données

[3] Stratégie « de recentrage sur le cœur » comme dans l’industrie.

[4] Health Level 7 est une organisation qui définit un ensemble – auquel elle donne son nom – de spécifications techniques pour les échanges informatisés de données cliniques, financières et administratives entre systèmes d’information hospitaliers.

[5] https://www.toolinux.com/?securiser-les-dispositifs-medicaux-un-imperatif

[6] Le coût total de possession est plus souvent rencontré sous son abréviation anglophone de TCO (Total Cost of Ownership). Il représente la somme totale qu’a dû dépenser le propriétaire d’un bien au cours du cycle de vie de ce dernier. Les coûts directs et indirects sont pris en compte.

[7] https://www.reseau-hopital-ght.fr/actualites/sante-publique/politique-de-sante/350-millions-d-euros-pour-renforcer-la-cybersecurite-des-etablissements-de-sante-et-medico-sociaux.html

[8] https://www.ticsante.com/story/4042/informatique-et-ght-le-dossier-patient-informatise-easily-a-le-vent-en-poupe.html

[9] http://www.lesiss.org/offres/file_inline_src/445/445_P_15163_1.pdf