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Entretien avec Maurice Cassier. Y a-t-il une alternative au brevet ?

Maurice Cassier est sociologue, directeur de recherche au CNRS. Passé par l’Ecole des mines, sa thèse de sociologie, a porté sur les relations entre les laboratoires publics et l’industrie.

Son champ de recherche l’a conduit à mener des études sur les brevets sur les gènes (fin des années 80, début 90), notamment sur les oppositions aux brevets sur les gènes du cancer du sein, jusqu’à leur invalidation en Europe et aux États-Unis, à développer un programme de recherche sur les génériques et à s’intéresser à l’histoire des brevets sur les médicaments, depuis leur autorisation en France, dès la fin du 18e siècle. Il étudie les partenariats public/privé des laboratoires pharmaceutiques au Brésil et  suit les travaux de MSF et ses relations avec DNDI, notamment en ce qui concerne le développement des antipaludéens.

Cet entretien a été réalisé lors d’une rencontre avec le collectif Médicament Bien Commun le 14 janvier 2021.

Médicament bien commun : Comme vous avez pu le lire dans notre Manifeste “Pour une appropriation sociale du médicament”, notre groupe se mobilise autour de 2 thèmes majeurs : médicament bien commun et propriété intellectuelle. Nous pensons que ces 2 thèmes sont étroitement liés, et nous aimerions en discuter avec vous.

Médicament bien commun : Pensez-vous que la remise en question du droit de Propriété Intellectuelle appliqué aux brevets sur les médicaments soit un bon angle d’attaque pour remettre en question la position monopolistique ou oligopolistique des Big Pharma ? De nombreuses études ont montré que le monopole de l’innovation dans l’industrie pharmaceutique n’était pas une méthode efficace pour augmenter l’innovation (promesses non tenues des brevets).   

Maurice Cassier : La propriété intellectuelle (PI) est un angle d’attaque important et stratégique.

Le brevet est une institution ancienne. Très tôt, les juristes et législateurs ont posé la question des impacts des brevets sur les médicaments : constituent-ils des barrières, comment impactent-ils la santé publique ? De nombreux changements, définis essentiellement par les pouvoirs, ont eu lieu depuis leur naissance. Au 19e siècle, les brevets étaient utilisés pour la publicité, pour faciliter la vente de produits potentiellement douteux. Jusque dans les années 50, les pays accordaient des brevets surtout sur les procédés et non sur les molécules, comme en Allemagne. Les États-Unis étaient un des rares pays à accorder des brevets sur les produits pharmaceutiques. Les brevets sur les procédés étaient considérés comme stimulant l’innovation et encourageant les industries à innover. La France, au début du 20e siècle, n’accordait pas de brevets sur la production pharmaceutique. Il y avait une foule de laboratoires très dispersés. Il n’y a pas eu de brevets sur les molécules jusqu’aux années 60.

Dès que l’on a mis des brevets sur les molécules, le pouvoir de monopole est devenu plus fort, pour contrôler le marché, imposer les prix et générer des rentes très importantes. Ceci n’est pas la seule raison de la création des multinationales mais constitue un principe d’accumulation déterminant et un enjeu de pérennité des Industries Pharmaceutiques (IP). Le brevet est aussi largement utilisé par les petites sociétés (start-up) pour accumuler des ressources financières. Le brevet est donc une institution d’une très grande plasticité.

Depuis les années 80, la brevetabilité du médicament a favorisé la concentration économique, la rente de monopole, et le pouvoir des brevets a acquis une autre dimension : avec la financiarisation de l’IP, il est devenu fondamental pour contrôler le marché et l’accumulation du capital, notamment au travers des échanges des firmes, entraînant des phénomènes spéculatifs, impactant la réorganisation de la recherche, avec depuis les années 2000, une répercussion sur les courbes des prix.  Aujourd’hui il est devenu un actif financier en tant que tel.

Ainsi les brevets, comme tout type de droits, structurent l’organisation économique. Ils organisent l’accumulation du capital, d’où un impact extrêmement important. La PI est un débat structurant l’économie, non pas à côté de l’économie (exemple actuel des  vaccins), d’où le large spectre des questions qu’elle pose.

Comment peut-on faire évoluer le système ? Si on fait bouger les brevets, on fait bouger la dynamique de l’accumulation capitaliste. Donc si on touche les brevets, il faut être attentif à tout le dispositif industriel que l’on va toucher. Redéfinir le cadre des brevets revient à redéfinir le cadre des financements.

Comment en sortir ? Ce système est très organisé autour des produits, mais il n’est pas d’un bloc. Il faut aussi s’intéresser aux contours, être attentif aux extensions. Depuis les années 2000, des critiques, des réflexions sur les nouvelles conditions d’admission, des expériences ont vu le jour. Il faut faire l’historique de ces expériences et s’appuyer sur elles pour imaginer les solutions de sortie, ne pas faire table rase de ces réflexions.

MBC : Dernièrement, en Europe, est intervenue une modification du statut des brevets des médicaments : quelles conséquences, quel regard avoir sur ces nouveautés ?

MC : Un brevet européen unique a toujours été un objectif. Les brevets ont d’abord été nationaux. Les brevets dits d’importation, qui autorisaient en France la prise d’un brevet sur une technologie étrangère, autrement dit de s’approprier licitement les inventions des autres pays, ont été supprimés dans les années 1840 en France. Dans les années 1970, on a mis en place une convention européenne sur le brevet et un office européen des brevets, mais toujours décliné par pays. En cas de litige, ce sont les juristes et tribunaux du pays qui arbitrent. Plus récemment on a introduit un brevet européen unitaire pour réduire les coûts de dépôts et de défense des brevets.

Le niveau européen de la régulation facilite le travail des entreprises et des conseils en brevet, par une homogénéisation de la procédure, mais ne modifie pas les limitations des effets délétères des brevets. Il n’y a pas de brevet mondial, même s’il y a des traités internationaux (OMC) pour harmoniser les standards communs avec des variations nationales.

MBC : La Sécurité Sociale (SS) est une spécificité française. Les firmes pharmaceutiques, dont Sanofi, doivent leur fortune à la Sécurité Sociale : argument de poids pour exiger que les Big pharma se plient à la réglementation renforcée des génériques. Qu’en pensez-vous ?

MC : C’est un sujet important. A la naissance de la SS, en 1945, il n’y avait pas de brevets de médicaments en France. La SS se préoccupait beaucoup à sa naissance de la régulation du prix des médicaments. A la fin des années 50, quand on parle d’autoriser les brevets sur les médicaments, il y a des discussions dans les organismes de la SS, plutôt hostiles aux brevets, par crainte de renchérissement des prix.

La SS est un terrain essentiel pour interroger le poids des brevets sur les prix et exiger de la transparence car elle est par excellence un bien commun (BC) – ce pourquoi elle est objet d’attaques. Compte tenu de sa puissance budgétaire, elle devrait être un acteur majeur de la régulation de l’économie de la santé, de l’accès aux médicaments. La couverture santé assure la solvabilité du marché (payeur social). La SS devrait avoir des pouvoirs de suspension des brevets, de demandes d’utilisation de licences d’office (LO), de pression sur les prix. Elle devrait même disposer de ses propres laboratoires de production de génériques.

La SS est sans doute l’acteur le plus important de cette régulation. C’est un commun qui a été étatisé, il faut le désétatiser. Il faut repolitiser la SS. En 1945, la SS était très faible financièrement, mais elle était très politique. C’est un des terrains de luttes à ouvrir.

MBC : Pouvez-vous nous parler d’expériences dans d’autres pays, de leur succès et de leurs limites ?

MC : On peut faire des expérimentations très audacieuses mais avec patience et prudence. On ne peut pas revendiquer la suppression des brevets du jour au lendemain… Par exemple : dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, un économiste américain, qui a travaillé sur la crise financière, proposait de  mettre en open source tous les résultats de recherche ; l’open source permet l’accessibilité à tous de certaines innovations. Ce serait une expérience. Mais elle n’a pas suscité d’adhésion des autorités. Par contre elle est dans le débat public.

En ce moment, pour les vaccins, une pénurie se profile, car les technologies ne sont pas mutualisées. Avec la mutualisation, sans brevets ou avec mutualisation des brevets, on pourrait régler le problème. La production pourrait être étendue aux pays du Sud. Par exemple : le Brésil va fabriquer le vaccin AstraZeneca grâce à un accord de transfert de technologie.

Pour développer l’innovation, il faut développer des champs d’expériences sans brevets. Ainsi DNDI a permis le développement de plusieurs médicaments soit sans brevet, soit sous contrôle (Licence open source donnant un droit de surveillance ; car le domaine public peut aussi mener à des dérives : aussi les licences open source permettent non seulement de partager la technologie mais aussi d’en organiser la défense).

Quelles sont les revendications possibles ? Le brevet est une institution vieille de 4 ou 5 siècles. On peut l’attaquer résolument, mais de manière très précise, de plusieurs côtés à la fois.

MBC : La remise en cause des brevets nous amène à réfléchir sur de nouveaux modèles à mettre en place, notamment en recherche. Comment voir les interactions entre recherche privée et recherche publique ? Que penser des partenariats public-privé ? Actuellement la recherche est surtout orientée en fonction de la rentabilité des résultats. Quelles alternatives possibles ?

MC : La recherche est effectivement un champ d’action important. La recherche publique et la recherche universitaire sont des leviers importants. Il n’y pas d’IP sans interaction avec les universités. Les premières entreprises dérivent des universitaires. Elles utilisent les résultats de la recherche publique.

Les universitaires sont souvent très réticents à prendre des brevets. Les organismes de recherche doivent trouver comment définir de nouveaux modèles. Des débats ont lieu à l’INSERM ou au CNRS sur la prise de licences non exclusives.

Des étudiants de l’UAEM* (Universités alliées pour les médicaments essentiels) réfléchissent à des modèles de licences non exclusives à la place de brevets. Il faudrait les revendiquer en France.

La France a une certaine force de frappe médicale. Elle pourrait créer des “pools” d’inventions des institutions publiques, en open source. Cependant, par ailleurs, au CNRS, certaines licences ont rapporté des royalties. Les organismes de recherche doivent donc « revoir leur copie » en ce qui concerne les brevets. 

MBC : D’autre part, des chercheurs se battent pour la mise en commun des connaissances,  prenant en exemple les bases de données publiques du génome.

MC : Effectivement, il y a un gros débat sur les génomes. Pendant longtemps les IP étaient contentes de profiter de ces bases de données mises à disposition, leur évitant l’investissement. Cependant ces bases de données du domaine public ne protègent pas assez, un opportuniste peut reprendre un résultat, l’amalgamer aux siens et déposer des brevets.

Le modèle de l’open source est préférable. Interdisant l’exclusif, c’est une forme de droit de propriété intellectuelle qui permet de laisser le système ouvert : les connaissances sont publiées mais avec droit de surveillance (exemple des logiciels libres).

MBC : La France est très en retard sur le séquençage génomique du SARS-CoV-2, et partage peu. Pensez-vous que cette base de données publique puisse être une façon de court-circuiter les startup ?

MC : La France a été un acteur important (à côté de la Chine, de la Grande Bretagne) pour le séquençage du génome humain. D’ailleurs la séquence du SARS-CoV-2, divulguée à l’échelle mondiale, a été faite par un consortium né en 2006 (GISAID) pour partager les connaissances (établi au départ pour la grippe). Cette base de données avait pour règle la diffusion des séquences, avec interdiction de prendre des brevets dessus.

Les start-up ne sont pas court-circuitées mais leur travail a changé : au lieu de capter la séquence d’un laboratoire public, elles développent de nouvelles technologies ou de nouveaux procédés. Par exemple pour la Covid-19, les premières recherches sur les tests ont été développées quelques jours après la publication du séquençage. D’ailleurs, l’Institut Pasteur a pu immédiatement développer un test de diagnostic. Idem pour les chercheurs de la Charité en Allemagne, à la différence que leur technologie a été industrialisée en Allemagne !

MBC : Pensez-vous que le médicament puisse devenir un bien commun (BC) ? Cela impliquerait au départ la mise en commun des connaissances et des savoirs et à l’arrivée une régulation de la production et de la distribution pour que le médicament soit accessible à tous. A l’opposé, le brevet le réserve à quelques-uns dans un but lucratif. Et dans ce cas quelles sont pour vous les arguments à développer et les luttes les plus importantes à mener ?

MC : Nous pouvons réfléchir de la même manière que pour le brevet. Il y a deux approches possibles :

  • La première : le médicament bien commun (au singulier) ou public comme objectif politique (voir Dardot et Laval par exemple Commun).
  • La seconde : le médicament, bien partagé, appuyé sur une technologie partagée, non exclusive. Ce dispositif se décline en termes d’approche économique, avec une gouvernance et les instruments juridiques qui vont permettre de lui donner forme (voir Elinor Oström, Gouvernance des biens communs). Il faut donc concevoir une série d’appareillages politiques, juridiques, institutionnels, des dispositifs de financement, une instance de gouvernement de ces biens.

Un vaccin, pour être un bien commun, nécessite des dispositions de partage de la technologie, des systèmes de financements (à l’exemple de DNDI). C’est une approche économico-politique. Il existe aujourd’hui des dispositifs dans ce sens, des outils de mutualisation… à inventorier. 

MBC : Comment voyez vous l’industrie pharmaceutique au regard de cet objectif, une industrie aujourd’hui dictée par la finance, de la start-up au grand labo ? Comment concevoir une industrie qui soit développée dans le sens de l’intérêt général ?

MC : On peut énoncer des objectifs de BC, à l’encontre de biens privés mondiaux développés par les multinationales. Il s’agit de reprendre la main quand il y a utilisation de la recherche publique pour création de médicaments.

Les outils à actionner ?

  • La Sécurité Sociale, pour la régulation des prix, y compris pour les produits des multinationales. Un rapport de sénateurs américains; en 2015 sur Gilead, explique par le menu la formation des prix des médicaments. Il faut politiser le prix des médicaments.
  • La Propriété intellectuelle, par un dispositif de licences obligatoires – ou licences d’office (LO) – outil par lequel la puissance publique reprend le pouvoir à ceux qui font breveter (exemple du Brésil). Produire des médicaments en mobilisant au-delà de l’intervention de l’État, associations de malades, chercheurs…. pour que ce soit un BC.
  • Le Canada, dans les années 70, a imposé des LO automatiques (400 en quelques mois). Les prix des médicaments y sont plus bas qu’aux USA. C’est le pouvoir des payeurs.

MBC : Y a-t-il eu d’autres LO mises en œuvre en France, à part pour le vaccin DT polio ? Les pays ont eu du mal à mettre en place les LO, en raison des menaces des producteurs.

MC : En France, depuis la LO instaurée en 1953, après mise en place des brevets sur procédés pharmaceutiques, il n’y a eu qu’un seul décret, en 1956, sur les vitamines. Les États ont toujours refusé les LO (elle a cependant été discutée en 2015 par le Ministère de la santé en France pour le Sofosbuvir) pour ne pas faire peur à l’industrie. Aux États Unis, la LO a fait l’objet d’études très complètes. La LO sur le médicament y est beaucoup utilisée dans l’armement et pour le médicament dans les années 1960 et 1970 : aucun impact négatif sur la recherche n’a pu être démontré.

Le médicament est un sujet très politique : au Brésil, le président Lula a d’abord craint de ne pas pouvoir vendre des oranges, s’il appliquait la LO. A partir de 2005, le rapport social a modifié la donne. L’Inde, jusqu’en 2005, a eu l’avantage d’avoir seulement des brevets de procédés et a pris une LO en 2012 sur un anticancéreux ; d’autres pays du Sud ont utilisé la LO (une centaine de LO ont été appliquées entre 2001 et 2016 selon une étude publiée dans le Bulletin de l’OMS). 

MBC : Comment se fait l’articulation entre industrie publique et industrie privée ? 

MC : Dans l’idée d’un pôle public, il faut prévoir certains arrangements.

Au Brésil, par exemple, les laboratoires publics ne font que de la formulation de médicaments, aucun ne fait de synthèse : il y a complémentarité entre le public et le privé, les labos publics achètent aux labos privés les principes actifs, puis le ministère de la santé achètent les médicaments aux labos publics.

Il y a place pour plusieurs types de montage : l’Association française contre les myopathies réfléchit à un laboratoire associatif ; des chercheurs réfléchissent à d’autres modèles pharmaceutiques – voir les travaux d’Alain Fischer sur le prix des médicaments ; de petits laboratoires de l’AP-HP fabriquent des médicaments sur mesure, pour traiter les maladies rares ; il existe une production hospitalière non négligeable, et pas seulement à l’AP-HP – par exemple à Lyon ; en Suisse, il existe des laboratoires publics hospitaliers pour développer les technologies CART-cells, ce qui est intéressant car ils travaillent en liaison avec les cliniciens.

MBC : Beaucoup d’alternatives émergent, témoignant de l’appropriation de la production par d’autres acteurs que les industriels. Comment leur donner plus de puissance ?

MC : Il faut considérer le niveau de politisation de la question de l’industrie pharmaceutique. Voir par exemple le rôle de l’IP dans les élections américaines, ou l’investissement public dans la recherche et l’achat de vaccins contre la Covid-19.

Il faut ouvrir le champ des alternatives, en commençant par l’inventaire des expérimentations et réalisations hors marché.

* Universities allied for essential medicines

Pétition Brevets sur les vaccins anti-covid, Stop. Réquisition !

Quarante six organisations et plus de cent personnalités lancent un appel-pétition :

Brevets sur les vaccins anti-covid, Stop. Réquisition !

Signez la pétition sur https://www.wesign.it/fr/sante/brevets-sur-les-vaccins-anti-covid-stop-requisition-

Face à la Covid 19, l’urgence immédiate est à la prévention, construite avec la population, au renforcement du système de santé (lits, personnels…), et pas à la peur du gendarme, inefficace.  La vaccination est un moyen central pour enrayer la pandémie. Pourtant cette campagne piétine, le gouvernement et les pouvoirs publics ne sont pas en capacité de faire face aux besoins, par manque d’anticipation, mais surtout parce que les laboratoires pharmaceutiques se réservent la possibilité de faire de gigantesques profits grâce aux brevets sur les vaccins autorisés. Cette logique prive  les plus démunis et les pays les plus pauvres  de vaccins, au risque de l’émergence de variants encore plus agressifs. 

Agissons ensemble pour imposer :

▪ La suspension de l’application des brevets sur les vaccins et les traitements médicaux anti-covid, au profit d’une mutualisation des connaissances, des technologies et la multiplication de leurs transferts, des savoir-faire, de l’augmentation du nombre des producteurs, à l’échelle européenne, et mondiale, sous l’égide de l’OMS.

▪ Que tous les vaccins autorisés deviennent des biens communs de l’humanité et soient accessibles à l’ensemble des populations mondiales. 

▪ La réquisition des entreprises pharmaceutiques pour la production de ces vaccins et traitements médicaux selon les normes de sécurité et de qualité requises, pour fournir en quantité suffisante et gratuitement les peuples du monde entier et éviter les pénuries.

▪ Un contrôle citoyen et une transparence totale sur les accords, les  essais cliniques, la  pharmacovigilance, pour des vaccins sûrs et bien testés, ainsi que la protection des données de santé. L’argent public des citoyens ne peut servir à payer deux fois, lors du développement puis lors de la production et commercialisation, les entreprises pharmaceutiques et ainsi alimenter leurs profits.

▪ Un Plan d’urgence de vaccination mondiale coopératif, dans le cadre de la politique mondiale commune publique de la santé sous l’égide de l’OMS.

Nous soutenons l’initiative citoyenne européenne de pétition en direction de la Commission Européenne 
Pas de profit sur la pandémie  

Nous vous appelons à signer massivement en France la pétition suivante :

• Brevets sur les vaccins : stop !

• Tous les vaccins autorisés doivent devenir “biens communs “de l’humanité !

• Réquisition des entreprises pour la production des vaccins et des traitements anti-covid !

• Contrôle citoyen sur les accords, brevets, essais cliniques, pharmacovigilance, pour des vaccins et traitements sûrs et bien testés !

Premieres signataires

ACT-UP Paris ; Agora des habitants de la Terre ; AITEC Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs ; APEIS Association pour l’emploi l’information et la solidarité ; Appel des appels ; Association Ban Asbestos France ; Association Henri Pézerat ; Association pour l’Autogestion ; Association Sciences Citoyennes ; ATTAC France ; CADAC coordination des associations pour le droit à l’avortement et la contraception ; CEDETIM Centre d’études et d’Initiatives de Solidarité internationale ; Cerises la coopérative ; CGT Sanofi ; CNT-SO ; Collectif antisanofric ; Collectif inter-blocs ; Collectif inter-urgences ; Collectif la Santé n’est pas une marchandise ; Collectif Médicament Bien Commun ; Collectif Médicament-Santé d’Initiatives Capitalexit ; Collectif Notre Santé en Danger ; comité de défense de santé publique du Doubs ; Comité de vigilance pour le maintien des services publics de proximité en Haute-saone ; Comite ivryen pour la santé et l’hôpital public ; Convergence Nationale des Collectifs de Défense et de Développement des Services Publics ; Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité ; Europe Solidaire Sans Frontières ; Féderation CGT de la santé et de l’action sociale ; Fédération SUD Santé Sociaux ; Fondation Copernic ; Le Printemps de la Psychiatrie ; Médicament Bien Commun ; Mutuelles de Travailleurs du Vaucluse ; Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament ; Réseau mondial du Comité pour l’Abolition des Dettes Illégitimes (CADTM) ; Résistance sociale ; SUD Chimie Solidaires ; SUD Recherche ; Syndicat de la Médecine Générale ; Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux ; Syndicat Sud Chimie Janssen VDR ; Union fédérale SUD Industrie ; Union Syndicale de la Psychiatrie ; Union Syndicale Solidaire.

Etienne ADAM (association chômeurs précaires Caen) ; François ALCARAZ (médecin à la retraite) ; Samuel ALIZON (directeur de recherche au CNRS) ; Michel ANTONY (responsable associatif, coordination-convergence-NSED,comité vigilance 70) ; William AUDOUX (secrétaire du syndicat Renault Cléon) ; Marinette BACHE (Résistance sociale) ; Guy BAJOIT (professeur émérite de sociologie université catholique de Louvain Belgique) ; Noémie BANES (Présidente du Collectif Inter Urgences) ; Philippe BATIFOULIER (économiste université Sorbonne Paris-nord) ; Jérémie BAZART (chirurgien-dentiste pour le conseil départemental de Seine Saint-Denis et la maison d’arrêt Paris-La Santé) ; Francine BELLE-ISLE (Trois Riviéres Québec) ; Christian BENSIMON (médecin engagé dans l’humanitaire) ; Cristina BERTELLI (directrice revue et collectif Les périphériques vous parlent) ; Eric BEYNEL (ancien porte-parole de l’Union Syndicale Solidaire) ; Philippe BILLARD (militant CGT) ; Pascal BOISSEL (Médecin Psychiatre, psychanalyste, vice-président USP) ; Christian BONNAUD (médecin généraliste retraité) ; Richard BOST (praticien hospitalier retraité) ; François BOURDILLON (médecin de santé publique) ; Marianne BRIFFOD (médecin retraitée – Paris) ; Sandrine CARISTAN (chercheuse- Sud chimie- Collectif Antisanofric) ; JF CARTERY (médecin Caen) ; Dominique CELLIER (Association sciences citoyennes) ; Jean-claude CHAILLEY (Résistance Sociale) ; Remy CHAIX (retraité de l’enseignement) ; Gérard CHAOUAT (directeur de recherche émérite en immunologie) ; Séverine CHAUVEL (Maîtresse de Conférences en sociologie à l’Université Paris-Est) ; Patrick CHEMLA (psychiatre chef de pôle – Reims) ; Mouhieddine CHERBIB (défenseur des droits de l’homme) ; Bernard COADOU (médecin- co-animateur de l’association La Santé Un Droit Pour Tous) ; Claire DEHOVE (WOS agence des hypothèses) ; Michel DELEULE (médecin généraliste Avignon) ; Joel DELEULE (militant associatif) ; Anne DELHAYE (citoyenne) ; Daniel DESME (travailleur hospitalier et médico-social- enseignant en sociologie- retraité) ; Marie-hélène DUVERGER (SUD-éducation 76-27) ; Carole ELDIN (Maître de Conférence des Université-Praticien Hospitalier Service de Maladies Infectieuses et Tropicales IHU Méditerranée Infection Marseille) ; Madeleine ESTRYN-BEHAR (Epidémiologiste- Ergonome -Médecin du travail et de santé publique retraitée) ; Bertrand FAVAREL-GARRIGUES (médecin généraliste Bordeaux) ; Sylvie FAYE PASTOR (médecin généraliste) ; Pascal FRANCHET (ex-président du CADTM France) ; Pierre GALAND (sénateur honoraire belgique) ; Jean-Claude GARRET (secrétaire fédéral Sud chimie et salarié de Sanofi) ; Philippe GASSER (psychiatre membre du bureau national de l’ Union Syndicale de la psychiatrie) ; Maud GELLY (militante Cgt santé) ; Pierre GELOT (membre de l’Association des Familles Victimes du Saturnisme) ; François GEZE (éditeur) ; Delphine GLACHANT (présidente de l’Union Syndicale de la Psychiatrie) ; Roland GORI (Professeur honoraire de psychopathologie- Président de l’Appel des appels) ; Gérard GOSSELIN (76) ; André GRIMALDI (professeur émérite, diabétologue, CHU Pitié Salpêtrière) ; Gérard GUENIFFEY (retraité Cgt) ; Brigitte JALBERT (Cadre retraitée du ministère de la justice) ; Michel JALLAMION (Président de la Convergence Nationale des Collectifs de Défense et de Développement des Services Publics) ; Antoinette KARLINSKY (Enseignante universitaire retraitée) ; Karim KHELFAOUI (médecin généraliste Marseille) ; Marianne LACOMBLEZ (professeur émérite, Université de Porto) ; Matthieu LAFAURIE (médecin infectiologue à l’hôpital Saint-Louis- Paris) ; Martine LALANDE (médecin généraliste-membre du SMG et du Comegas) ; Sylvie LARUE (Cerises la coopérative) ; Gerald LE CORRE (responsable santé travail, CGT 76) ; Irène LEGUAY (Infirmière retraitée- ex secrétaire générale de la fédération Sud Santé Sociaux) ; Cécil LHUILLIER (activiste Act-Up Paris) ; Martine LIEBAERT (retraitée ex sanofi citoyenne révoltée) ; Fabien MALLET (coordonateur CGT Sanofi) ; Eliane MANDINE (Chercheur Sanofi -collectif Médicament-Bien-Commun) ; Jean-Pierre MARTIN (Psychiatre de service public) ; Gustave MASSIAH (Initiatives Pour Un Autre Monde) ; Gilles METAIS (psychologue CGT santé et action sociale) ; Guy MOLINIER (militant Act-Up Sud-Ouest) ; Danielle MONTEL (co-auteur de Sanofi Big Pharma l’urgence de la maîtrise sociale) ; Philippe MOREAU (Association Henri Pézerat Travail Santé Environnement) ; José MOREL CINQ-MARS (psychologue clinicienne- Montreuil) ; Christian MORIN (secrétaire de l’UL CGT D’Elbeuf) ; Michel MOUREREAU (masseur-kinésithérapeute libéral, retraité) ; Françoise NAY (ancienne présidente de la coordination de défense des hopitaux et maternités de proximité) ; Fabrice NICOLINO (journaliste) ; Fabienne ORSI (économiste) ; Bruno PERCEBOIS (pédiatre et militant de Notre Santé en Danger) ; Vincent PETIT (RSS Sud Chimie Estée Lauder Companies) ; Marianne PETIT (médecin généraliste, centre municipal de santé) ; Ricardo PETRELLA (professeur émérite université de Louvain Belgique) ; Jean PEYREN (coordonateur CGT Sanofi) ; Frédéric PIERRU (chercheur en sciences sociales – CNRS) ; Bernard PRADINES (médecin gériatre) ; Frank PROUHET (médecin généraliste- Syndicat de la Médecine Générale) ; Jean-yves PROULX (Trois Rivières Québec) ; Christophe PRUDHOMME (médecin urgentiste porte parole de l’AMUF- délégué CGT) ; Patrice ROCHE (retraité) ; Loic ROLDAN (Secrétaire Général syndicat CGT Restauration Rapide 76) ; Daniel ROME (Cerises la coopérative) ; Anne RONDELET (retraité Bruxelles) ; Willy ROZENBAUM (Professeur, service des maladies infectieuses et tropicales -Hôpital Saint Louis) ; Pauline SALINGUE (CGT CHU Toulouse) ; Patrick SAURIN (syndicaliste Sud Solidaires BPCE) ; Catherine SCHLITZ (Liège Belgique) ; Corinne SIERGE (porte-parole APEIS) ; Patrick SILBERSTEIN (médecin généraliste) ; Nicole SMOLSKI (Praticien hospitalier honoraire) ; Frederick STAMBACH (médecin généraliste rural) ; Eric TAVERT (Trésorier CSE Sanofi Production) ; Nora TENENBAUM (médecin, coordination des associations pour le droit à l’avortement et la contraception, NSeD) ; Bernard TEPER (co-animateur réseau éducation populaire) ; Annie THEBAUD MONY (directrice de recherche honoraire à l’INSERM) ; Eric TOUSSAINT (porte-parole du CADTM international) ; Eric TRON DE BOUCHONY (médecin biologiste- Association Henri Pezerat – Saint Nazaire) ; Maya VAIR-PIOVA (Ufas CGT) ; Julien VERNAUDON (praticien hospitalier gériatre – Hospices Civils de Lyon) ; Jean VIGNES (retraité- militant syndical et associatif- ancien secrétaire général SUD Santé Sociaux) ; Philippe VILLECHALANE (porte-parole de l’APEIS, Association pour l’emploi l’information et la solidarité)

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VACCINS ET SANTÉ. DEFENDRE LES DROITS UNIVERSELS, LA JUSTICE MONDIALE

Ce lundi 18 janvier, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS a affirmé avec force et courage : « Le monde est au bord d’un échec moral catastrophique » – https://www.lesoir.be/349572/article/2021-01-18/le-directeur-general-de-loms-au-sujetles-vaccins-le-monde-est-au-bord-dun-echec.

Il a dénoncé les États riches et puissants du monde ainsi que les entreprises pharmaceutiques mondiales dominantes pour ne pas avoir respecté les engagements pris dès mars dernier en faveur de l’accès pour tous aux vaccins et traitements anti-Covid-19 « sans laisser personne de côté », comme ils l’avaient proclamé à l’unisson.

Avant même la conception des vaccins, les 15 pays plus riches du monde (environ 14% de la population mondiale) avaient acheté aux entreprises privées, bien placées dans la course aux brevets, 60% des doses estimées disponibles en 2021 dans le but d’assurer les vaccins à leur propre population, laissant ainsi 40% des doses aux 86% restants d’êtres humains de la Terre. 30% seulement de la population mondiale seront vaccinés en 2021. Devinez lesquels ? 39 millions de doses des deux premiers vaccins (Pfizer, Moderna) mis en circulation ont été distribués dans 49 pays riches, alors que le pays le plus pauvre ne dispose que de… 25 doses ! En Israël, plus de 20% de la population ont été vaccinés (plus de 2 millions de personnes), mais seule une toute petite fraction de Palestiniens (notamment les détenus !).

Il ne s’agit plus seulement d’égoïsmes nationaux, de priorité donnée à la « sécurité nationale », d’un sentiment de peur face au danger ou d’avidité des riches. Il s’agit d’une politique violente de déni du droit universel à la vie à la majorité de la population mondiale. Une véritable rupture du contrat social au sein des habitants de la Terre, sous l’égide d’une alliance cynique entre les actuels pouvoirs publics des États, émiettés, affaiblis, d’une part, et les pouvoirs privés des puissantes oligarchies mondiales financières, industrielles et militaires, d’autre part. Le mépris à peine caché de ces puissances vis-à-vis des vaccins chinois, russe, cubain…n’est qu’un petit exemple.

La santé pour tous passe par la rupture de cette alliance et la reconstruction sur des bases nouvelles de l’alliance entre les citoyens, entre tous les habitants de la Terre.  Jusqu’à présent, les appels et les propositions de plusieurs dizaines de chefs d’État et de gouvernements, de plusieurs centaines de personnalités du monde de la science, de l’économie et de la culture, les récentes déclarations de Pape François en faveur de la primauté des droits sur les « lois » du marché et les brevets, n’ont pas servi à grand-chose. Les requêtes de plus de 110 Etats sur les 164  membres de l’OMC ont été balayées d’un coup de rejet par les tout puissants Etats du « Nord » par deux fois, en septembre et décembre derniers. Insoutenable.

En tant qu’Agora des habitants de la Terre, nous invitons tous les mouvements et les autres associations engagées en faveur des droits universels, de la justice, de l’égalité et de la fraternité, à se battre avec toujours plus de conviction et détermination pour la poursuite de trois objectifs concrets immédiats.

  1. Les citoyens doivent exiger des États les plus enrichis qu’ils laissent tout pays libre d’appliquer le droit de licence obligatoire, c’est-à-dire de suspendre l’application des brevets sur les vaccins et les traitements médicaux dans le but de promouvoir et préserver le droit à la vie de tous les citoyens. Oui aux vaccins biens communs publics mondiaux, aux vaccins (non obligatoires) des peuples. Non au « droit » de souveraineté absolue des entreprises privées sur les connaissances et les technologies du vivant. La connaissance est un bien commun public de l’humanité, « patrimoine » de tous les habitants de la Terre. La suspension des brevets doit conduire à moyen terme à l’abolition des brevets. Non à la compétitivité pour la survie des plus forts.
  2. Les citoyens doivent obtenir de leurs États une restructuration profonde de la finance de la santé, afin de ne plus utiliser l’argent public des citoyens pour payer au moins deux fois (lors de la conception et du développement, puis de nouveau lors de la production et commercialisation des médicaments et vaccins) les entreprises pharmaceutiques et ainsi alimenter leurs profits. Sans l’argent des citoyens, les entreprises multinationales occidentales n’auraient pu développer les traitements proposés. Non au vol de l’argent public. La finance publique au service des droits et des responsabilités des communautés humaines doit primer sur la finance privée qui est au service des intérêts des groupes sociaux les plus puissants. L’État doit redevenir res publicaau service du bien commun et non pas rester au service de la santé financière des intérêts corporatifs des plus forts.
  3. 3. Les citoyens doivent sommer les États de mettre en œuvre un plan d’urgence de vaccination mondiale coopératif (dans le cadre d’une politique mondiale commune publique de la santé) sous l’égide de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) libérée de l’emprise des grandes entreprises multinationales et des « grands » États. Autrement dit, dans le domaine des droits à la vie, la primauté doit revenir à l’OMS et à l’ONU sur l’OMC et la Banque mondiale. Cette primauté implique que des modifications importantes soient apportées, par exemple, au rôle du COVAX (GAVI, CEPI, Fondation Gates…), instrument typique de l’alliance autocratique entre les États les plus riches et les entreprises mondiales les plus puissantes, ainsi qu’au rôle du Conseil de Sécurité. À cet égard, nous pensons en particulier qu’il est urgent de créer un Conseil Citoyen de Sécurité des Biens Communs Publics Mondiaux, dont l’eau potable, les soins de santé, la connaissance.

Bruxelles, le 19 janvier 2021

Agora des Habitants  de la Terre, Riccardo Petrella, Catherine Schlitz, Pierre Galand, Mady Ledant, Alain Dangoisse, Alain Adriaens, Maria Palatine, Antoinette Brouyaux, Pietro Pizzuti, Christine Pagnoulle, Fabrice Delvaux, Bernard Tirtiaux.

Indépendance de la recherche

Entretien** avec le Professeur Romain Gherardi *

Quel est selon vous l’état de la recherche médicale publique en France (choix des projets, budget, effectifs) ? Est-ce que les interactions entre la recherche publique et la recherche privée (industries pharmaceutiques) sont optimales. Quelles sont les conséquences pour la santé publique ?

Romain Gherardi :

Il y a deux grands domaines. La recherche industrielle orientée vers le profit au travers de l’innovation technologique, et la recherche publique indépendante et jouissant théoriquement d’une liberté d’investigation favorable aux découvertes inattendues, aux idées neuves. Les moyens de la recherche publique sont réduits, avec un sous-financement global ; moins de 10% des meilleurs projets français sont financés. Il faut défendre une recherche indépendante correctement financée. Il faut également desserrer le carcan des thématiques imposées, dictées par des objectifs industriels, qui ne garantit en rien sa qualité intrinsèque et bride sa créativité.

Le monde industriel a réussi à imposer le concept de partenariat public/privé (PPP).  La recherche privée étant ruineuse pour l’industrie, elle a préféré mettre en place des PPP qui lui coûtent beaucoup moins cher. Il s’agit d’une mise au service des intérêts économiques, de l’intelligence et du travail des agents publics de la recherche (vrai aussi, entre autres, pour la formation, la médecine, l’expertise des agences, etc…).

Il est important d’avoir une recherche indépendante, seule capable de faire émerger des concepts nouveaux. Dans un domaine que je connais bien, par exemple, c’est elle qui a identifié les effets non spécifiques des vaccins, favorables comme défavorables (Peter Aaby), et a remis en cause des dogmes anciens sue les adjuvants aluminiques en montrant l’insolubilité, la diffusion systémique, et la toxicité des faibles doses de ces particules. Dans le domaine du médicament, les compagnies pharmaceutiques font barrage aux chercheurs qui étudient les effets indésirables et risquent de faire obstacle au profit (Vioxx…). Seule une recherche publique indépendante est capable d’évaluer sans biais la sécurité des produits mais tout est fait pour l’en empêcher. En outre, comprendre les mécanismes biologiques des effets indésirables est indispensable mais reste exceptionnel. Il faudrait favoriser la mise en place de structures publiques, hospitalo-universitaires, dédiées au soin et à la recherche clinique et biologique sur les maladies iatrogènes et environnementales (les médicaments et les vaccins sont une part non négligeable de « l’exposome » que l’on suspecte de jouer un rôle essentiel dans la survenue de maladies chroniques).

Dans le domaine des effets secondaires, il faut à la fois protéger les patients et les chercheurs qui, en révélant leurs résultats, sont comme des lanceurs d’alerte, confrontés à de multiples avanies téleguidées par des industriels. Une difficulté à surmonter : éviter l’autocensure par crainte de représailles.

Il faut séparer, au niveau les fonctions d’AMM de l’ANSM, de la pharmacovigilance. La pharmacovigilance est notoirement sous dotée. En sus de son renforcement, elle doit devenir une structure indépendante, libre de dire ce qu’elle observe. Pour devenir performante, elle pourrait être financée en utilisant un pourcentage des profits industriels (sans droits de regard) ou le CIR, avoir les moyens réglementaires de son indépendance, et être proactive et non pas passive. On en est très loin. On n’a aucun retour pour la recherche, des impacts du CIR accordé aux Industriels. Beaucoup de choses sont à changer, pas sûr que l’on puisse y arriver.

Sur la base de votre expérience, comment voyez-vous le rôle de la recherche publique dans la recherche et le développement jusqu’au stade de mise sur le marché du médicament ? Pensez-vous possible de réorienter la recherche médicale publique (peut être au niveau européen, les collaborations internationales étant très importantes) en fonction des besoins sanitaires de la population et de besoins mal couverts aujourd’hui (antibiotiques, maladies orphelines, maladies tropicales…) ? Comment faudrait-il s’y prendre ?

RG : Ce que peut offrir la recherche publique : l’impartialité sur les résultats si les États font attention à protéger son indépendance.

Actuellement l’industrie démontre elle-même l’innocuité et l’efficacité de son traitement pour obtenir l’AMM. Elle est juge et partie, ce qui peut influencer le choix des tests et les seuils d’acceptabilité selon ce qui l’arrange.

Il faudrait imaginer un système d’expertise publique totalement indépendant qui aurait pour mission d’effectuer les recherches nécessaires pour obtenir l’AMM. Recherche publique indépendante sur les produits : recherche épidémiologique mais aussi mécanistique (Cf IOM 2018). Il faudrait favoriser la mise en place de structures hospitalières dédiées aux maladies iatrogènes et environnementales comme cela commence a se faire au Danemark: la prise en charge adaptées des patients (souvent rejetés par le système), la constitution de cohortes (pour les études cliniques et thérapeutiques) et de biobanques (pour la recherche de biomarqueurs et de facteurs de susceptibilité), constituerait un progrès énorme pour la prévention et le traitement des effets secondaires, et l ‘amélioration de la sécurité des produits et des pratiques.

En 2011 il y a eu une proposition de loi au Sénat pour la création d’un corps d’experts indépendants, sans suite… L’idée serait que l’industrie ne s’occupe que de la production et de la commercialisation et que la recherche soit menée par des institutions publiques ?

RG : Actuellement, c’est l’industrie qui a la main sur la recherche. Par exemple, dans le cadre d’un PPP, des chercheurs qui avaient publié des résultats négatifs d’une étude sur le SIDA, ont été poursuivis par un industriel Californien alléguant un dol financier pour l’entreprise.

Actuellement les industries pharmaceutiques sont des structures intégrées, ce qui leur permet de masquer les coûts de la recherche. Comment aboutir à la séparation des fonctions de R&D et de marketing ? Faut-il s’attaquer au monopole de l’industrie pharmaceutique ?

RG : Effectivement l’industrie pharmaceutique est dans une position de monopole et il faudrait s’y attaquer. L’industrie pharmaceutique a le plus gros budget pour ses actions d’influence : 4 fois plus lourd que l’armement ou le pétrole ; 2 fois plus que l’agroalimentaire. C’est dans le médicament que la question politique est la plus sensible.

Nous avons écrit un Manifeste “Pour une appropriation sociale du médicament » (www.medicament-bien-commun.org). Nous insistons dans ce manifeste plus particulièrement sur le droit de Propriété intellectuelle appliqué aux brevets sur les médicaments que nous pensons être un obstacle à la fois pour la recherche et l’égal accès pour tous aux soins (médicaments). Que pensez-vous de cette démarche ? Pensez-vous que la remise en question du droit de Propriété intellectuelle appliqué aux brevets sur les médicaments soit un bon angle d’attaque ? Qu’elle puisse être un moyen de répondre à tout ou partie des questions soulevées sur « l’état de la recherche en santé » en France ? 

RG : le brevet c’est le cœur du système ; tout le système capitaliste est basé sur le brevet, C’est la dernière chose à toucher ; il est peut-être moins illusoire de se battre sur les positions de monopole que sur le brevet…

D’où une proposition : garder le brevet, mais donner un numéro au produit de façon à ce que son évaluation soit faite en aveugle, de façon indépendante, que la saisie des données et leur traitement statistique soient moulinés par des structures indépendantes, et les données brutes soient libres d’accès. L’investigateur serait libre, ce qui aiderait à mieux appréhender la réalité en terme d’efficacité et d’effets secondaires.

Sans toucher au brevet, répond-t-on à la question des médicaments essentiels ou au problème des prix ? Le brevet donne l’exclusivité sur la production et la commercialisation pendant 20 ans.

RG : La question du prix est une autre question. Les labos sont obligés de passer par les États pour la fixation des prix et gagner l’acceptabilité des systèmes de protection sociale. Le prix est relativement indépendant du coût de production et dépend surtout de la demande du marché et des capacités financières des pays. C’est un sujet en soi sur lequel il n’a pas de réponse car c’est une réflexion qu’il n’a pas menée.

Le brevet permet d’intéresser un industriel au développement d’un produit ou d’un test, et il ne le développera que si son utilisation est massive. L’industriel veut un retour sur investissement, que garantit le brevet ; sans garantie, l’industriel ne s’engagera pas.

Contourner cette question du brevet quand il s’agit de répondre à un besoin de santé publique, par la prise en charge de son développement par une structure nationale, voire européenne est tentant mais pas facile à faire accepter.

En France, jusqu’aux années soixante, le brevet sur les médicaments n’existait pas, ce qui n’empêchait pas de commercialiser des médicaments. Cela vous semble-t-il utopique d’appliquer un système de licence sans breveter, de type Creative Common, comme produit d’intérêt général ?

RG : Je serais d’accord mais ne voit pas comment ; concernant l’utopie il en faut toujours pour changer les choses.

Il faut travailler la question des brevets avec des gens qui connaissent mieux ce domaine. Il faut traiter l’aspect économique du retour sur investissement. Voir comment les délimiter sans qu’ils perdent leur intérêt.

A propos de l’initiative de la commission européenne de créer une structure pour prendre en charge les crises sanitaires, de type « union pour la santé » …

RG : c’est la mise en place d’un système destiné à cultiver l’entre-soi et à concentrer les pouvoirs. Le système européen du médicament est pire que le système américain. La FDA est beaucoup plus exigeante, plus réactive. Les États Unis ont compris que, pour une meilleure acceptabilité du capitalisme, il fallait le border par plus de transparence.

Il vaut mieux apprendre à travailler avec les capitalistes en essayant de les border plutôt que d’essayer de les faire trébucher.

Comment faire face à la domination des Big Pharma, comment attaquer cette industrie de plus en plus financiarisée, qui ne répond pas aux besoins de la population ni aux exigences écologiques ? Une séparation des activités RD et des activités de marketing et de production vous semble-t-elle envisageable ? Quels pourraient être les composants d’un nouveau modèle, pour permettre l’appropriation sociale du médicament ?

Comment pensez-vous que nous puissions avancer afin que cet enjeu émerge vraiment dans la société sans être dévoyé ? 

RG :   Lutter contre tous les lobbies. Par exemple, quand le Président Hollande a communiqué sur le vaccin contre le Papillomavirus hors de tout contexte épidémique : était-ce son rôle ? Quand sa ministre de la Santé déclarait « les vaccins, ça ne se discute pas » : était-ce démocratique ?  Quand un excès de précipitation à tester le vaccin contre la Dengue a causé la mort de nombreux enfants aux Philippines : était-ce juste ?

Tout est difficile, la lutte est féroce.  Un angle d’attaque possible est l’opinion publique : la crainte des décideurs est là. Autre angle : l’alliance des associations de victimes des produits de santé.

Ne pas travailler seulement au niveau français : plus l’action sera supranationale, plus ce sera intéressant.  Il y a sûrement d’autres structures ou alliances de ce type qui cherchent à émerger dans d’autres pays européens (des exemples existent – cf Danemark ; il s’agit de Institute of Scientific Freedom : https://www.scientificfreedom.dk/). Un de ces initiateurs, Peter Gotzsche, a été à l’origine de la création de la collaboration Cochrane, une organisation très réputée pour sa compétence et son intégrité, jusqu’à ce que Bill Gates vienne co-financer ses activités, marquant le début d’une déviance dans les travaux. Par exemple, Peter Gotzsche a été évincé de la direction de Cochrane car il prenait, sur la base d’études sérieuses, des positions critiques sur le vaccin contre le papillomavirus. Il a alors cherché à créer une autre structure de recherche libre et indépendante.

En conclusion, ne pas désespérer, on peut toujours plus qu’on ne le croit. Malgré le manque de transparence et le « muselage » progressif de la liberté d’expression, surgissent des informations importantes sur les conflits d’intérêts. Un levier d’action très important car actuellement, dénoncer des effets secondaires ou autres inconvénients d’une innovation équivaut souvent à un suicide professionnel.

Restons fermes sur l’indépendance de la recherche et sur les libertés académiques, malgré l’influence de l’industrie. Cette dernière, contrôle tout : la formation des médecins, la communication sur les produits, etc. Le mal est profond. Il faut espérer que nous sommes à un pic de l’influence industrielle et que les générations qui viennent auront des exigences plus humaines, une conscience plus aiguë des risques environnementaux.

 

*Romain Gherardi est médecin, neurologue et neuropathologiste, professeur émérite après avoir été directeur d’une équipe INSERM et chef de Service du centre expert des maladies neuromusculaires à l’Hôpital Henri-Mondor à Créteil. Il travaille depuis 20 ans sur l’aluminium utilisé comme adjuvant des vaccins. De nombreuses difficultés lui ont été opposées pour travailler sur ce sujet, difficultés non seulement scientifiques mais aussi politiques. Il a montré une grande capacité à résister contre vents et marées.

Lui et son équipe ont montré que des prédispositions génétiques rendent certaines personnes sensibles à l’aluminium adjuvant des vaccins, par une déficience du système autophagique (« nettoyeur de l’organisme »). Un brevet a été déposé pour qu’un test de dépistage des personnes à risque soit développé. Ce brevet sera la propriété de l’APHP, de l’UPEC ainsi que de l’AFM, co-financeur de certaines recherches. Le temps d’instruction pour le brevet fait perdre plusieurs années à la mise au point des tests prédictifs.

Une relation étroite existe entre l’association de malades E3M (Entraide aux Malades de Myofasciite à Macrophages) et l’équipe de chercheurs réunie autour du Pr Gherardi, telle une vraie Alliance des chercheurs et des patients.

**Entretien réalisé par le collectif Médicament Bien commun en audioconférence le 12 Novembre 2020

 

 

Vaccin et balance bénéfice-risque: le vrai poids des effets secondaires

Vaccination Covid : absence de transparence sur le plan politico-économique, informations insuffisantes sur l’efficacité des vaccins, manques cruciaux de données sur leur innocuité et leur surveillance post-injection, la population fera donc office de cobaye.
Ce n’est certainement pas le bon chemin pour que nous retrouvions confiance dans nos institutions et dans la politique vaccinale.

Par Didier Lambert, Président E3M (www.asso-e3m.fr, www.vaccinssansaluminium.org), membre du Comité Scientifique Permanent PharmacoVigilance de l’ANSM.

Le programme de vaccination à venir

Le gouvernement prépare un déploiement de la vaccination en trois étapes, la première concerne les personnes les plus fragiles. Il s’agit des résidents des Ehpad et autres établissements hébergeant des personnes âgées, et des soignants qui y travaillent s’ils présentent un risque accru de développer une forme grave de Covid-19.

Les personnes qui se feront vacciner en priorité seront donc celles avec le plus de risques de développer une forme grave de la maladie. Pour la Pr Odile Launay (RTL, 27 novembre), « On peut donc accepter qu’il y ait des effets indésirables ». Cette affirmation est très discutable sur un plan éthique, d’autant que l’efficacité du vaccin diminue avec l’âge. Ce sont néanmoins des propos plus réalistes que ceux du ministre de la santé : « On commencera quand on aura toutes les garanties » (JDD repris par BFMTV, 29 novembre).

Le développement et la mise à disposition des vaccins contre la Covid se font de manière extrêmement accélérée. Il est notamment question de vaccin avec ARN messager (Pfizer et Moderna), avec adjuvant aluminium (Spoutnik V, fonds souverain russe), avec squalène (Sanofi-GSK). Seront-ils capables d’arrêter la transmission du virus et d’éviter les formes graves de Covid, notamment en fonction des publics cibles ? Nul ne le sait. Ce que nous savons cependant, c’est que leur innocuité n’est pas assurée, ce qui est éthiquement inacceptable. Rappelons-nous l’échec de Dengvaxia, le vaccin de Sanofi contre la dengue[1].

Des études cliniques limitées, au contenu contestable

Les personnes recrutées pour les essais cliniques ont généralement un profil qui ne correspond pas à celui de la population générale. Par exemple, l’étude AstraZeneca (Lancet, 19.11.2020) indique : « Les participants étaient éligibles s’ils n’avaient pas de comorbidités médicales sévères ou incontrôlées ou un score de fragilité élevé ». Le vaccin n’est donc pas injecté à des personnes à risque. De plus, les effets indésirables analysés ne sont que ceux apparaissant dans les 60 jours suivant la vaccination. Or, les effets indésirables graves surviennent souvent plusieurs mois après l’injection. C’est le cas de la myofasciite à macrophages (un syndrome de fatigue chronique induit par l’adjuvant aluminium, 96% de personnes en invalidité) ou de la narcolepsie apparue après la vaccination contre H1N1 en 2009 (« les délais moyens d’apparition des premiers symptômes sont de 4,7 mois chez l’adulte et 3,9 mois pour l’enfant »ANSM, 2013).

Enfin, le groupe contrôle peut être un « faux groupe placebo ». C’est le cas dans l’étude citée ci-dessus :   c’est un vaccin contre le méningocoque, très immunogène, qui a été injecté au groupe contrôle. La comparaison est donc faussée, comme souvent dans les essais concernant les vaccins[2].

Pfizer et Moderna utilisent une technique nouvelle et jamais testée, l’ARN messager. Pour Christian Velot, généticien moléculaire à l’Université-Paris-Saclay, « L’utilisation de virus génétiquement modifiés comme vecteurs, notamment à des fins de thérapie génique ou d’immunothérapie, a montré à quel point les effets indésirables sont variés, non maîtrisés et peuvent être graves. L’utilisation de ces mêmes vecteurs à des fins de vaccination revêt une autre dimension. Des effets secondaires non maîtrisés auraient donc des retombées considérables sur le plan sanitaire bien sûr mais également sur le plan environnemental ». (Criigen)

Une pharmacovigilance défaillante

« Il y aura un suivi extrêmement rigoureux des effets indésirables en population générale », promet le Pr Floret, vice-président de la commission technique des vaccinations de la HAS (Huffington Post, 30 septembre 2020). Comment ne pas être choqué par cette déclaration, lorsque l’on sait que la pharmacovigilance ne recueille que 1 à 10 % des effets indésirables des médicaments (CRPV Tours, 2006), avec des notifications souvent de piètre qualité. Et comme le montre une étude menée par la région Italienne des Pouilles entre 2013 et 2018, la détection active peut repérer jusqu’à 400 fois plus d’effets indésirables graves qu’une notification spontanée (Dr Vincent Reliquet, AIMSIB, 2020).

De ce fait, et nous faisons référence à notre propre expérience, les personnes victimes d’effets indésirables induits par les vaccins subissent pendant de longues années une inadmissible et douloureuse errance de diagnostic. De plus, faute de pouvoir prouver de manière indiscutable le lien entre leur maladie et le vaccin injecté, elles sont rejetées par principe des dispositifs d’indemnisation de l’Etat. Elles doivent alors, sans moyens financiers et épuisées par la maladie, faire appel à la justice pour que leurs droits soient reconnus, sur la base d’indices graves, précis et concordants[3]. Nous appelons cela de la maltraitance institutionnelle.

Il conviendrait donc qu’un dispositif de pharmacovigilance très performant soit mis en place, et de toute urgence, pour cette vaccination accélérée contre la COVID. Mais rien n’augure d’une telle bonne nouvelle, au contraire. Nous serions en droit d’attendre que le Comité Scientifique Permanent Pharmacovigilance de l’ANSM soit saisi de cette question. Les associations de patients qui en sont membres ont demandé à être associées à l’élaboration du plan spécifique élaboré par l’Agence du Médicament. Elles ne seront qu’informées des décisions prises.

Conclusion

Alors que 59% des Français n’ont pas l’intention de se faire vacciner contre la Covid (sondage IFOP pour le JDD, 29 novembre 2020), le président de la République annonce qu’il entend créer un collectif citoyen « pour associer plus largement la population ».

Sans doute pour reproduire la même « concertation » que celle sur le climat ? Ou pour s’inspirer de la « concertation citoyenne sur la vaccination » lancée en 2016 par Marisol Touraine et pilotée par le Pr Fischer, avec la mise en place de jurys citoyens et professionnels de santé ? Ces jurys étaient opposés à l’obligation vaccinale (à 75%), et ils ont demandé que le ministère de la santé soutienne les recherches sur les effets indésirables de la vaccination à moyen et long terme, en particulier liés à certains adjuvants. Ils ont aussi demandé la mise à disposition de vaccin sans adjuvant pour lever la réticence aux vaccins obligatoires avec sel d’aluminium. Résultat : les recommandations du Pr Fischer ont été de d’étendre le vaccin obligatoire de 3 à 11 vaccins, de ne pas recommercialiser le vaccin DTPolio sans aluminium et de ne pas financer la recherche sur les effets toxiques de l’adjuvant aluminium… (Dépêche APMdu 02 décembre 2016).
Pour les « experts » qui conseillent les autorités sanitaires, rien ne peut altérer le bénéfice de la vaccination.

Des milliards d’euros d’argent public sont apportés à l’industrie pharmaceutique pour la recherche d’un vaccin Covid censé être la panacée. Mais l’opacité dans laquelle ces contrats sont négociés inquiète les parlementaires européens qui demandent depuis plusieurs semaines à la commission de les rendre publics, en vain. Certes, les fabricants de vaccins communiquent sur leurs essais, mais cela vise surtout à rassurer les investisseurs et les milieux financiers, et aussi au passage récupérer de juteuses prises de bénéfices (4,7 M° d’euros pour le PDG de Pfizer en une journée).

Un manque total de transparence sur le plan politico-économique, des informations insuffisantes sur l’efficacité des vaccins, et des manques cruciaux sur leur tolérance et leur surveillance post-injection, la population fera donc office de cobaye. Ce n’est certainement pas le bon chemin pour qu’elle retrouve confiance dans ses institutions et dans la politique vaccinale.

[1] Comme le rappelle Usine Nouvelle, « En réalisant un investissement anticipé, avant la fin du développement clinique, dans un outil pour mettre ce vaccin à disposition dès 2015, au lieu de 2019 ou 2020 si l’on avait suivi l’approche classique, c’est un pari industriel que nous avons fait », racontait alors Antoine Quin, le directeur du site de production du Dengvaxia. « Dès 2017, les déconvenues s’enchaînent. Le groupe pharmaceutique admet publiquement que son produit peut augmenter le risque de dengue sévère chez des enfants jamais exposés au virus » … C’était aussi, et surtout, un pari sur la santé des patients, et un pari perdu !

[2] Il s’agit d’une pratique dénoncée à maintes reprises et notamment par Peter Gotsche, l’un des fondateurs de la collaboration Cochrane, qui critiquait le fait que, lors des essais cliniques sur les vaccins contre le papillomavirus, le « placebo » contienne l’adjuvant aluminique.

[3] https://www.vaccinssansaluminium.org/myofasciite-conseil-etat/

Sortir les Big Pharma de leur confort financier

La pandémie COVID-19 : un prétexte

La crise sanitaire provoquée par le SARS-CoV2 a révélé au grand public l’interdépendance des pays, conséquence de la globalisation économique. Elle est criante pour les produits pharmaceutiques et les médicaments, aussi bien dans les pays émergents que dans les pays de l’UE et la France.  Près de 40 % des médicaments finis commercialisés dans l’Union européenne proviennent de pays tiers et 80 % des fabricants de substances pharmaceutiques actives utilisées pour des médicaments disponibles en Europe sont situés en dehors de l’Union. 35 % des matières premières utilisées dans la fabrication des médicaments en France proviennent de trois pays : l’Inde, la Chine et les États-Unis.

Depuis 10 ans, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), les problèmes de stocks et les difficultés d’approvisionnement de certains médicaments ont été multipliés par 34.  Il y a eu plus de 2400 signalements de  ruptures d’approvisionnement en 2020. L’exemple le plus récent  est l’actuelle pénurie de vaccins contre la grippe[1].

Ce phénomène, aggravé par la crise sanitaire, relance le débat sur les relocalisations de la production de l’industrie de la santé en France. Le gouvernement en juin lançait un plan d’action pour les favoriser. Sur les 100 milliards d’euros du plan de relance, 15 milliards d’euros seraient consacrés à « l’innovation et les relocalisations » et il y aurait « un milliard d’euros d’aides directes construites avec les industriels pour permettre, sur des sujets très précis, d’apporter l’aide de l’État pour relocaliser » afin d’engager « une reconquête de souveraineté sanitaire et industrielle [2]».

La relocalisation de la production pharmaceutique sous conditions

Les annonces de l’exécutif sont une opportunité pour Les Entreprises du Médicament (LEEM) de formuler leurs doléances : la fiscalité trop lourde, le manque de compétitivité et les rigueurs administratives de la France qui allongent les délais de mise sur le marché. Le LEEM se plaint  «de l’absence d’attractivité d’un marché comme la France, dans lequel le prix des médicaments est inférieur à celui des autres États, facteur aggravant de la situation de pénurie ». Une valorisation du prix des médicaments « permettrait à nos industries de santé d’exprimer tout leur potentiel stratégique, économique et social au service des patients et de la communauté médicale[3] ».

Nul doute que les efforts des entreprises de la santé pour la relocalisation de la production pharmaceutique ne soient conditionnés à des avantages consentis par l’Etat. Injonction à laquelle Emmanuel Macron s’est empressé de répondre par une notification assurant que «ce secteur stratégique», bénéficierait de «plus de marges de manœuvre», notamment en réduisant de 300 millions d’euros l’effort qui lui est demandé chaque année dans le plan des finances. Les procédures concernant les médicaments seront également revues par «une réforme des autorisations temporaires d’utilisation au 1er janvier». «Investir ce n’est pas forcément de l’argent, c’est faire gagner du temps», a fait valoir le chef de l’État2.

Tant pis si ces autorisations impliquent de simplifier les essais cliniques et de mettre potentiellement en danger la santé des patients traités avec des médicaments aux effets secondaires mal évalués.

Le potentiel stratégique revendiqué par les entreprises de la santé n’est rien d’autre que d’avoir les moyens d’augmenter la valorisation en bourse afin d’assurer une hausse des dividendes aux actionnaires.

Les stratégies financières de Sanofi

Sanofi, grande multinationale d’origine française, s’inscrit pleinement dans cette logique avec pour objectif de s’aligner sur le niveau de performance de ses concurrents, soit de passer de 27 % de marge opérationnelle à 30 % en 2022 et 32 % en 2025. Le groupe a terminé l’année 2019 sur une croissance de 2,8 % du chiffre d’affaires (36,13 milliards d’euros) et de 9,8 % du résultat net (7,49 milliards), l’autorisant à servir aux actionnaires 4 milliards d’euros de dividendes, soit plus de 11 % du chiffre d’affaires. Pour 2020, Sanofi annonce une augmentation du chiffre d’affaires de 5,7% (9,48 milliards d’euros) et anticipe un bénéfice net par action des activités en croissance de 7% à 8% à taux de changes constants.

Pour se maintenir dans cette course, il enchaîne les plans d’économie, 2 milliards d’euros d’économies annoncés en décembre 2019, et les restructurations,  notifiant 1700 suppressions de postes (1000 en France et 700 en Allemagne) en juin 2020. En 12 ans 5000 emplois ont été supprimés en France.

Sous prétexte de vouloir favoriser la relocalisation de la production de médicaments, le groupe Sanofi organise son désengagement progressif de la production de principes actifs. Il externalise la production de 200 principes actifs d’intérêt thérapeutique majeur, mais d’une rentabilité jugée insuffisante, pour recentrer son activité sur les biotechnologies, plus prometteuses financièrement.

C’est le sens du projet « Platon », présenté le 5 novembre 2020 par Sanofi en comité de groupe France, d’externalisation de six usines européennes de fabrication de principes actifs, dont deux françaises (Saint-Aubin-lès-Elbeuf et Vertolaye)

La nouvelle entreprise autonome, baptisée NewCo, verrait le jour en 2021 et son siège social devrait être situé en France. Sanofi conserverait 30 % du capital.  Le complément serait apporté par des « investisseurs » privés et par l’ouverture au public. La banque publique Bpifrance et d’autres institutions publiques européennes ont été contactées mais restent à convaincre. Sanofi ne rechigne pas à obtenir des fonds publics mais l’Etat comme Sanofi veulent que cette entreprise reste une entreprise capitaliste qui serait introduite en Bourse en 2022. Le poids et la capacité d’intervenir des fonds publics sur les choix de cette entreprise seront faibles. 3200 salariés sont concernés dont 1200 en France.

A l’occasion de ce comité (05 /11/ 2020), la direction a également annoncé le déménagement en 2021 du siège du groupe dans un autre lieu parisien, ainsi que la fermeture du site de La Croix-de-Berny, à Antony (Hauts-de-Seine), dont les salariés seraient  transférés sur celui de Gentilly (Val-de-Marne) “à horizon 2022”, selon les syndicats. Ces fermetures font suite aux suppressions massives de postes dans les services centraux dont les métiers sont externalisés.

Ce n’est pas tout. Selon les syndicats, la firme envisage d’aller encore plus loin dans le désengagement productif en France. La CGT a reçu une lettre anonyme, faisant état d’un autre projet baptisé « Alastor ». Ce plan signerait ni plus ni moins la vente ou la disparition des quatre sites chimiques de l’Hexagone (hors ceux cotés en Bourse) basés à Ploërmel, Mourenx, Aramon et Sisteron. Près de 2 000 emplois directs seraient menacés à l’horizon 2024, sans compter le nouveau plan annoncé dans la recherche qui s’accompagnerait de la fermeture du site de Strasbourg.

L’Etat au service des grandes entreprises

Les syndicats en appellent à l’exécutif pour empêcher ce démantèlement de l’outil industriel français. Mais nous ne sommes plus face à un Etat providence : Bercy voit Pluton d’un bon œil  en « champion européen des principes actifs pharmaceutiques » qui va dans le sens  « d’une sécurisation de l’approvisionnement, tout en se fendant d’une rodomontade de circonstance : « mais nous serons très attentifs à ce que cet objectif soit maintenu, et l’emploi préservé.[4] 

L’Etat, sous couvert de la sauvegarde de l’économie et de soutien à la relocalisation, est au service des grandes entreprises. Emmanuel Macron, fervent adepte du néolibéralisme, applique méthodiquement à la gouvernance du pays, les principes de la libre concurrence et de la privatisation étendues à toutes les activités humaines, y compris celles concernant la santé. Les intérêts particuliers sont valorisés au détriment des projets de société et des valeurs communes. Son arbitrage ne peut être qu’en faveur de la stratégie actionnariale. Sans se préoccuper du sort des salariés qui, en changeant de statut, seront contraints d’accepter une baisse de revenus. Sans se préoccuper de la destruction des savoir-faire, synonyme d’un non-retour pour de futures implantations de production pharmaceutique, pourtant stratégique, en France. Sans se préoccuper du délitement social et de l’explosion de la sécurité sociale que provoqueront, à terme, la baisse des cotisations patronales et l’augmentation du prix des médicaments que les industries de la santé ne manqueront pas de négocier – à moins que, l’occasion étant trop bonne, elle ne soit sciemment utilisée à cette fin inavouable.

Les entreprises pharmaceutiques sont des monstres financiers qui gagnent sur tous les tableaux

Leur chiffre d’affaires en  France dépend à 80 % de la Sécurité sociale. Elles bénéficient du crédit d’impôt recherche (CIR) et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). En tant que firmes du CAC40, elles ont bénéficié, dans le cadre de la crise sanitaire, de plusieurs formes d’aides, comme des reports de charges. Au travers des partenariats privé-public, elles ont accès au financement public de la recherche [5]

Sanofi a touché pas moins de 14,8 millions d’euros de CICE, transformé en baisse de charges pérenne, et 112,5 millions d’euros de CIR en 2018. Ce qui ne l’a pas empêché de faire un chantage à la mise à disposition du vaccin anti-SARS-CoV2 contre 200 Millions d’Euros d’aides de l’Etat français, au motif que les Etats doivent veiller à ce que le marché ne soit pas défaillant à couvrir au mieux les besoins de santé de la population, quitte à octroyer des avantages supplémentaires.

Les entreprises pharmaceutiques, fortes de leur position de monopole d’un bien essentiel à la santé, le médicament, et de la manne financière qu’il représente, sont en mesure d’imposer leurs exigences : les subventions, quelle que soit leur nature, sont distribuées sans contrepartie. Seule compte la recherche de la rentabilité financière maximale qui passe par la minimisation des coûts et le moins-disant salarial, une piètre couverture sociale, et une fiscalité légère pour le capital.

Sanofi se comporte comme n’importe quelle entreprise du CAC40, aux appétits de croissance financière insatiables. Sauf que dans ce cas, les biens produits sont des médicaments qui doivent répondre aux besoins de santé de la population. Ils ne peuvent être source de profits pour des acteurs privés et encore moins dépendre d’une souveraineté marchande. Le contrat est rompu depuis longtemps : la suprématie du marché sur  les valeurs humaines est patente. Ce n’en est pas moins inique.

Jusqu’où pourront aller ces entreprises qui réclament toujours plus de revenus, de profits, d’innovations, d’inégalités ?

Le médicament est devenu un produit banal de la mondialisation. L’opinion publique, avec les pénuries récurrentes de médicaments, et depuis la pandémie de COVID-19, le manque de matériels médicaux et de masques, puis le retard dans la mise au point des tests de diagnostics et sérologiques du SARS-CoV-2, a pris conscience que la mondialisation dérégulée, fondée sur  le libre marché, est une recette pour le désastre économique, social et humanitaire. Une méfiance s’instaure vis-à-vis des Big Pharma, que reflète en partie le faible pourcentage de français prêts à utiliser les vaccins en développement contre le coronavirus.

Une modification radicale du système s’impose. La conjoncture est propice pour repenser les fondamentaux d’une politique publique, la santé devant en être au cœur. De nouveaux modèles, respectueux de l’environnement, de production et de distribution répondant aux besoins de la population sont à mettre en place. Une économie alternative pour une société nouvelle, plus démocratique, plus solidaire, plus coopérative, plus sobre, impliquant l’ensemble des citoyens est à inventer. Le choix des droits fondamentaux plutôt que de la marchandisation de la vie est un choix de société et non une fatalité La prise de conscience de bloquer les dérives de l’économie globalisée doit se doubler de celle que nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes.

Mettons nous en ordre de bataille avant qu’il ne soit tard.

E.Mandine ; le 25-11-2020

[1]L’UFC-Que Choisir alerte sur la pénurie de médicaments qui s’aggrave en France.

[2]www.lefigaro.fr– Industrie- Keren Lentschner ; Publié le 28 août 2020

[3]www.mediapart.fr – Pénurie de médicaments – R.LE SAINT ; Publié le 8 Juillet 2019

[4]www.lemonde.fr – Sanofi : – Chloé Aeberhardt ;  Publié le 05 novembre 2020

[5]www.latribune.fr – Plan Deep tech : – Sylvain Rolland ; 30 janvier 2019

Silence, Sanofi brade … l’indépendance sanitaire de la France

 Les 7 et 28 octobre, la coordination des syndicats CGT de Sanofi alertait par courriers les Ministres de l’économie, de la santé, du travail et de l’industrie, sur le désengagement et démantèlement du groupe en France et en Europe, à l’appui d’un mémo confidentiel de la Direction de Sanofi précisant l’arrêt des productions des principes actifs chimiques à l’horizon 2024.

Les six sites français sont menacés. Demande est faite de l’intervention sans délai de l’État pour stopper ce processus de disparition de l’outil industriel pharmaceutique le plus important en France. Comme citoyens.nes, nous ne pouvons accepter le silence observé par l’exécutif. L’Assemblée nationale devrait être saisie.

N’est-il pas temps de clore la phase ultra-libérale entamée dans les décennies 80-90, si dévastatrice ?

12 années de démantèlement de la R&D

Les éléments d’appréciation de la gravité de la situation fournis aux ministères sont clairs.  Durant les 12 dernières années, « les stratégies financières du groupe basées sur des plans d’économie successifs, ont conduit à la disparition de 7 centres de Recherche & Développement (Labège, Toulouse, Rueil, Bagneux, Porcheville, Évry, Alfortville) sur 12 en France. Derniers en date : Alfortville en 2020 et Strasbourg, projet de fermeture en 2022 (8ièmesite). Sans compter la recherche anti-infectieuse (antibiotique) située sur Marcy l’Étoile, bradée à Evotec ». Ces fermetures ou restructurations incessantes correspondent « à la suppression de la moitié des effectifs de R&D Pharma en France (6500 en 2008, 3200 projetés pour 2022). Mais aussi « à l’arrêt des recherches dans plusieurs axes thérapeutiques majeurs travaillés en France (Système Nerveux Central [SNC] dont Alzheimer et Parkinson, Cardiologie, Anti-infectieux, alors que la pandémie actuelle démontre l’absolue nécessité de nouveaux traitements), et le diabète en Allemagne. »1

Sanofi gouverné par la profitabilité

Sanofi s’oriente massivement vers les biotechnologies au détriment de la recherche chimique (traitements en cardio, SNC ou anti-infectieux, c’est 100% de petites molécules chimiques). Seuls subsistent en France l’oncologie, plus particulièrement l’immuno-oncologie (ou immunologie). La production chimique est massivement confiée à la sous-traitance (Inde et Chine), contrairement aux propos confiés par la Direction du Groupe. Même des activités cruciales de sécurité du médicament comme la toxicologie, sont sous-traitées. Or cette restructuration massive de la R&D pharma de Sanofi s’est réalisée avec l’aide de fonds publics que Sanofi a perçu, durant une quinzaine d’années, entre 110 et 130 millions d’euros de Crédit Impôts Recherche. Et alors que Sanofi annonce la 26ième année consécutive d’augmentation des dividendes de ses actionnaires ! Ce qui est d’autant plus inacceptable.

Cette orientation tout biotechnologies est dictée par la recherche de la rentabilité maximale, en se consacrant aux seuls médicaments les plus rentables parce que pouvant être vendus au prix fort. En faisant supporter les coûts des traitements sur les comptes publics comme la Sécurité sociale. « Sanofi a annoncé à la presse financière en décembre 2009 – confirmé depuis en comité de groupe – la volonté de se désengager de 200 des 300 médicaments commercialisés par le groupe au titre que certains ne font même pas 1M€ de CA ».1 Depuis 2012, malgré les alertes vers les pouvoirs publics, en plus du repli de la R&D, le désengagement industriel a été initié. Depuis l’OPA de Sanofi sur Aventis, plusieurs sites industriels ont été fermés (Romainville, Marly la ville) ou restructurés (Vitry, Neuville sur Saône) ou vendus (Colomiers, Quetigny, Notre dame de Bondeville).

L’indépendance thérapeutique était déjà en danger !

Par mémo confidentiel, Sanofi cache une 3ième phase

Sanofi veut aujourd’hui aller plus loin ! Le 5 novembre a débuté la procédure d’information consultation du Comité Social et Économique de Sanofi chimie, sur le projet intitulé « Pluton ». Ce projet a pour objet « de créer une société dont SANOFI détiendra seulement 30% des parts. Cette société de production de principes actifs, qui sera mis en bourse, absorbera 6 usines de SANOFI en Europe dont 2 en France : l’usine d’Elbeuf (Normandie) et celle de Vertolaye (Auvergne). »1

La question se pose de la viabilité de ce nouvel acteur de production de principes actifs dans un paysage industriel très concurrentiel. Une fois de plus, Sanofi compte sur l’argent public et l’assentiment de l’État.

Fin Octobre, un courrier anonyme, intitulé : « MEMO CONFIDENTIEL : CHEMINEMENT SOCIAL » adressé aux dirigeants du groupe, dévoile une 3ième phase du projet Pluton, nommé « Projet Alastor », annonçant la vente ou la fermeture à l’horizon 2024 de tous les sites chimie français.

Le syndicat CGT a demandé l’intervention sans délai de l’État pour stopper ce processus de disparition de l’outil industriel pharmaceutique le plus important en France.

Complaisance gouvernementale ?

Or silence du côté de l’exécutif ! On est en droit de se demander si le lobbying si puissant de Big Pharma a neutralisé les pouvoirs publics, et surtout nos dirigeants. Car à ce stade, si l’État n’intervient pas, il cautionne la stratégie des dirigeants de Sanofi. Que valent les déclarations enflammées de Bruno Le Maire sur la défense de nos atouts industriels et sur l’indépendance thérapeutique de la France ? Quel est l’État de l’intérêt général ? On a trop en tête l’affaire désastreuse d’Alcatel-Alstom…Cette complaisance gouvernementale décourage les salarié.es, dont les métiers de recherche ou de production sont très qualifiés, d’expérience professionnelle accumulée.  Sabordés, ces métiers ne se relèveront pas de sitôt !

Il est temps de dire : STOP !

Depuis les décennies 80-90, l’idéologie libérale vante le soi-disant dynamisme entrepreneurial de l’entreprise privée et de leurs « capitaines d’industrie ». Pour surmonter économiquement cette grave crise sanitaire, le gouvernement a présenté son « plan de relance ». De quelle relance s’agit-il ? Dans la filière pharmaceutique, on est en pleine relance des opérations financières, en contradiction avec les exigences des besoins essentiels de santé de la population. Et alors que les alertes de pénurie de médicaments continuent d’affluer 2. Emmanuel Macron est l’archétype de ce logiciel libéral.

L’indépendance thérapeutique, face aux problèmes d’approvisionnement des principes actifs, lesquels sont produits à plus de 80% en Asie, est un défi majeur. Cette réalité liée à la recherche d’économie de coûts, associée à la volonté des groupes pharmaceutiques de se désengager de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur moins rentable, conduit en grande partie aux ruptures ou pénuries de médicaments. Ne serait-il pas temps de créer une entreprise publique française ou européenne, allant de la recherche de cibles à la production des traitements ? Plutôt que de voir des expertises scientifiques et des pans entiers industriels sacrifiés ou vendus, ne serait-il pas plus utile qu’ils constituent la base de cette structure publique ?

Il est temps que la société prenne la maîtrise de l’avenir des filières stratégiques dans les domaines de la recherche et de l’industrie. Les chaînes de décisions et de pouvoirs échappent à la société. L’État est devenu captif du pouvoir des Big Pharma. Il est urgent de dégager la santé publique de l’autocratie de ces géants de la finance. L’exigence de transparence est forte dans la société. Il serait paradoxal de laisser la filière pharmaceutique abandonnée aux appétits financiers. D’autant que ce secteur a sa propre « garantie publique » : la prise en charge des dépenses de santé par l’assurance maladie et le financement public de la recherche. Il est aussi temps que la société reprenne la maîtrise de la gestion de la Sécurité sociale, qui a été détournée par rapport au modèle établi par la loi de 1946, et au financement confisqué par l’État (Cf les LFSS).

1 Extraits des courriers envoyés aux Ministères

2 L’UFC-Que Choisir alerte sur la pénurie de médicaments qui s’aggrave en France.

 

Sanofi en contre-exemple

La France veut relocaliser les moyens de son indépendance sanitaire. Les milliards d’euros engagés ne modifieront pas pour autant les pratiques des « big pharma » dont Sanofi. Le plan de relance du gouvernement annonce prioriser l’industrie pharmaceutique parmi les domaines d’activité stratégiques. Le secteur va à lui seul bénéficier d’un financement public de 15 milliards d’euros et d’une réduction supplémentaire d’impôts de 300 millions pour « améliorer sa productivité ». Autrement dit, pour compenser, par anticipation, la réduction des marges qui résulterait d’éventuelles relocalisations en France ?

Les gestes de l’État en faveur du secteur n’ont jamais manqué ; ils se multiplient dans la période. En juin, 200 millions d’euros de fonds publics ont été engagés pour soutenir un partenariat de Seqens, Upsa et Sanofi autour d’un projet permettant de maîtriser la chaîne de production du paracétamol (apap : acétyl paraminophénol, principe actif). Le paracétamol illustre les logiques financières à l’œuvre dans la filière, et l’imbrication mondiale des chaînes de production, pour ne pas dire leur opacité. L’apap n’est plus fabriqué en France depuis 2008. Les grands groupes préfèrent s’approvisionner auprès d’usines basées en Chine ou en Inde, où les exigences sociales et els contraintes environnementales sont moindres. Pourtant, le coût de l’apap détermine moins de 3% du prix du médicament.

Investissements publics, bénéfices et rentabilité financière privés

A tous les niveaux de la chaîne, les labos ne déterminent jamais leurs stratégies en fonction des besoins sociaux mais bien des marchés les plus rentables. Outre l’imprévoyance, c’est une des raisons pour lesquelles, au plus fort de la crise sanitaire, la France a manqué de matériel médical, de tests, mais aussi de médicaments de première nécessité utilisés au quotidien dans les services de réanimation – antidouleurs, décontractants, anesthésiques ou antibiotiques. Même le paracétamol a été menacé de rupture de stocks ! Les pénuries ponctuelles de médicaments ou de vaccins sont récurrentes depuis des années et ont fait l’objet de deux rapports parlementaires en 2018 et 2019, sans déboucher sur des décisions politiques.

Sanofi, 5ième laboratoire mondial, 3ième entreprise française en termes de bénéfices en 2019. Le groupe revend une partie de ses activités mais rachète des start-up innovantes sur les marchés sur lesquels il souhaite se recentrer : mi-août par exemple, 3,7 milliards de dollars pour acquérir l’américain Principia Biopharma, en pointe sur les maladies auto-immunes ; ou en début d’année 2020, 2,5 milliards de dollars pour Synthorx, spécialisée dans les biotechnologies en immuno-oncologie. « Cela lui paraît moins coûteux que d’investir sur le long terme en intégrant en son sein des équipes de recherche, explique Thierry Bodin, délégué central Cgt pour Sanofi-France. Sanofi ne cache pas sa stratégie, ni sa florissante trésorerie. C’est bien pour cela que nous dénonçons le chantage permanent de notre groupe, comme celui d’autres labos, pour capter des fonds publics sans contrepartie, ni pour l’emploi ni pour la sécurité sanitaire. »

Comment prioriser l’emploi et la santé publique ?

Sanofi vient certes de s’engager à investir 490 millions d’euros dans une nouvelle usine à Neuville-sur-Saône (69) qui permette de produire, sur le même site, plusieurs vaccins en même temps, mais a annoncé dans la foulée un plan de 1700 suppressions d’emplois en Europe, dont 1000 en France ! Le groupe a aussi distribué 4 milliards de dividendes à ses actionnaires cette année, et déjà engrangé 17 milliards de chiffre d’affaires au premier semestre 2020, tablant sur +7% cette année, en particulier grâce au Covid ! Il ne crache pas pour autant sur ces quelques 130 millions de crédits d’impôts au titre du CICE et du CIR, concédés là encore sans conditions.

Bilan : 13 sites fermés en France depuis 2008, et deux fermetures supplémentaires sont prévues ; près de 7000 emplois en moins, au fait de l’externalisation de certaines fonctions supports ; l’abandon de multiples activités et de médicaments y compris d’intérêt thérapeutique majeur, en particulier des anti-infectieux et antibiotiques.

La R&D est également touchée : les effectifs sont passé de 6350 en 2008 à moins de 3500 en 2020. « Dans la recherche d’un vaccin contre le covid, les salariés, très impliqués, auraient préféré que leur direction ne se comporte pas comme un mercenaire », ajoute Thierry Bodin. A l’image de leur directeur général, qui au printemps, a cherché à faire monter les enchères. D’ailleurs sur l’un des deux programmes prometteurs auxquels il participe, Sanofi a perçu 2,1 milliards de dollars des États-Unis et 300 millions de l’union européenne, pour le préachat de doses de vaccins.

L’État français disposerait pourtant de meilleures marges de manœuvres s’il s’appuyait sur une recherche publique mieux pourvue en moyens humains et financiers, s’il imposait des partenariats, qui ne soient pas au seul bénéfice des entreprises, engendrant des embauches de jeunes chercheurs et d’ingénieurs, sur des médicaments et traitements répondant aux besoins et à l’intérêt général. Même si Sanofi ne réalise plus que 8% de son chiffre d’affaires en France, peut-il se passer de son cœur de métier et de son implantation historique ? L’enjeu est de libérer la filière de la course effrénée à la concurrence et à la rentabilité financière, et de construire des chaînes de production plus vertueuses, sur le plan social et environnemental. L’État dispose de ressources et de leviers juridiques, économiques, fiscaux, pour assurer la sécurité sanitaire autrement qu’en se remettant au bon vouloir des labos pharmaceutiques.

 

Un vaccin bien commun, Macron l’a promis, Sanofi le fera ?

 ° Entretien avec Thierry Bodin, Fabien Mallet, Jean-Louis Peyren (*)

(*) militants CGT, salariés de recherches et production de l’entreprise pharmaceutique de médicaments et vaccins, SANOFI, SANOFI Pasteur.

ContreTemps : Entre la direction de Sanofi et Macron on a assisté à un feuilleton à épisodes : le vaccin sera disponible prioritairement pour les Etats-Unis, finalement non, suite au mécontentement exprimé par le président le PDG est revenu sur son propos, puis ce fut le grand show à Marcy l’étoile pour célébrer la création d’une nouvelle usine Sanofi, la relocalistaion de certaines production et la priorité à un vaccin anti-Covid… Et ensuite annonce d’un plan de restructurations et de suppressions de postes ! A quoi joue-t-on ?

 Thierry Bodin : C’est en effet un feuilleton et on ne peut être dans la tête de ses différents protagonistes, donc nous échappent sans doute certains éléments. Reste que l’argent mis sur la table par les Etats-unis a servi d’argument pour faire accélérer le dossier et franchir certaines étapes. Suite au tohu bohu de l’annonce de la direction de Sanofi, comme quoi lorsque le vaccin serait disponible seraient privilégiés les Etats-Unis, a suivi la présentation d’un plan d’investissement concernant les vaccins. Et quinze jours plus tard, c’était le plan de restructuration. La direction de Sanofi et Macron se connaissent fort bien et on peut penser que tout cela n’a été ni improvisé ni concocté dans le dos des uns ou des autres.

Jean-Louis Peyren : Il faut plutôt parler de distribution des rôles et d’échanges de bons procédés. Sanofi a besoin de l’Etat pour recevoir des subventions pour la recherche et les investissements industriels, et Macron a besoin de Sanofi pour améliorer son image. Le 16 juin, à Marcy l’étoile, n’a-t-il pas, se tournant vers le PDG de Sanofi M. Hudson, conclu sa prestation par un « Merci Paul » ? Quant au plan de licenciements, il est venu plus tard… Bref, le Capital s’organise dans le cadre de bons rapports entre le secteur privé et l’État.

Fabien Mallet : Je suis d’accord, l’affaire du privilège réservé aux Etats-Unis, sur le mode « seront servis ceux qui auront participé financièrement », c’était une pression sur l’Union européenne qui rechignait à mettre de l’argent sur la table. Ce fut efficace, du point de vue des patrons, puisque l’Europe a annoncé verser entre 500 et 700 millions d’€uros dans la lutte contre le Covid. Etant entendu qu’il y a deux fabricants concernés en Europe.

Donc un pas de deux qui permet à l’un et à l’autre de redorer son image, Macron se présentant comme celui qui fait revenir les entreprises en France, et Sanofi comme une entreprise à la pointe de la technologie. Mais tout cela sur le dos des salariés, car au total ce sont 1700 emplois en moins. Le coup de projecteur sur le bond technologique permet de dire que tout va bien, et que si on n’a pas parlé avant des restructurations c’est de la faute du Covid qui empêchait de se réunir. Mais pas de se concerter sur les plans mis sur pied !

Il y a le plan com’, mais pour la direction de Sanofi le cap est maintenu. Et il convient de s’inquiéter de l’accélération de l’automatisation : certes, on remet des usines en France, mais avec plus grand monde dedans. On va produire français, mais avec sept fois moins de salariés qu’avant !

A Neuville sur Saône, dans la nouvelle usine prévue on aura un atelier dit EVF entièrement automatisé, qui sera en capacité de produire en même temps 5 types de vaccins. En d’autres termes, 5 ateliers de Marcy (1400 salariés) seront remplacés par 1 atelier à Neuville (200 salariés). Pour toutes les productions de vaccins, c’est une chute brutale de l’emploi. A quoi il faut ajouter les 1700 postes supprimés par la sous-traitance des fonctions supports.

En fait Sanofi se désengage de tout ce qui lui coûte, de son point de vue, pour se focaliser sur ce qui peut rapporter vite et beaucoup.

J-L. P. :  L’externalisation de certaines productions par relocalisations en France et en Europe, permet de multiplier les captations d’argent public : subventions pour relocaliser, subventions pour fabriquer, et encore de l’argent via les remboursements par la Sécu…

Ce qui est dit pour les vaccins l’est également pour la chimie. La direction a expliqué qu’à Neuville, en matière d’emploi l’unité vaccins s’ajouterait à l’unité chimie. Résultat, par exemple on comptait 800 salariés Sanofi NEUVILLE/SAÔNE dans les années 2000 (Usine SANOFI CHIMIE), après une  transformation  en usine de chimie en  usine vaccin on ne compte plus que 145 salarié-e-s Sanofi-vaccin-Neuville/Saône et dans les années à venir avec le projet d’investissement il y aura au mieux 300 travailleurs! Donc vous voyez qu’entre les années 2000 et les prochaines années le compte n’y est pas, l’emploi chef SANOFI sur ce bassin est bien en baisse.

  1. T.B. : La direction de Sanofi est en effet experte pour obtenir le maximum d’argent public. Le gouvernement débloque 100 millions pour le rapatriement de certaines productions, et 200 millions pour développer traitement et recherche du vaccin contre le Covid… Donc financement de l’unité EVF de Neuville sur Saône, et peut-être pour créer une entité de fabrication du paracétamol. Si les médicaments ce n’est pas très rentable, les vaccins en revanche sont très rentables. Pour ce qui est d’un éventuel vaccin contre le Covid, même si son niveau de rentabilité n’est pas prévisible, il représentera une formidable publicité pour qui le découvrira en premier.

CT : La nouvelle usine Sanofi peut-elle être un outil efficace pour accélérer la recherche d’un vaccin contre le Covid ?

  1. F.M. : Ce n’est pas le but de l’usine de Neuville.

Le Ministre de la santé, Olivier Véran, a réajusté le calendrier annoncé du vaccin anti-Covid : début 2021 pour un vaccin partiel (protégeant à 60%), et 2022 pour un vaccin efficace (protégeant à plus de 80%). C’est exactement le calendrier de Sanofi. A croire que les deux vont main dans la main !

Pour produire ce vaccin il n’y a pas besoin d’une nouvelle usine, celle de Marcy en a la capacité, capacité gardée sous le coude pour cela d’ailleurs. Deux choses à préciser.

La première que s’il s’agit d’un vaccin de type grippal, il faudra y recourir chaque année. C’est peu probable, car il semble que le Covid ne réinfecte pas une deuxième fois, donc le vaccin sera d’une efficacité de plus longue durée que celui contre la grippe. La seconde : l’OMS indique qu’il faudra fournir 550 millions de doses (par rapport à 7 milliards d’humains !). Sanofi dispose donc de la capacité de production d’un vaccin de type Covid. Reste bien sûr le problème que ce vaccin il faut le trouver ! Quant à la question qu’il faudrait pouvoir vacciner tous les humains, c’est un autre débat…

En fait, la création l’unité EVF relève d’une problématique bien différente. L’idée de base est qu’il faut une automatisation maximum pour éviter les interactions humaines dans le processus de production. Celles-ci sont en effet coûteuses, du fait d’interventions d’opérateurs en zone, qui doivent être formés, que des conditions d’asepsie s’imposent etc. D’où l’intérêt de robotiser les actions. Comme cela coûte très cher, il faut assurer la rentabilité. La solution c’est une énorme usine permettant de fabriquer 5 types de vaccins en même temps.

Cela implique de passer à des formes sur cellules, domaine dans lequel Sanofi est très en retard. Sanofi a perdu en capacité d’innovation face à des concurrents qui vont deux fois plus vite pour produire des vaccins qu’ils peuvent vendre cinq fois plus cher. Il s’agit donc pour Sanofi de rattraper ce retard, en achetant (très cher) des laboratoires américains ou autres (un montant de 2 milliards pour les cinq dernières acquisitions). Du fait que la recherche a été sacrifiée ces dernières décennies, il faut se résoudre à un développement à partir de résultats obtenus par ces starts up. Avec de plus le fait qu’à la différence de l’Europe existe aux Etats-Unis la possibilité de travailler sur le génome, les cellules souches, ce qui ouvre la voie à des vaccins de nouvelles générations.

Le pari affiché est que d’ici 2040 avec l’EVF on va multiplier par deux le chiffre d’affaires, cela grâce à cette seule unité. Si ce pari est perdu, c’est la chute d’après Sanofi ! S’il est gagné, c’est la possibilité d’emporter jusqu’à 90 % du marché mondial des vaccins. Le plan de bataille est très offensif. Neuville doit permettre de multiplier par 3 la production de vaccins, pour couvrir les besoins de l’Europe et de l’Amérique du nord. Il sera complété par un autre projet à Shanghai pour répondre aux besoins en Asie. Et ainsi de suite ….

Il faut savoir que d’ici 5 ans l’augmentation de la demande en vaccins va être de 1 milliard de doses. Les besoins en Inde et en Chine explosent du fait de l’augmentation du niveau de vie des classes moyennes, celles-ci sont en attente forte de vaccins (grande différence avec la France !) et font pression sur les gouvernements pour qu’il y soit répondu.

Ajoutons que, par ailleurs, on ne produit plus de vaccins contre la rougeole, qui fait 600 000 morts par an, en majorité des enfants. Mais c’est en Afrique… Orientation financière, plus qu’autre chose.

CT : Au moins la direction Sanofi s’est engagée à ce que le vaccin lorsqu’il sera disponible le soit « à prix coûtant »

  1. F.M. : Cela ne représente pas un trop grand sacrifice puisque tout cela est financé par l’argent public. Plus précisément il n’y aura pas de prix différenciels, c’est-à-dire de prix différents selon les pays. Par exemple l’hexaxim est vendu 8 fois plus cher en Europe qu’en Afrique du nord. Cet engagement du vaccin à prix coûtant a été pris auprès de l’OMS, et surtout répond au souci de ne pas ternir, par des questions d’argent, une image de marque.

CT : Comment expliquer que l’OMS limite l’objectif de la production de vaccins anti-Covid à 550 millions de doses, lorsqu’on sait que c’est toute l’humanité qui est concernée ?

  1. F.M. : L’OMS n’a pas de pouvoir de décision, elle coordonne. Elle se tourne vers les groupes pharmaceutiques, qui disent combien ils peuvent produire : réponse 550 millions de doses. C’est une simple addition, en fonction du cadre fixé par ces derniers. Les starts up tournent à fond, mais les capacités de production ce sont les industries du Big Pharma qui en disposent. Lesquelles sont comme des requins baleines prêts à avaler tout ce qui passe…

En fait ce sera davantage, car ainsi on couvre à peine les besoins des Etats-Unis et de l’Europe.
Reste qu’une vraie politique de santé publique mondiale demanderait qu’on augmente considérablement les capacités de production.

CT : En matière de problèmes liés au vaccin, celui contre la dengue n’a-t-il pas représenté une expérience cruelle pour Sanofi ?

  1. F.M. : Le vaccin contre la dengue, une grande aventure ! Pour conquérir le marché on est allé vite, trop vite. Le vaccin est efficace comme vaccin partiel (qui couvre à 65%), ce qui veut dire que même vacciné on peut être contaminé. On pouvait espérer que dans ce cas ce serait sous une forme bénigne. En fait il est apparu que dans ce cas le vaccin agit comme une primo infection, comme si c’était la deuxième contamination. Ce n’était pas prévu et ça peut vouloir dire que les tests n’ont pas été assez poussés. Or, dans le cas de la dengue la seconde infection est plus grave que la première. Du coup le vaccin est en stand by, 1 milliard de doses en stock. Et on développe les tests pour pouvoir vacciner les personnes qui ont été contaminées une première fois, donc qui sont séropositifs à la dengue.

La dengue peut contaminer 4 fois, selon 4 valences, et à chaque fois de manière plus violente. Il y a donc une vraie attente par rapport à ce vaccin.

La leçon a été tirée, pour l’EVF on travaillera a priori sur des vaccins qu’on connaît bien. Il s’agit d’assurer !

CT : Quelles évolutions sont à prévoir pour les personnels de Sanofi dans les années à venir ?

  1. F.M. : La problématique de l’automatisation est incontournable, mais sans répartition de la richesse ni diminution du temps de travail elle conduit à une destruction de l’emploi. On va avoir des emplois très qualifiés, mais ceux peu diplômés / qualifiés, correspondant à une formation en interne, ils vont disparaître.

J.-L. P. : C’est tout un projet de société qui demanderait à être mis en place. Les dirigeants aiment bien nous répèter : « à la CGT, vous êtes toujours contre tout » et nous inviter à « changer de logiciel ». C’est eux qui doivent changer de logiciel : car toutes arrivées de nouvelle technologie rime avec réductions d’effectifs, suppressions de postes, chômage, pour plus de profits… Ce n’est pas un très très vieux logiciel ? Et nous souhaiterions que cela rime avec réduction du, temps de travail, bien être au travail…

CT : Le Président Macron l’a déclaré solennellement :  le vaccin contre le Covid, lorsqu’il sera trouvé devra être considéré comme un « bien commun » de l’Humanité. Il semble que comme pour le médicament, on en est loin.

  1. F.M. : Le médicament est un « bien commun » …. Réservé à ceux qui peuvent payer ! Les estimations sont là (chiffres de l’OMS !), chaque année 500 millions de morts dans le monde pourraient être évitées, si les vaccins et les médicaments, ainsi que les soins, étaient fournis à qui en a besoin.

En France on ne voit pas forcément clairement cette réalité, parce qu’on a la Sécu, qui oblige à négocier les prix des médicaments. Car ces prix ils sont fixés par les firmes. Leur rêve c’est le rêve américain : des multinationales qui fixent le prix des médicaments en accord avec les assurances, un deal entre acteurs privés.
Que le prix du médicament décide de l’accès aux soins, c’est aberrant !

J-L. P. : Dès lors qu’un médicament est sous brevet cela signifie qu’il est un bien privé, et de surcroît un bien marchand. Bien évidemment que ce devrait être un bien commun, et non une marchandise disponible pour le plus offrant.

Propos recueillis par Francis Sitel

 

Pour un vaccin anti-Covid-19 sans aluminium

Entretien avec Didier Lambert, Co-président de l’Association E3M

La rédaction : Plus de 120 vaccins contre le SRAS-CoV-2 sont en développement dans le monde. Le 24 mars, vous avez demandé au Directeur Général de la Santé et au Directeur Général de l’Agence du médicament (ANSM) d’agir pour que des adjuvants alternatifs à l’utilisation des sels d’aluminium, soient testés au cours de ces recherches, notamment le phosphate de calcium et la tyrosine microcristalline (voir l’appel public avec le soutien de 80 professionnels de santé). En quoi pouvez-vous affirmer qu’il y a risque de toxicité avec certains adjuvants ?

Didier Lambert : Le Pr Exley, spécialiste international de la toxicité de l’aluminium, déclarait en 2013 : « Nous sommes rentrés dans l’âge de l’aluminium, et cet aluminium est toxique ». De nombreux chercheurs travaillent dans ce domaine, et nous en avons réunis quelques-uns lors d’un colloque organisé au Palais du Luxembourg, en 2017, avec l’appui de Laurence Cohen, Sénatrice du Val de Marne. Leurs travaux l’indiquent clairement : l’aluminium est neurotoxique, il ne devrait pas pénétrer dans l’organisme humain, que ce soit du fait de l’environnement, de l’alimentation, ou de la vaccination.

Plusieurs équipes dans le monde travaillent sur les risques spécifiques induits par l’utilisation de sels d’aluminium comme adjuvants vaccinaux. Parmi celles-ci, l’équipe INSERM des Pr Gherardi et Authier et de la Dr Crépeaux, à l’hôpital Henri Mondor (Créteil, France), le Pr Shoenfeld (Israël), l’un des plus grands spécialistes internationaux des maladies auto-immunes, le Pr Exley (Grande-Bretagne), le Pr Lujan (Espagne), le Pr Shaw (Canada).

Les connaissances scientifiques accumulées par ces chercheurs sont désormais suffisantes pour que le Conseil d’État Français reconnaisse le lien entre l’aluminium vaccinal et notre pathologie, la myofasciite à macrophages (un syndrome de fatigue chronique sévère : 96% de nos adhérents sont en invalidité, dont les ¾ en invalidité totale). Cette reconnaissance fait l’objet d’une solide jurisprudence, avec 9 décisions favorables, le Conseil d’État fondant ses décisions sur la base d’indices graves, précis et concordants.

Pour autant, ce risque n’est toujours pas reconnu par les autorités de santé, qui attendent des preuves irréfutables pour agir, tout en refusant tout financement qui permettrait d’obtenir ces preuves. Cette attitude est profondément choquante, car l’État doit protéger sa population et réduire les risques inhérents à l’utilisation de tout produit de santé.

La rédaction : Pouvez-vous citer et référencer les études antérieures établissant les risques d’une exposition aux nanoparticules d’alumine, pour les différentes catégories de la population soumises aux vaccinations ?

Didier Lambert : Les publications sont nombreuses, il est possible de les retrouver sur notre site internet. Parmi les plus récentes : celle de l’équipe du Pr Gherardi présentant des preuves épidémiologiques, cliniques et expérimentales comme quoi la myofasciite à macrophages constitue un type majeur d’effet indésirable des vaccins contenant des adjuvants aluminiques particulaires peu dégradables (Gherardi 2019), celle du Pr Exley montrant les propriétés physico-chimiques des adjuvants aluminiques et la relation entre ces propriétés et l’internalisation et la cytotoxicité de cet adjuvant (Exley 2018), celle du Pr Lujan qui a mené la première étude scientifique démontrant des changements de comportement chez le mouton après inoculation répétée de vaccins commerciaux contenant de l’hydroxyde d’aluminium (Lujan 2020).

Pour aller plus loin, je conseille de regarder le documentaire que nous avons co-produit, ainsi que cette excellente vidéo réalisée par une maman concernée par la vaccination. Elle synthétise l’état des connaissances sur les risques liés à l’aluminium vaccinal, de manière très pédagogique.

La rédaction : En quoi des travaux antérieurs ont-ils démontré que le phosphate de calcium nanoparticulaire est un adjuvant sûr et efficace ?

Didier Lambert :  Dans les années 1970, l’Institut Pasteur s’est inquiété de la toxicité de l’aluminium. Il a alors décidé de développer des vaccins avec un autre adjuvant : le phosphate de calcium, composant naturel de l’organisme. Le Pr Relyveld a été chargé de cette tâche, et tous les vaccins commercialisés par l’Institut Pasteur, dans le monde entier, ont été adsorbés sur phosphate de calcium. Avec la Mutuelle Familiale, nous avons cofinancé une Review (Masson, 2017) pour nous assurer de l’efficacité et de l’innocuité de cet adjuvant. L’étude de la littérature a confirmé ces deux points essentiels. Depuis cette date, nous demandons aux autorités de santé de mener les recherches pour « mettre à jour » cet adjuvant vis-à-vis notamment des nouveaux vaccins. Mais les autorités de santé ne bougent pas…

Très récemment, des travaux ont été publiés montrant que la forme nanoparticulaire du phosphate de calcium (CaP NP) pouvait être un excellent adjuvant. Comme nous l’indiquons dans notre bulletin scientifique de juin 2020 (sous presse), le phosphate de calcium nanoparticulaire vient même d’être appelé « adjuvant biodégradable » par une équipe allemande, une équipe nord-américaine le considérant comme « plus efficace que l’aluminium, il pourrait fournir une protection complète contre l’infection contre le virus H5N1 ». Ce CaP NP pourrait être une vraie alternative aux sels d’aluminium.  Mais ces résultats nécessitent d’être approfondis au regard des découvertes les plus récentes sur les risques liés à l’injection de nanoparticules.

La rédaction : Votre crainte s’exprime que les pouvoirs publics en France ne s’engagent pas à stimuler la recherche dans ce sens. Il y a pourtant une opportunité mondiale de tester toutes les voies.

Didier Lambert : Oui, et notre crainte a quelques raisons d’être ! Il a fallu une grève de la faim en novembre et décembre 2012 pour que le gouvernement accepte de respecter sa parole en apportant le premier financement public aux travaux menés par l’équipe des Pr Gherardi et Authier. 150 000 €, cela représente une petite somme pour la recherche, mais c’est un premier pas. Les résultats, publiés en 2017, ont été jugés très prometteurs par l’Agence du Médicament (ANSM). Mais il aura fallu l’injonction du Conseil d’État en mai 2019 pour que l’ANR (Agence Nationale pour la Recherche) accorde 400 000 € à cette même équipe afin que soit approfondie la recherche, notamment sous l’angle génétique : les malades auraient une spécificité à moins bien éliminer les produits toxiques tels que l’aluminium. Ce financement a été versé fin 2019, la recherche doit durer 4 ans.

Doit-on attendre 2024 pour que des décisions soient prises ? A quoi sert le principe de précaution, inscrit dans la Constitution Française, si on ne l’applique pas ? Comme le dit Stéphane Foucart, journaliste au Monde, dans notre documentaire : « Pour obtenir une preuve scientifique, bien souvent il faut attendre de compter les morts et les malades ».

Aussi, profitant de l’effervescence autour d’un possible vaccin contre le covid-19 (plus de 120 vaccins sont en cours de développement), et constatant que de nombreux pays utilisent l’argent public pour tenter d’obtenir des vaccins le plus rapidement possible, nous avons lancé un appel pour que les gouvernements imposent aux entreprises de tester des adjuvants dont on connait l’efficacité et l’innocuité, à savoir le phosphate de calcium et la tyrosine microcristalline, qui sont d’ailleurs déjà utilisés en immunothérapie (traitements contre les allergies) au même titre que l’aluminium.