Une Agence de l’Innovation en Santé : pour quoi faire ?

 

Dans la continuité du « plan innovation 2030 » de juin 2021, voulu par le président Macron, prévoyant 7.5 milliards d’euros pour faire de la France « un pays leader en innovation de santé et contribuant à sa souveraineté en santé », a été lancée, en octobre 2022, l’Agence de l’innovation en santé (AIS). Son objectif est de contribuer à poursuivre et simplifier les travaux visant à accélérer l’accès aux innovations de santé, poste clé de la compétitivité pharmaceutique française.

La mise en place de l’AIS est présentée, selon Antoine Largier[i], comme une prise de conscience, en France, de l’intérêt d’intégrer les innovations, en utilisant au mieux les potentialités, en vrac, de la thérapie génique, des biotechnologies, des exploitations des données de santé et de l’intelligence artificielle (IA), aux pratiques médicales et aux parcours de soins des patients. Les enjeux seraient l’efficacité du système de soins, la croissance économique et la souveraineté sanitaire française, l’objectif final étant le bénéfice du patient.

Bruno Bonnell (Secrétaire général pour l’investissement), chargé de France 2030, et Lise Alter (Directrice de l’Agence de l’innovation en santé)[ii] précisent « Accélérer l’accès des patients aux innovations en santé, cela passe […] par un soutien massif à la Recherche pour transformer [….] les passerelles public/privé » Ce qui se traduit par un budget supplémentaire de 1.2 milliards d’euros attribué par la puissance publique pour soutenir la recherche biomédicale dans l’hexagone.

Pour le Leem[iii], le secteur pharmaceutique en France serait sur une pente décroissante, nécessitant de fortes mesures pour augmenter l’attractivité du pays dans ce domaine. Elles correspondent aux exigences des entreprises du médicament, à la recherche de nouveaux débouchés, qui n’hésitent pas à faire jouer la concurrence entre les États pour obtenir des évaluations de médicaments simplifiées, des délais d’accès au marché raccourcis, la promotion des partenariats public/privé, ou encore la révision du financement des médicaments. Message reçu 5/ 5 par nos dirigeants qui en ont fait la feuille de route de l’AIS.

Parmi les missions de l’AIS figure la création d’un écosystème constituant une force  d’attractivité pour l’installation d’industriels de santé d’envergure internationale, à travers l’émergence de bioclusters conduisant à l’établissement de partenariats durables et productifs entre équipes académiques et industrielles. Cinq sont prévus sur le territoire. Le premier de ces bioclusters à voir le jour est celui de Paris-Saclay cancer cluster (PSCC), pour accélérer la lutte contre les cancers. C’est un regroupement de compétences sur un même territoire (Gustave Roussy, Institut polytechnique de Paris, Inserm, Sanofi, Université Paris-Saclay), la priorité étant donnée aux projets de recherche avec un fort potentiel de transfert rapide vers l’industrie.

Le tapis rouge est déroulé pour les entreprises. De l’aveu même du cofondateur et président de l’association PSCC, Eric Vivier, « [ce cluster] disposera d’une offre intégrée proposant aux entreprises de trouver ce dont elles ont besoin selon leurs projets : expertise, accès à une plateforme technologique, accès facilité pour le lancement d’essais cliniques, financement de jonction entre deux levées de fonds »[iv].

« Des supports financiers, immobiliers et juridiques sont également prévus pour faire de cet écosystème un projet global et cohérent délivrant rapidement de nouveaux médicaments. Le PSCC bénéficiera dans ce cadre d’un soutien étatique de 100 M€ maximum sur dix ans»[v].

La politique industrielle du plan Innovation Santé 2030, de mise au service des firmes pharmaceutiques, par l’AIS, des institutions de recherche (Inserm- CNRS), des institutions de régulation et des fonds publics profite-t-elle à la souveraineté sanitaire du pays ? Les entreprises privées jouent-elles vraiment le jeu de maintenir leurs activités en France, perpétuel motif de chantage : la production et des emplois maintenus dans le pays  contre des facilités permettant d’optimiser leur compétitivité.

Sanofi[vi], la seule entreprise du médicament, semble-t-il, au cœur du PSCC, devrait être la grande bénéficiaire de toutes les attentions qui y sont déployées. Elle affirme qu’il lui parait essentiel de participer à la création de cet écosystème R&D de Paris-Saclay et prévoit même des investissements pouvant aller jusqu’à 150 millions d’euros sur dix ans. Dans le même temps, en juillet 2022, l’entreprise[vii] décide la fermeture du site de Chilly‐Mazarin/ Longjumeau, à proximité du PSCC, laissant le président de l’agglomération Paris‐Saclay, Grégoire de Lasteyrie, dans la plus grande incompréhension, face à cette regrettable décision, de ce qu’il qualifie « une opportunité manquée de profiter d’un écosystème R&D unique en France»[viii]. Décision qui remet en question l’avenir de 1500 salariés travaillant sur le site. Au printemps 2023, Sanofi évoque la suppression de 265 postes dans les vaccins sur le site de Marçy l’Etoile, puis de 140 postes dans la fabrication de médicaments de synthèses sur les sites d’Aramon et de Sisteron, en fermant deux ateliers de production chimique polyvalents.

Sanofi serait-il un partenaire peu fiable, jouant sur les deux tableaux : intérêt pour des partenariats avantageux, accumulation des aides publiques de l’Etat – un milliard d’euros perçu en dix ans via le crédit impôts recherche (CIR) – tout en poursuivant imperturbablement sa politique de réorganisation pour « adaptation aux besoins des marchés », en appliquant une stratégie de délocalisation et d’externalisation hors de France de ses activités[ix]? Ou est-ce un scénario plus général?

Attiré par l’effet d’aubaine, le groupe Servier s’invite sur le plateau de Saclay avec un projet de regrouper la majeure partie des salariés de ses différents sites R&D (1500 à terme), mais au prix de quatre Plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) impactant 67 emplois sur le site de Gidy et 80 sur le site d’Orléans.

D’autres entreprises, telles que Novartis, ont manifesté leur intérêt pour les bioclusters. En septembre 2021, cette entreprise avait jeté son dévolu sur le site des Ulis, centre de production de thérapies géniques et cellulaires, détenu alors par LFB[x], bénéficiant, pour accélérer la production de Kymriah[xi]puis de nouvelles thérapies en ophtalmologie, de 800 000 euros du plan de relance. En mars 2023, elle annonce qu’elle va arrêter la production de la thérapie cellulaire aux Ulis, mettant en sursis 209 salariés du site, qui vont s’ajouter aux 530 suppressions de postes en France, prévus par le  plan « transforming for growth » mis en œuvre début 2023.

Citons encore MSD, qui vante d’un côté la qualité des chercheurs, des soignants, et du réseau hospitalier en France, ainsi que son crédit impôts recherche, et de l’autre prévoit un PSE qui va supprimer 52 postes en santé humaine dans l’hexagone.

Il n’y a guère que Pfizer[xii], qui, considérant que les instituts de recherche publique français sont parmi les plus innovants au monde, promet d’investir 500 000 euros pour soutenir la recherche et la production en France, sans – pour l’instant-accompagner cette décision d’un plan de restructuration. Il est vrai que la situation de Pfizer est particulière : la vente du vaccin contre le Covid lui a fait gagner 31 milliards de dollars en 2022.

Les exemples cités confirment que ce n’est ni l’utilité sociale, ni le bien-être économique du pays qui guident les entreprises pharmaceutiques. Comme pour n’importe quelle entreprise capitaliste, seules les attirent les conditions qui favorisent l’essor de leurs activités permettant une accumulation des richesses. L’emploi, les conditions de travail, la rémunération et les horaires des salariés ne sont que des  variables d’ajustement de l’optimisation de la rentabilité.  Seule compte pour ces firmes la course à la compétitivité, et les innovations médicales leur sont essentielles pour se réinventer et se renforcer face à la très féroce concurrence des géants du Web, Google, Microsoft, Amazon, qui s’immiscent dans le domaine de la santé.

Ces géants bénéficient d’une colossale puissance financière et ont l’accès aux Big Data de la santé, fantastique mine à exploiter, véritable eldorado prometteur de croissance économique. Les industries pharmaceutiques (IP) entendent bien en profiter, en surfant sur leur bonne implantation dans l’écosystème de recherche en France et en Europe, et en s’attirant les faveurs des puissances publiques pour minimiser  leur prise de risque. Elles usent de leur position monopolistique pour exercer des pressions sur les pouvoirs politiques, afin que le droit et la fiscalité soient à leur avantage, sans pour autant se sentir redevables envers les États. Elles ne connaissent d’obligations qu’envers leurs dirigeants et leurs actionnaires aux appétits insatiables.

Il est alors légitime de se demander en quoi les mesures d’incitations décidées par l’AIS pour augmenter l’attractivité de la France en matière d’innovation sont bénéfiques aux patients. L’accent est mis sur l’accès précoce des patients à des thérapies innovantes, ce qui se traduit dans les faits par une évaluation clinique en vie réelle, qui amène à administrer des thérapies dont les effets secondaires ne sont pas connus[xiii]. Outre les problèmes éthiques que peuvent générer de telles pratiques (consentement éclairé du patient, critères d’inclusion dans l’essai), l’administration d’un traitement innovant exige une réorganisation des équipes hospitalières pas toujours anticipée en termes de moyens, pouvant mettre en danger la santé des patients. Malgré les efforts consentis par les institutions, de simplification de la réglementation et d’autorisation de mise sur le marché plus rapide, les IP persistent à commercialiser les thérapies innovantes à des prix exorbitants. Exemple : le Zolgensma[xiv] est vendu 9 millions d’euros la dose unique, le Nusinersen[xv] (Spinraza), un médicament à la balance bénéfice-risque incertaine, revient à environ 500 000 euros la première année, puis 250 000 euros par an les années suivantes, ou encore l’Hemgenix[xvi], commercialisé par le laboratoire américain CSL Behring[xvii], vendu 3,5 millions de dollars la dose unique. De leur point de vue, c’est justifié en raison de l’importance des investissements pour leur développement. Et de l’espoir offert – assimilé au prix de la vie- aux malades atteints de cancers ou de maladies rares (par exemple, l’amyotrophie spinale), jusqu’alors sans traitements efficaces, de guérison ou de survie plus longue avec une meilleure qualité de vie. Ces espoirs sont compromis par l’impossibilité de la sécurité sociale de rembourser ces traitements pour tous, l’obligeant à sélectionner les personnes pouvant en bénéficier. Cette mise à mal du système de remboursement par les assurances maladie ne fait qu’aggraver les inégalités d’accès aux soins, non seulement entre les pays du Nord et ceux du Sud, mais aussi entre toutes les populations de tous les pays.

Par ailleurs, toutes à leur nouveau paradigme de productions innovantes en santé, les entreprises du médicament délaissent les molécules plus anciennes, jugées d’une rentabilité insuffisante, le plus souvent tombées dans le domaine public, donc soumises à une réglementation de commercialisation moins avantageuse que celle des princeps, protégés par les brevets. Les patients sont ainsi confrontés à la double peine des traitements innovants à des prix trop élevés qui en limitent l’accès, et des pénuries de médicaments, notamment d’intérêt thérapeutique majeur (3750 spécialités manquent à l’appel en 2023 – 40 en 2008), causant des pertes de chance pour toutes les personnes malades.

Il est dans l’ADN néolibéral, incarné par le président Macron, de considérer que l’innovation est le moteur de la croissance économique et que de l’accroissement des richesses des entreprises résulte la prospérité des populations sur le territoire. Ce pourrait être vrai si les aides financières, fiscales, réglementaires, étaient soumises à des conditionnalités contraignant les entreprises à contribuer, à la hauteur de leur profit, à la modernisation du pays et au développement de la société.

Or il n’est pas imposé aux entreprises de prendre en compte les externalités, en l’occurrence négatives, de leurs décisions en matière d’emploi, ou de leur réponse à des besoins fondamentaux, tels que l’accès aux soins et médicaments, en pratiquant des prix justes. Sur le long terme, ce soutien inconditionnel aux groupes privés de la pharmacie présente des effets pervers, notamment en en privant les services publics de la santé et les hôpitaux entraînant leur dépérissement et aggravant les difficultés d’accès aux soins de la population.

Par ailleurs l’augmentation du nombre de start-up[xviii] dans le domaine de la santé, de 457 en 2013 à 720 actuellement, dont se glorifie le gouvernement français, est en réalité un  indicateur de rentabilité à court terme. Ces structures captent les compétences des institutions publiques et les découvertes issues de leurs recherches (financées principalement par les fonds publics). Elles assument, à la place des multinationales, la prise de risque du développement clinique des produits. Quand un produit est mature pour son exploitation industrielle et commerciale, elles se font racheter par les multinationales qui accaparent la plus-value. Phénomène qui est protégé de la critique.

Contrairement à ce que le gouvernement continue à vouloir faire croire, il ressort que ni la souveraineté sanitaire, ni le bien-être de la société, ni les patients ne sont réellement bénéficiaires de cet arbitrage des politiques publiques en faveur de la croissance des firmes privées. Ces dernières en sont les seules gagnantes comme en témoignent les chiffres d’affaires, toujours en progression : en 2022[xix] 43 milliards d’euros pour Sanofi, 49 pour MSD, 51,6 pour Novartis et 56 pour Pfizer.

Le développement accéléré de l’innovation en santé, prétexte à des financements massifs du secteur privé de la pharmacie, imposé par le haut, est à remettre en cause. Il ne s’agit pas de refuser l’innovation et le progrès, mais d’œuvrer pour des modèles économiques et industriels réellement au service de finalités collectives. Des solutions alternatives pourraient émerger d’une réflexion qui partirait des besoins de la population, en concertation avec l’ensemble des acteurs de la chaîne de production des biens et services de santé. La mise en place d’une organisation plus participative nécessite une volonté politique forte, s’appuyant sur l’ensemble de la société qui doit prendre conscience des enjeux de démocratisation de l’accès durable aux innovations thérapeutiques et aux soins. La réappropriation par les citoyens du système de santé, mettant fin à son exploitation capitaliste, permettrait de redonner la primauté aux droits sociaux fondamentaux sur les intérêts économiques.

Médicament Bien Commun : 08-06-2023

Références et notes

[i] https://grandanglesante.fr/dossiers/innovation-sante/innovation-sante-les-conditions-du-succes-francais/

[ii] https://grandanglesante.fr/dossiers/innovation-sante/accelerer-simplifier-anticiper/)

[iii] Leem : Les entreprises du médicament ; La France figure au 4ieme rang des pays producteurs de médicaments en UE, derrière la Suisse, l’Allemagne, et l’Italie, après avoir été leader de 1995 à 2008

[iv] (https://www.gustaveroussy.fr/fr/paris-saclay-cancer-cluster-lancement-operationnel-gustave-roussy)

[v] (https://pharmaceutiques.com/actualites/ecosysteme/le-paris-saclay-cancer-cluster-entre-dans-sa-phase-operationnelle/)

[vi] Sur Sanofi et le PSCC : l’objectif pour Sanofi est d’accéder à des échantillons de tumeurs de patients, fournis par l’Institut Gustave Roussy, de manière à pouvoir les étudier grâce à des matériels modernes et performants qui permettent des analyses cellule par cellule et en 3D. Cela permettra de comprendre la diversité de la population de cellules et voir celles qui développent une résistance au traitement et par quels mécanismes. Derrière, des équipes de biostatisticiens (un métier très recherché) de l’IGR aideront à en tirer des informations pertinentes. Ces données pourraient théoriquement servir à faire progresser la compréhension des phénomènes d’échappement des tumeurs aux traitements, en pratique ils serviront à cela uniquement en lien avec les produits de Sanofi et eux seuls. Au lieu de profiter à la recherche en général, cela aidera d’abord Sanofi à disposer d’un avantage compétitif par rapport aux autres labos qui n’ont pas tous accès à ce type d’information.

[vii] A propos de Sanofi et du Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC) : au moment de l’arrêt de la R&D en Neurologie et Maladies Rares à Chilly-Mazarin (il y a deux ans), qui a précédé de quelques mois l’annonce de la fermeture et du transfert des activités à Gentilly et Vitry, nous avions proposé en tant qu’experts du CSE-C (Ethos et Syndex) un projet qui a ensuite été porté par l’ensemble du CSE-C (avec la CGT comme moteur, mais c’est le CSE-C de l’époque qui l’a repris à son compte). Ce projet s’appuyait sur la technologie de franchissement des barrières (dont la barrière hémato-encéphalique, qui protège le cerveau, et les barrières tumorales, qui protègent les tumeurs) mises au point par des équipes de Chilly-Mazarin. Il défendait l’idée de réutiliser les compétences en neurologie pour développer un pôle de neuro-oncologie afin de mettre au point des traitements des tumeurs cérébrales et neurologiques, notamment chez les enfants (cela fait partie des tumeurs les plus fréquentes chez les enfants avec les leucémies, mais elles manquent cruellement de traitements efficaces). La technologie de franchissement des barrières servirait pour que les médicaments atteignent les cellules cérébrales malades. Elle pourrait aussi être utilisée plus largement dans d’autres types de cancers pour que des traitements pénètrent à l’intérieur des tumeurs solides. Cela aurait permis à la fois de conserver des emplois et des compétences et de redévelopper toute une activité susceptible d’aboutir à des traitements innovants utiles pour sauver des vies, tout en s’inscrivant dans le pôle Oncologie de Sanofi où la France a le rôle principal. L’existence de différentes structures dans « l’écosystème » parisien travaillant sur le cerveau ou sur les tumeurs cérébrales était un atout supplémentaire. Sur le moment, la direction de Sanofi a été bien embêtée par cette proposition, elle a dit vouloir y réfléchir et réserver sa réponse. Celle-ci est tombée un peu plus tard, en plein été : négative, bien entendu, car « non conforme à la stratégie » (sous-entendu : pas de perspectives d’aboutir à court terme). Comme quoi il peut y avoir tout un « écosystème » et de nombreux atouts dont des compétences internes reconnues, les labos ne se lanceront dans des recherches que s’il y a de l’argent public à la clé et que si les traitements visés ont l’assurance de procurer des bénéfices rapidement, et tant pis pour les enfants (et les adultes) malades.

[viii] https://mesinfos.fr/ile-de-france/fermeture-du-site-de-sanofi-a-chilly-mazarin-et-longjumeau-paris-saclay-regrette-la-decision-111469.html

[ix] Dans ses restructurations successives, Sanofi a décidé de quasiment spécialiser la France sur l’Oncologie et de regrouper toute sa Recherche à Vitry. Dans Sanofi, l’Oncologie se partage entre la France (premier site) et les Etats-Unis ; l’Immuno-inflammation entre l’Allemagne (premier site), les Etats-Unis et une toute petite équipe en France ; et la Neurologie, les Maladies Rares et les Maladies Rares du Sang aux Etats-Unis, avec aussi les thérapies géniques et cellulaires. (Je mets de côté les Vaccins). Or, la R&D de Sanofi patine en Oncologie tandis qu’elle connaît des succès dans l’Immuno-inflammation, les Maladies Rares et les Maladies Rares du Sang, et peut-être la Neurologie (à confirmer). Des ressources importantes vont donc être consacrées au développement de ces nouveaux produits, ressources qui seront prises sur d’autres budgets, peut-être bien sur l’Oncologie. Donc oui, malgré tout le discours sur le PSCC et l’écosystème, il est tout à fait possible et vraisemblable que Sanofi procède à une restructuration affectant l’oncologie et le site de Vitry dans les deux ans qui viennent.

[x] https://www.groupe-lfb.com/le-groupe/une-place-particuliere-en-france/un-acteur-industriel-de-sante/

[xi] Kymriah (tisagenlecleucel) est un produit à base de cellules autologues génétiquement modifiées contenant des lymphocytes T transduits ex vivo au moyen d’un vecteur lentiviral exprimant un récepteur antigénique chimérique (CAR) anti-CD19 comprenant un fragment variable à chaîne unique anti-CD19 murin (scFV) lié par une région transmembranaire charnière CD8 humain à une chaîne de signalisation intracellulaire du domaine co-stimulateur 4-1BB (CD137) humain et au domaine de signalisation CD3-zêta.

[xii] Sur Pfizer, il n’y a peut-être pas de restructuration à l’heure actuelle mais ce groupe qui dit investir dans la recherche et la production n’a plus d’usine en France alors qu’il en avait plusieurs dans les années 1990-2000 : toutes ont abouti dans l’escarcelle des sous-traitants / façonniers, que ce soit en production pharmaceutique (Angers, Amboise, Orléans, Val-de-Reuil) ou en chimie. Par contre, il est vrai que ce groupe génère toujours une activité industrielle très significative chez certains sous-traitants en France, notamment en chimie et pas seulement dans ses anciennes usines. Les investissements chez Axplora (ex-Novasep) à Mourenx, en lien avec l’antiviral anti-Covid-19 Paxlovid de Pfizer, sont l’exemple le plus connu, mais ce n’est pas le seul.

[xiii] Voir notre article publié le 7-12-2021 : http://medicament-bien-commun.org/faut-il-adopter-de-nouveaux-standards-en-matiere-de-R&D

[xiv] thérapie issue de la recherche de l’AFM-Téléthon et  développée par Novartis, destinée aux patients souffrant  d’amyotrophie spinale (SMA), une maladie orpheline.

[xv] Médicament utilisé dans le traitement de l’amyotrophie spinale 5q (associée à une délétion ou une mutation du gène SMN1 du chromosome 5)

[xvi] Traitement destiné aux patients souffrant d’hémophilie B, une maladie hémorragique rare qui peut entraîner de sévères complications.

[xvii] La société CSL Behring est bel et bien américaine, mais ce n’est qu’une filiale du groupe CSL qui est, lui, australien. Le nom CSL Behring accole à CSL celui de Behring qui est l’ancien pôle dérivés sanguins de feu le groupe allemand Hoechst puis Aventis Behring, racheté par CSL en 2004. Le fait que le siège de CSL Behring ait été mis aux Etats-Unis est juste un choix en lien avec l’importance des Etats-Unis comme lieu de collecte du plasma et de vente des dérivés sanguins

[xviii] Sur les start-up, il y a aussi le problème du bluff fréquent sur les résultats cliniques, pour « attirer des investisseurs » c’est-à-dire lever des fonds privés ou publics afin de poursuivre leurs travaux ou du moins prolonger leur propre existence jusqu’à la prochaine communication positive, spécialement pour celles qui sont cotées en bourse (mais pas seulement). Cela peut fonctionner pendant des années avant que la vérité moins reluisante n’éclate et que la start-up dont le projet était bancal depuis le début ne se casse la figure. Ce phénomène n’est pas exceptionnel, il est fréquent. Heureusement, de temps en temps, une start-up trouve vraiment quelque chose…

[xix] https://www.usinenouvelle.com/article/le-top-10-des-plus-grands-laboratoires-pharma-dans-le-monde.N2043202

 

Pourquoi des pénuries de médicaments ?

Depuis deux décennies, le nombre de ruptures de stock des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ne cesse d’augmenter. Il a triplé ces 3 dernières années pour atteindre 3000 molécules, fragilisant dramatiquement le système de santé.

Une des raisons officielles avancées est la mondialisation de la production de médicaments. 80 % des principes actifs vendus en Europe sont fabriqués principalement en Chine et en Inde. La moindre difficulté d’accès aux matières premières compromet la chaîne d’approvisionnement des médicaments.

Fin 2022, le gouvernement envisageait une baisse de prix de certaines molécules génériques[1]. Les fabricants de médicaments soutenus par les syndicats de pharmaciens, s’y opposent fortement, jugeant par ailleurs irréaliste la loi de 2023 de financement de la Sécurité sociale, prévoyant une baisse du budget médicament, au regard des coûts de production en augmentation via le prix des matières premières et de l’énergie. N’est pas mentionné l’explosion des aides publiques accordées aux entreprises  pharmaceutiques du CAC 40, ni la mainmise de ces dernières sur les institutions pour imposer les conditions de production et de vente de leurs produits leur garantissant des profits maximum.

Selon Thierry Hulot le président du Leem : «la spécificité française » est de pratiquer « les prix les plus bas d’Europe »[2], faisant le lien entre prix trop bas et pénuries.

Les groupes pharmaceutiques  utilisent le chantage vis-à-vis de  l’état pour satisfaire la demande d’une  augmentation de prix des médicaments! Collusion ou reddition l’exécutif a cédé en annonçant qu’il allait autoriser des hausses de prix pour certains génériques essentiels[3], « en contrepartie d’engagement des industriels » de maintenir leur production dans l’hexagone.

Voilà le cœur du problème, le médicament est pour les entreprises productrices une source de « business » comme une autre. La recherche du profit à court terme prime sur les besoins de santé de la population, plaçant la santé sous le joug du marché.

Ce modèle économique pharmaceutique exige une remise en question en profondeur, comme le démontre G. Krikorian dans son article intitulé « Médicaments : comment on a organisé la pénurie » paru dans Alternatives Economiques en mars 2023. (accessible via le lien)

http://medicament-bien-commun.org/wp-content/uploads/2023/02/Opinion-G.-Krikorian-Alternatives-economiques-02-2023.pdf

Elle analyse, dans cet article, comment est organisée la pénurie, et pourquoi cette situation ne peut être réglée « grâce à un chèque », ou » à une dérogation au principe d’annualité budgétaire », comme le préconise le ministre de la santé François Braun, en promettant « Plus jamais ça ! Cette pénurie de médicaments essentiels “[4].

Les promesses n’engagent que ceux qui y croient!

Médicament Bien Commun : 28-02-2023

[1] https://www.lexpress.fr/economie/medicaments-vers-une-baisse-des-prix-les-pharmaciens-engagent-un-bras-de-fer-avec-letat-23USLUPFHFCWNEUD773FZCRQSQ/

[2] https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/medicament/penurie-de-medicaments-le-leem-pointe-les-baisses-de-prix-et-la-logique-comptable

[3] https://sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/tensions-d-approvisionnement-en-medicaments-francois-braun-et-roland-lescure

[4] https://www.europe1.fr/sante/penurie-damoxicilline-nous-sortons-de-crise-assure-francois-braun-4165019

 

 

 

Une émission intitulée « Brevets pharmaceutiques : payer ou mourir ? » est diffusée le 16 octobre sur ARTE.

Une opportunité de préciser :

-Les Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) ont été instaurés lors des négociations en 1994 entre  les pays membres de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), au prétexte d’offrir un cadre incitatif aux financements de la recherche et des innovations. En réalité c’est un processus de privatisation des résultats de la recherche et des connaissances, ainsi qu’un outil d’accumulation du capital, donnant aux sociétés détentrices des situations monopolistiques pouvant contrôler le marché et imposer le prix de vente de leurs produits.

-Dans le domaine de la santé, la principale conséquence de l’application des droits de brevet sur les médicaments  est d’avoir rendu difficile voire impossible l’accès de populations entières aux médicaments.

Le collectif Médicament Bien Commun s’est construit pour une égalité d’accès aux médicaments qui est une condition indispensable à la jouissance du droit à la santé. La revendication principale du collectif est une appropriation collective et démocratique des peuples, dans chaque pays et à l’échelle planétaire, de la chaîne de production du médicament, pour qu’il devienne un bien commun de l’humanité (http://medicament-bien-commun.org/manifeste). Ce qui implique une importante remise en question des droits de propriété intellectuelle appliqués aux médicaments, les biens communs se référant à des logiques différentes de la logique propriétaire.

-Une prise de conscience de l’importance de ces droits des brevets a eu lieu avec la crise du Covid et les inégalités d’accès des populations aux vaccins contre le coronavirus. Il est apparu de façon flagrante que les entreprises détentrices des brevets sur les vaccins ont eu toute latitude de préférer augmenter leur profit en vendant les doses vaccinales aux pays riches, au détriment des populations des pays à faible revenu. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 60% de la population mondiale a reçu deux doses de vaccin, mais seulement 17% de vaccinés en Libye, 8% au Nigeria ou encore, moins de 5% au Cameroun (https://www.huffingtonpost.fr/actualites/article/les-brevets-des-vaccins-anti-covid-leves-temporairement_197837.html).

Par ailleurs le choix politique de nombreux pays a été de favoriser les vaccins contre le Covid, choix hautement rentable pour l’industrie pharmaceutique détentrice des brevets sur les vaccins, au détriment de recherches de nouveaux traitements ou de repositionnement de molécules existantes et globalement déjà dans le domaine public et donc moins onéreuses, à l’exception du Remdesivir. Ce produit, au prix de vente proposé de 2000 € le traitement apparaissait rentable pour Gilead détentrice d’un brevet sur son utilisation contre le coronavirus. Remdesivir s’étant avéré peu efficace (SMR faible, selon la HAS et possibilité d’importants effets secondaires selon l’OMS), a été abandonné.

-De nombreux appels à contester les brevets pharmaceutiques  se sont alors fait entendre, dont la demande de levée temporaire des protections de la propriété intellectuelle pour les vaccins et les traitements contre le coronavirus,  formulée devant l’OMC en octobre 2020 par l’Afrique du Sud et l’Inde, rejointe par des centaines de gouvernements de pays pauvres et d’organisations de la société civile.

En France, citons l’Appel « brevets sur les vaccins anti-covid Stop. Réquisition ! » par quarante-six organisations et plus de cent personnalités, qui se sont mobilisées « pour un accès immédiat, effectif, universel et gratuit à ces biens communs que sont les vaccins anti-Covid ». (https://www.facebook.com/Stop-aux-brevets-R%C3%A9quisition-105952548197339/).

En Europe, une initiative européenne « pas de profit sur la pandémie » a recueilli près de 260 000 signatures pour que des vaccins et des traitements anti-pandémiques soient librement accessibles à tous (https://europa.eu/citizens-initiative/initiatives/details/2020/000005_fr).

-Ainsi, bien qu’il existe une obstination des pouvoirs publics à favoriser les objectifs économiques de profitabilité des entreprises privées en refusant de remettre en question les ADPIC, avis que nous partageons avec le professeur Peter Drahos (professeur de droit et de gouvernance à l’Institut universitaire européen de Florence, interviewé en fin d’émission), se fondent de nombreux mouvements de protestation, annonciateurs d’un réveil des consciences et porteurs de volonté de changements.

Le 16 octobre 2022 :

Collectif Médicament Bien Commun

(http://medicament-bien-commun.org/)

Collectif médicament santé CapitalExit

(medicament@capitalexit.org)

Débat autour de la levée des brevets.

Face à la pandémie de Covid-19, des vaccins ont été développés dans l’urgence par les laboratoires pharmaceutiques afin d’endiguer l’épidémie dans le monde.

Les puissances publiques ont dépensé 8 milliards de dollars pour soutenir leur développement. Ce montant légitime la remise en cause de l’exclusivité de l’exploitation commerciale octroyée par le droit des brevets sur les médicaments aux industries productrices. Fortes de ces droits, ces dernières ont eu toute latitude de préférer augmenter leur profit en vendant les doses vaccinales aux pays riches, au détriment des populations des pays à faible revenu. Selon l’OMS, 60% de la population mondiale a reçu deux doses de vaccin, mais seulement 17% de vaccinés en Libye, 8% au Nigeria ou encore, moins de 5% au Cameroun (https://www.huffingtonpost.fr/actualites/article/les-brevets-des-vaccins-anti-covid-leves-temporairement_197837.html).

La question de la levée des brevets sur les vaccins et traitements contre la Covid-19 s’est alors imposée pour garantir l’accessibilité de ces produits à l’échelle mondiale. Une bataille s’est engagée entre les acteurs internationaux favorables à  une levée des brevets sur les vaccins et les traitements contre la Covid-19, et ceux, à l’inverse, qui y sont fermement opposés.

Dans son article « lever les brevets sur les vaccins ? Propriété industrielle et bien commun », (accessible via le lien  )

https://esprit.presse.fr/article/pierre-cretois/lever-les-brevets-sur-les-vaccins-44058

paru dans la revue Esprit n°486 en juin 2022, Pierre Crétois analyse les enjeux de la propriété intellectuelle et les droits des brevets appliqués aux vaccins et traitements contre le coronavirus, du point de vue des différents protagonistes (institutions publiques, producteurs, chercheurs, patients, …) et suggère quelques pistes pour de possibles alternatives. De quoi alimenter le débat.

Médicament Bien Commun : 11-10-2022

Atteinte à la liberté d’expression

Le 1er février 2022, Youtube a décidé de supprimer le documentaire L’aluminium, les vaccins et les deux lapins…, réalisé par Marie-Ange Poyet en 2016 (et en ligne depuis 2018, totalisant plus de 60 000 vues). Le prétexte ? “Informations médicales incorrectes”.

En 2021, l’Université de Keele a “coupé les vivres” au Pr Christopher Exley, grand spécialiste mondial de la toxicité de l’aluminium ingéré, injecté, inspiré ou transmis par voie cutanée, sous le prétexte stupide qu’il serait antivax. L’équipe du Pr Exley est dissoute, lui-même est parti à la retraite. (ICI et LA).

Une vidéo de sa chaîne Youtube a été supprimée courant janvier 2022. Il s’agissait d’une interview du Pr Exley réalisée par E3M, lors d’un colloque qui s’est tenu au Sénat en octobre 2017 sur la toxicité de l’aluminium. Son titre : “Des doses importantes d’aluminium retrouvées dans des cerveaux d’autistes”. (Interview du Pr Exley encore disponible sur notre chaine Youtube et vidéos du colloque).

Deux jours après la suppression de notre documentaire, Youtube a aussi supprimé la vidéo L’ALU TOTAL réalisée par Hypatie.

Et le 16 février, Youtube supprimait Aluminium, notre poison quotidien de notre chaîne. Un documentaire réalisé par Valérie Rouvière pour la chaîne publique France 5 en 2011.

Manifestement, parler des risques liés à la présence d’aluminium dans les vaccins dérange.

Il n’est pas question pour nous d’accepter que la liberté d’expression soit ainsi bridée, par principe. Mais aussi parce que (1) les connaissances scientifiques les plus récentes[1] confirment les découvertes présentées dans le documentaire, (2) l’Etat commence à financer la recherche sur l’aluminium vaccinal (ANSM puis ANR), (3) le Conseil d’Etat reconnaît le lien entre la myofasciite à macrophages et cet adjuvant neurotoxique (forte jurisprudence, avec 11 arrêts depuis 2012, le dernier jugement date de septembre 2021).

Nous avons donc mis en demeure Google (YouTube) de rétablir nos vidéos, par courrier en date du 18 février 2022. N’ayant pas obtenu de réponse, nous engageons un référé contre Google.

Vous pouvez retrouver L’aluminium, les vaccins et les deux lapins… ICI, et l’ALU TOTAL, d’Hypatie, ICI.

Didier Lambert

Président E3M

[1] Myalgia and chronic fatigue syndrome following immunization : macrophagic myofasciitis and animal studies support linkage to aluminum adjuvant persistency and diffusion in the immune system – Version originaleVersion française

Les données de santé en partage.

 

Les données de santé en partage.

Un article dans le Monde du 6 octobre 2021 annonçait que le « Breakthrough Prize in Life Sciences » (BPLS) (en français : « prix des avancées capitales dans les sciences de la vie ») était partagé entre trois chercheurs, deux anglais et un français, pour leurs innovations  conduisant à une nouvelle génération de séquençage de l’ADN à haut débit sur un temps réduit.

Le BPLS a été créé en 2012 par les fondateurs de Facebook, Google et 23andMe. On peut s’étonner que des entreprises du numérique investissent dans les sciences de la vie, bien loin de leur cœur de métier, au côté d’une société de biotechnologie. 23andMe, créée en 2006 par Anna Wojcicki, alors épouse de Sergey Brin,  co-fondateur de Google, propose aux particuliers de déceler leurs prédispositions génétiques et/ou identifier des ancêtres ou des parents éloignés par une analyse de leur code génétique. Cette start-up s’est ensuite fait racheter par Alphabet[i], détenue par Google.

Le test ADN 23andMe[ii], facturé une centaine d’Euros en 2021, est rendu possible par les  travaux de chercheurs tels que ceux récompensés par le BPLS. Dix ans ont été nécessaires, dans le cadre du projet Human Genome[iii], pour déchiffrer le premier génome humain, terminé en 2003. Aujourd’hui, 48 à 72 heures suffisent. Le calcul informatique et les algorithmes s’avèrent  tout aussi importants que l’optimisation des technologies biologiques pour le décryptage d’un génome humain, et pour la caractérisation de l’individu sous forme numérique. Les GAFAM,[iv] géants du Web, ont bien compris tous les avantages qu’ils pouvaient escompter d’une telle situation, en s’investissant dans le champ de la santé, présenté comme leur « nouvel eldorado ».

Cet investissement est d’autant plus opportun que la tendance est à croire que les disparités de santé entre les individus s’expliqueraient en bonne partie par leur génome. Tendance au cœur d’un changement de paradigme dans les politiques de santé publique, qui a abouti au programme en 4P « préventif, prédictif, participatif et personnalisé »

Tout le projet de la médecine prédictive et de la médecine personnalisée repose principalement sur l’idée que chaque individu devrait connaître son profil génétique afin de pouvoir prévenir certaines défaillances physiques, voire maximiser son potentiel physique.

Les GAFAM ont, dans ce domaine, l’avantage stratégique de leurs expertises technologiques, couplées à celles en intelligence artificielle (IA), pour se positionner sur des outils pronostiques ou diagnostiques.

Le séquençage du génome humain

« Pour soigner demain de manière adaptée au capital humain de chacun, nous avons besoin de connaître aujourd’hui le génome de chaque individu » déclarait Marisol Touraine, alors ministre des affaires sociales et de la santé, en décembre 2016, au moment du lancement du plan France médecine génomique 2025 (FMG25). Ce plan consiste en un programme de séquençage du génome humain à grande échelle dans le but de diagnostiquer, prévenir et soigner les patients, en constituant des bases de données[v] génomiques sur lesquelles l’ensemble des praticiens de la santé pourraient s’appuyer pour offrir à chacun, en fonction de sa pathologie, le traitement le plus personnalisé qui soit. C’est également une ressource pour la communauté scientifique, pour laquelle ces bases présentent un intérêt non négligeable en recherche, pour la compréhension des mécanismes biologiques ou pour le développement de molécules thérapeutiques et de vaccins.

A cet effet, 12 plateformes académiques sont prévues. Ces plateformes sont des consortiums public-privé de coopération sanitaire, qui regroupent des hôpitaux, des laboratoires de séquençage et des laboratoires d’analyses de données. A ce jour, deux sont lancées, l’une en Ile de France, appelée SeqOIA autour de l’AP-HP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris) et de l’Institut Curie et l’autre à Lyon/ Grenoble, la plateforme Auragen réunissant les Hospices Civils de Lyon, plusieurs Centres hospitaliers universitaires (CHU) de Grenoble, Saint-Etienne et Clermont-Ferrand, les Centres Léon Bérard, et Jean Perrin et l’Institut de cancérologie de la Loire.

Chacune de ces entités a pour objectif de séquencer 18000  génomes par an, à raison de 50 par jour. Toutes les données recueillies vont alimenter les bases de données du Health Data Hub[vi] (HDH), lequel utilise les services de Microsoft Azure Cloud pour le stockage.

Parallèlement, se sont implantées des biotechs qui offrent des services de tests génétiques grand public ou « récréatifs », relatifs essentiellement à la généalogie familiale, en vente directement sur Internet pour n’importe qui, sans l’intermédiaire d’un médecin ni l’obligation d’une prescription médicale.

En France, il est interdit de réaliser un test génétique sans ordonnance, injonction judiciaire ou projet de recherche, réglementation que ces entreprises contournent en effectuant toutes les prescriptions en ligne, Internet autorisant une déterritorialisation permettant de s’en affranchir.

Près de 200 000 personnes dans l’hexagone auraient recours à ces services en ligne chaque année, selon l’Inserm[vii]. Aux États –Unis, où n’existe aucune régulation, 26 millions d’usagers ont été répertoriés par le MIT (Massachusetts Institute of Technology -) en 2020, selon les Echos[viii]. Cet engouement du public pour ces études génétiques ont permis à ces sociétés d’analyse de l’ADN de devenir expertes dans la production, le traitement et l’analyse de volumes considérables de données génétiques, dépassant même les plateformes académiques.

Ces entreprises, dont le nombre ne cesse d’augmenter (une quarantaine aujourd’hui), telles 23andMe, AncestryDNA, MyHeritage, proposent en général à leurs usagers d’accepter de partager les données issues des tests génétiques à des fins de recherche, mais aussi avec des communautés d’usagers constituées en forums sur Internet.  Les données générées pour un individu ne prennent de sens et de valeur que si elles peuvent être croisées avec celles de nombreuses bases de données de santé et de « vie réelle », et de l’ensemble des génomes connus. A travers ces forums, les données génétiques peuvent être reliées aux milliards de données issues, entre autres, des objets connectés ou applications mobiles (le quantified-self[ix]), dont les GAFAM sont, en grande partie, propriétaires.

Les géants du Web, par leur capacité de stockage et de traitement algorithmique, ont ainsi la haute main, à la fois sur les bases de données des biotechs, des objets connectés, mais également sur celles des plateformes académiques. Ces données massives (Big Data) ont, ou peuvent avoir, une valeur diagnostique ou pharmacologique, qui leur confère une haute valeur d’échange sur les plans clinique et scientifique, mais également sur le plan économique. Elles deviennent un capital qu’il est possible de faire fructifier ou de vendre, que les entreprises du numérique comptent bien exploiter à leur profit. Celles-ci ont tous les atouts pour être des partenaires incontournables dans le développement des solutions thérapeutiques innovantes alliant médecine et technologie.

Les partenariats entre les industries pharmaceutiques et les géants du Web

Le grand nombre de partenariats démontrent que les laboratoires pharmaceutiques travaillent de plus en plus main dans la main avec les multinationales de l’informatique et des nouvelles technologies. Exemples : Verily, la branche « science et vie » d’Alphabet, s’est associée aux laboratoires pharmaceutiques Novartis et Sanofi, pour développer des dispositifs destinés aux diabétiques, avec Glaxo-Smith-Kline pour inventer des médicaments « bio-électroniques » ou avec une filiale de Johnson et Johnson pour fabriquer des robots de chirurgie. Calico, une autre division santé d’Alphabet, a conclu un accord avec le laboratoire Abbvie pour créer un centre de recherche et de développement destiné à mettre au point des traitements dans les maladies neurodégénératives et les cancers.

Microsoft, qui se définit comme un prestataire de service pour améliorer la médecine de précision, grâce à son cloud Azure (qui abrite les données du Health Data Hub en France), a signé un partenariat avec Johns Hopkins Medecine, aux États-Unis.

Sanofi, qui collabore avec Verily, a aussi un partenariat avec l’AP-HP, impliqué dans le consortium SeqOIA, et vient de créer avec Orange, Capgemini, et Generali[x] France (l’un des principaux assureurs de l’Hexagone), une société commune « dont l’ambition est d’accélérer le développement de solutions concrètes en matière de santé et leurs mises à disposition sur le marché au bénéfice des patients[xi] ».

Ces partenariats s’établissent, moyennant finances, sur la base d’échanges de bases constituées de données multi-domaines. Exemple : en 2018, GlaxoSmithKline a obtenu une licence exclusive d’accès aux données de 5 millions de clients de 23andMe pour 300 millions de dollars. En 2016, 23andMe a vendu à l’entreprise de biotechnologie Genentech, pour 65 millions de dollars, les informations personnelles et les prélèvements, à des fins de re-séquençage, d’une cohorte de 14 000 personnes, dans le cadre d’une étude de la maladie de Parkinson.

La donnée, notamment celle relative à la santé des individus, est devenue la véritable matière première d’un business juteux, que s’arrache une nébuleuse d’entreprises privées (industries de santé, start-up, biotech, géants du Web), sur un marché mondialisé, confondant le soin et le commerce.

Une ère nouvelle s’ouvre dans le domaine de la santé, avec une diversification des acteurs – tous animés d’une perspective marchande de tirer le meilleur profit des nouvelles thérapeutiques – et un changement de paradigme technologique. Désormais, c’est sur de nouvelles approches médicales, basées sur les Big Data de la santé, permettant d’appréhender les processus vivants dans ce qu’ils ont de plus intime, que porte la concurrence internationale.

La protection des données génétiques

Ces nouvelles approches posent la question de la protection des données personnelles de santé, et plus particulièrement la donnée génétique. Celle-ci fait l’objet de mesures protectrices en Europe (UE), avec le règlement général sur la protection des données[xii] (RGPD), surtout en France, où elle est considérée comme faisant partie du corps humain et, à ce titre, ne peut être commercialisée. Contrairement aux États-Unis où elle semble être considérée comme un bien valorisable économiquement, directement par une entreprise privée ou des particuliers.

Les données génétiques sont des données hautement personnelles et sensibles, parce qu’elles révèlent des informations sur un individu mais aussi sur l’ensemble des personnes qui partagent son ADN, c’est-à-dire sa famille (ascendants et descendants). Ce point est actuellement une des sources principales de questionnement éthique, d’autant plus problématique que l’anonymisation des séquences d’ADN ne garantit pas une protection infaillible de leur caractère privé. Quelques recherches sur Internet suffisent à identifier un donneur anonyme, les tests génétiques apportant des informations précises sur l’identité des personnes.

Des fichiers de caractéristiques génétiques pourraient ainsi être établis, dont la divulgation constituerait une grave atteinte à la vie privée. La classification des individus par catégories ou par communautés, selon des gènes relatifs à la généalogie  ou à l’origine ethnique, peut conduire à des mesures discriminantes, voire racistes, dans la vie sociale et économique, et faire peser le risque d’une remise en cause du respect des droits fondamentaux de la personne, notamment ceux d’égalité en droits et en dignité.

Une dérive vers un profilage existe, chez les assureurs, par exemple, désireux de proposer à leurs assurés une couverture santé établie en fonction des probabilités de maladies prédites par le décryptage de leur génome. Rien n’empêche, en effet, les résultats des tests génétiques produits par SeqOIA, de circuler entre l’AP-HP, Sanofi et l’assureur Generali France.

Le consentement à l’accès et à la conservation de ces données est évidemment nécessaire. Ce principe est-il respecté lorsque 23andMe vend des profils génétiques à GSK ou Pfizer? Ses clients, incités, lors de la commande, à cocher une case « accepte de partager les données » à des fins de recherche, ont-ils connaissance de ces transactions ? Est-ce que le fait de cocher cette case vaut pour un consentement libre et éclairé, à la base de l’ensemble du droit médical et de la bioéthique ?

Les données médicales, y compris le profil génétique, du HDH en France, ne sont pas à l’abri d’une telle dérive. Considérées comme un don de la part des patients pour être utilisées à des fins de recherche, elles sont revendiquées comme un « bien commun »[xiii] devant être accessible à tous afin d’être valorisées économiquement. A ceci près qu’il n’est pas prévu que les 16 à 22 milliards d’euros annuels de profit estimé reviennent dans des caisses communes telles que la Sécurité sociale ou le budget alloué à la recherche, mais resteront bien acquis à ceux qui auront su le mieux se positionner pour les accaparer, puis les faire fructifier.

Par ailleurs, les plateformes académiques sont dépendantes de nombreuses entreprises américaines, pour les appareils de séquençage, les analyses des données et leur stockage. Or toute entreprise américaine a l’obligation, conformément au Cloud Act[xiv] promulgué en 2018, à la demande d’un magistrat, de communiquer à son pays les informations qu’elle détient. Des précédents existent. FamilyTreeDNA a ainsi donné au FBI l’accès à sa base de données de plus d’un million d’utilisateurs, pour que les agents fédéraux puissent les comparer aux échantillons d’ADN provenant de scènes de crime.

Les séquences génomiques produites par le séquenceur NovaSeg 6000 de l’entreprise américaine Illumina, utilisé par la plateforme Auragen à Lyon, et les bases de données du HDH, hébergées par le cloud Azure de Microsoft n’échappent pas à cette règle. Sur simple demande, la police américaine peut accéder aux bases de données et établir un portrait-robot génétique d’un suspect, dans le cadre d’enquêtes judiciaires. Cet accès pourrait aussi bien être mis à profit à des fins de surveillance de masse.

Sans pour autant être totalement interdite, ce qui serait un frein à la recherche et aux avancées cliniques bénéfiques pour les patients, l’utilisation des données de santé, de nos constantes vitales, voire de notre ADN,  doit obéir à l’exigence du consentement libre et informé, au respect de la confidentialité, des droits et des libertés fondamentales de l’être humain. On constate que tout cela est peu respecté, en particulier par les GAFAM, hégémoniques sur le marché du numérique, incités par leur position de toute puissance à outrepasser tous les droits. Une fois les données captées par ces firmes, il semble difficile d’en contrôler les abus d’usage. Pour sortir de cette dépendance, il revient aux citoyens de s’approprier les enjeux numériques de la santé. Il leur faut prendre conscience qu’ils ne sont pas neutres politiquement en termes de libertés publiques, de respect de la vie privée, et de modèle de société.

De même que nous devons contester aux Big pharma le monopole sur les médicaments, nous devons mener une réflexion collective et exiger une politique forte de régulation de la collecte et de l’utilisation des données de santé individuelles pour ne pas laisser les géants du Web et de la finance gouverner nos vies.

Eliane Mandine.

26/02/2022

[i] Alphabet Inc. /ˈælfəbɛt/ est une entreprise américaine basée en Californie, créée en 2015 comme un conglomérat de sociétés précédemment détenues par la société Google.

[ii] 23andMe, désormais cotée au Nasdaq, a racheté en 2021, la société de télésanté Lemonaid, entreprise spécialisée dans la consultation à distance, pour 400 millions de dollars.

[iii] Le projet génome humain (en anglais, Human Genome Project ou HGP) est un programme lancé fin 1988 dont la mission était d’établir le séquençage complet de l’ADN du génome humain.

[iv] GAFAM est l’acronyme des géants du Web — Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft

[v] La donnée brute est une information sans valeur d’usage, tandis que l’information est une donnée ou un ensemble de données, ayant au moins une valeur d’usage (biologique, médicale, économique). Selon le contexte, le mot donnée indique l’une ou l’autre des significations. Ici, il s’agit d’une information.

[vi] La Plateforme des données de santé (PDS), également appelée « Health Data Hub » (HDH), a été créée par arrêté du 29 novembre 2019 pour faciliter le partage des données de santé, issues de sources très variées afin de favoriser la recherche.

[vii] https://www.inserm.fr/actualite/tests-genetiques-recreatifs-juste-jeu/

[viii] https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/tests-genetiques-une-banalisation-a-risque-1166791)

[ix] Le quantified self, ou personal analytics, est une pratique née aux États-Unis qui regroupe les outils, les principes et les méthodes permettant à chacun de mesurer ses données personnelles, de les analyser et de les partager.

[x] Generali France est aujourd’hui le leader de l’assurance-vie sur Internet. Il est, par ailleurs, le premier assureur des sportifs, et détient à 100% Europ assistance (assurances aux voyageurs, incluant la santé)

[xi] Communiqué de presse-Sanofi-25/ 01 /2022

[xii] La mise en œuvre d’une recherche médicale portant sur des patients et incluant le traitement de leurs données génétiques implique de mener une analyse d’impact sur la protection des données pour cette recherche.

[xiii] Rapport de l’Institut Montaigne : (https://www.institutmontaigne.org/ressources/pdfs/publications/e-sante-augmentons-la-dose-rapport.pdf)

[xiv] Le Cloud Act , loi promulguée en 2018, stipule qu’un magistrat américain a la capacité d’ordonner la récupération de données chez un hébergeur s’il s’agit d’une société américaine. Et ce, même si la base de données visée se situe à l’étranger.

Faut-il adopter de nouveaux standards en matière de R&D ?

 

La pandémie due au Covid-19 est une gigantesque source d’opportunités pour les industries pharmaceutiques (IP), qu’elles exploitent au maximum. C’est d’abord  une possibilité de générer des profits faramineux, qui ont fait exploser les dividendes des actionnaires des Big Pharma. La commercialisation des vaccins contre le Covid-19 en est une parfaite illustration.

C’est ensuite un prétexte pour remettre en cause ce qui est supposé être « un frein à l’innovation » réglementaire, à savoir les contraintes administratives et éthiques auxquelles sont soumis les essais cliniques, dans l’objectif de protéger le patient.

Le développement de nouveaux médicaments est un processus que l’industrie trouve trop long, trop lent et trop réglementé. Ce qui serait la cause principale de l’augmentation des coûts de commercialisation, en retardant la mise sur le marché, diminuant d’autant la durée de la  protection commerciale effective des brevets. Egalement, selon le Leem[i], ce serait la raison du mauvais positionnement de la France dans la compétition internationale en recherche clinique.

Sous prétexte d’un bienfait pour les patients que constituerait un accès plus rapide aux innovations, l’industrie exerce une pression permanente, pour que les réglementations soient allégées et les processus simplifiés.

Des mesures se sont imposées pour répondre à l’urgence de la crise sanitaire due au Covid-19 : l’accès au marché, les procédures réglementaires des agences sanitaires (Agence européenne des médicaments, FDA[ii]…) ont été accélérées. De nombreux projets pour caractériser le nouveau virus, développer un traitement spécifique ou un vaccin, évaluer le repositionnement de médicaments dans de nouvelles indications ont ainsi rapidement pu être lancés par des académiques, des industriels ou des consortiums public- privé dans plusieurs pays.

La France s’est inscrite dans cette dynamique, avec des procédures accélérées pour l’évaluation initiale des projets, des autorisations d’études cliniques sur le territoire données en quelques jours  par l’ANSM[iii],  et les CPP[iv] : mobilisation de l’ensemble des acteurs, réunions dématérialisées, utilisation de la signature électronique. Les outils numériques ont été favorisés pour faciliter l’enrôlement de patients et permettre que les essais cliniques puissent se dérouler pour une bonne partie au domicile du patient, évitant ainsi tous déplacements inutiles.

Remontons dans le temps, jusqu’en 1956, année de la commercialisation de Contergan, plus connu sous celui de Thalidomide, développé par  une industrie chimique allemande Chemie Grunenthal. Ce produit a été testé sur les animaux puis sur les employés de l’entreprise et leurs épouses. Aucun effet secondaire n’avait été mis en évidence. En 1961, explose le scandale de la Thalidomide, jugée responsable de malformations sévères sur les fœtus (20 000 fœtus touchés par des malformations monstrueuses[v]). Elle est retirée du marché. Ce drame a profondément secoué le monde médical et l’opinion publique.

De nombreuses thérapeutiques (Distilbenne, Isoméride,…) évaluées ainsi de façon sommaire ont produit des désastres sanitaires faisant prendre conscience de la notion d’effet secondaire grave.

Pour limiter les risques, dans les années qui suivent, la commercialisation des médicaments sera encadrée de façon plus stricte par les autorités sanitaires. A partir de 1967, une autorisation de mise sur le marché (AMM) est nécessaire, qui n’est délivrée que si le médicament répond à trois critères principaux : la qualité, la sécurité et l’efficacité. Le laboratoire a l’obligation d’organiser de vrais essais cliniques pour démontrer que son produit répond à ces prérequis.

Une protection renforcée des personnes se prêtant aux essais cliniques est assurée par la déclaration d’Helsinki en 1964, un énoncé de principes éthiques applicables à la recherche médicale, notamment l’information pour un  consentement libre et éclairé de la personne sur laquelle est mené l’essai. A partir de cette déclaration, complétée par celles de Tokyo en 1975 et de Manille en 1981, ont été élaborées les bonnes pratiques cliniques, harmonisées à l’échelle internationale depuis 1995, auxquelles doivent se soumettre les entreprises du médicament pour obtenir une AMM.

C’est ce processus, élaboré pas à pas à partir des erreurs du passé et basé sur l’expérience, que le Leem, qui orchestre les demandes collectives des industries du médicament, n’a de cesse de vouloir détricoter.

En France, sous la pression constante des industriels, est obtenue une première exception à la règle : l’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) (La loi 92-1229 du 8 décembre 1992, amendée le 28 mai 1996), système unique en Europe. Elle est délivrée par l’ANSM, pour une durée limitée (un an),  sous certaines  conditions, pour des spécialités destinées à traiter, prévenir ou diagnostiquer des maladies graves ou rares en attente de l’AMM.

En  2018, des circuits courts (Fast Track), avec des délais réduits d’instruction des demandes d’autorisation d’essais cliniques ont été mis en place pour des médicaments à design complexe et pour ceux de thérapie innovante (MTI), à savoir les thérapies génique, cellulaire ou tissulaire.

Pour les Big Pharma,  ces accommodations apparaissent insuffisantes au regard des « raccourcis » bien supérieurs concédés dans l’urgence de la crise du Covid-19. Comme le relate l’article du Figaro du 07/09/21[vi]

« Tous les laboratoires veulent aujourd’hui tirer les leçons des nouveaux modes de travail et des meilleures pratiques imposées par la situation sanitaire. Le Covid a créé un nouveau standard en matière de R & D. « Il y a cette volonté aujourd’hui d’aller plus vite dans les essais cliniques avec des protocoles plus “sur-mesure”, adaptés aux situations exceptionnelles, résume Marie Humblot-Ferrero. On pourrait imaginer des études plus petites au démarrage, avec un suivi ensuite en vie réelle, axé sur les données de santé, comme ce fut le cas en Israël avec Pfizer. » »

Pour le Leem et les IP, « adapter ces modalités de travail  inédites » à un cadre pérenne constituerait un atout majeur pour « améliorer » l’accès à la recherche clinique et la course à la compétitivité pour les innovations médicales.

Ces « modalités de travail  inédites » ont conduit l’Inde à autoriser l’utilisation du vaccin anti-Covid-19, le Covaxin, avant la fin de son évaluation clinique (https://www.capital.fr/entreprises-marches/pourquoi-le-vaccin-anti-covid-19-de-linde-inquiete-1390907). La phase III a complètement été réalisée sur la population en « vie réelle », au cours de la campagne de vaccination. Cet exemple démontre que des promoteurs d’essais cliniques peuvent se saisir des processus accélérés pour s’affranchir des règles méthodologiques, de  l’observation d’impératifs déontologiques et éthiques et des bonnes pratiques. Sans tenir compte des possibles conséquences néfastes pour la santé des populations.

Mais pourquoi les IP se priveraient-elles de réclamer que les exceptions ne deviennent la règle, puisqu’elles savent, grâce au Leem, habilité à exercer son lobbying auprès de l’Assemblée nationale, que le gouvernement actuel est tout acquis à leurs doléances ?

Ce que confirme le document « Innovation Santé 2030 » du 29 juin 2021, émis par les ministères des Solidarités  et de la Santé, de l’Enseignement supérieur,  et de la Recherche et de l’Innovation. (- https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dossier_de_presse-innovation_sante_2030-fr.pdf ) qui reprend, parfois dans des termes identiques, les dérégulations demandées par le Leem (https://www.leem.org/recherche-et-developpement):  « réduction  significative des délais d’autorisation pour augmenter le nombre d’essais cliniques en France [….] inclure plus rapidement les premiers patients dans les essais […] développer les essais cliniques en ville et travailler à l’intégration des résultats d’essais reposant sur d’autres méthodologies (essais vie réelle, adaptifs, in silico[vii] pour faire de la France le pays leader en Europe en matière d’essais cliniques ».

Toutes ces mesures avantagent les entreprises à plus d’un titre.  Elles récupèrent plus rapidement le montant des ventes de leurs produits, l’AMM étant octroyée à un stade de développement clinique de plus en plus précoce, et économisent sur les études cliniques qui tendent vers un coût zéro en étant réalisées en « vie réelle », conduites au domicile du patient. Ces dernières peuvent également être une source d’économie pour les puissances publiques, en réduisant les interventions des soignants.

Demeurent de nombreuses interrogations quant aux intérêts et à la protection du patient, en dépit de l’alibi, invoqué par les IP, d’un gain de chances pour le patient par un accès plus rapide aux innovations thérapeutiques. Est-ce que la gravité de la situation justifie que la rigueur scientifique soit escamotée? Est-ce que la rapidité d’action ne nuit pas à la qualité de la conception et de la réalisation des essais cliniques ?  Les résultats obtenus sont-ils pertinents ? Quelle valeur accorder à des études in silico ?

Est-ce que le patient inclus dans une étude pourra bénéficier des mêmes soins que ceux procurés à l’hôpital, disposant d’un plateau technique, si un problème de santé inattendu pouvant porter atteinte à son intégrité physique ou mentale survient au domicile ? Est-ce que l’information pour un consentement libre et éclairé du patient est bien donnée lorsque son traitement le fait entrer d’emblée dans une cohorte de phase III servant à évaluer l’utilité clinique de ce traitement ? Quelles garanties, qu’avec un accroissement de l’utilisation des outils numériques pour les études, les données personnelles de santé des patients sont protégées d’un usage prédateur à visée lucrative ?

Autant d’interrogations qui sont des alertes à prendre en considération pour prévenir la survenue de scandales sanitaires semblables à ceux de la Thalidomide, du Distilbenne ou du Médiator, dont les préjudices causés aux patients sont inacceptables.

Autant de questions qui nous interpellent sur les politiques de santé publiques mises en place, guidées par la création de valeurs financières plutôt que par les besoins réels de santé des populations.

Médicament Bien Commun

EM – 07/12/2021

 

[i] Leem : Les Entreprises du Médicament

[ii] FDA : Food and Drug administration

[iii] ANSM : Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé

[iv] CPP : Comités de Protection des Personnes

[v] Effets secondaires ; le scandale français. Antoine Béguin, Jean-Christophe Brisard ; participation Irène Frachon. Pocket – Pocket Evolution N° 16832 16 Mars 2017 – Sciences & Techniques.

[vi] https://www.lefigaro.fr/societes/comment-le-covid-a-chamboule-l-industrie-du-vaccin-20210906

[vii]  In silico : Se dit d’une méthode d’étude effectuée au moyen d’ordinateurs (dont les puces sont principalement composées de silicium), permettant d’analyser des données et de modéliser des phénomènes, en biologie et en bio-informatique, notamment. Cette expression est surtout utilisée dans les domaines de la génomique et la bioinformatique.

 

Université d’été des mouvements sociaux et des solidarités Nantes été 2021

Médicament Bien Commun (M.B.C.), nous y étions…

Dans l’actuel contexte assez difficile, l’Université d’été des mouvements sociaux et des solidarités s’est tenue du 24 au 28 août 2021. (Malgré des doutes prolongés d’annulation, un report d’une semaine tardivement validé et des problèmes de lieux et obligation du pass sanitaire …) L’initiative fut un succès. 1800 inscrits, beaucoup de débats…

L’Université d’été des mouvements sociaux et des solidarités est un espace de réflexion, de formation et de déconstruction pour repenser les solidarités face aux enjeux de nos sociétés.

Dans la période, un tel espace de débat est incontournable et salutaire.

L’atelier organisé par le CADTM, la revue ContreTemps et le Collectif Médicament Bien Commun s’est tenu le samedi matin (9h30-11h45) sous l’intitulé : « Ensemble contre la pandémie : faire converger toutes les initiatives pour les vaccins et le médicament comme biens communs mondiaux ».

Le créneau du samedi matin n’était pas le meilleur (nombre de participants étant partis le vendredi en fin de journée).  En outre la signalétique très “particulière” de l’Ecole d’architecture transformait en exploit la possibilité de rejoindre en temps voulu la salle de réunion !

Malgré tout, environ une soixantaine de personnes ont participé à cet échange, qui fut très animé et de l’avis général fort intéressant.

La préparation s’est faite en concertation avec la revue ContreTemps et le CADTM. Puis une convergence s’est opérée avec la Fédération Sud Santé Sociaux. Plusieurs membres de la direction de cette Fédération ont participé au débat, ainsi que Vladimir Nieddu au nom de l’organisation internationale People Health Movement.

En introduction de la réunion, plusieurs interventions : Bernard Dubois pour MBC, Isabelle Chevalier pour Sud Santé Sociaux, Vladimir Nieddu pour PHM, Eric Toussaint pour le CADTM, Francis Sitel pour ContreTemps.

Ensuite s’est déroulé un débat très animé. Les critiques à l’égard du passe sanitaire sont apparues partagées mais pas centrales dans la discussion (les manifestations tous les samedis, qualifiées d’historiques pour le niveau de mobilisation et la période estivale, sont-elles fréquentables ? Si la contestation du passe sanitaire et de la politique de Macron n’est pas réservée à la droite, le « Qui ? » complotiste et antisémite est évidemment inacceptable.

Le passe sanitaire ne doit pas être une obligation vaccinale non assumée par les pouvoirs publics, une patate chaude de la division en cadeau à la société civile. Le souci doit être de ne pas ajouter du stress et de la culpabilisation aux personnels de santé !

Certains désaccords par rapport au vaccin se sont fait entendre assez fortement mais de manière très minoritaire, en revanche ont été indiquée la nécessité d’analyser la balance bénéfice/risque du vaccin avec une pharmacovigilance rigoureuse, ainsi que la possibilité d’autres traitements, et les rapports entre le capitalisme et la nature (dont la question des zoonoses).

La question du brevet est apparue centrale et évoquée à partir d’approches diverses (parfois considérée comme un talon d’Achille des Big Pharma…)

Au final a été posée la question de la médiatisation de nos points de vue en faveur de l’accès aux soins et à la santé, de rompre avec le brevet, de partager les connaissances et d’initier des mobilisations d’ampleur. Ainsi que la volonté d’échanger les points de vue et travaux entre organisations présentes.

Il est urgent de poursuivre ensemble nos réflexions, d’organiser des mobilisations humanistes, universelles et progressistes, et de construire ensemble le monde d’après.

Nous sommes prêts à poursuivre la réflexion engagée et à maintenir les liens créés à cette occasion. Ce qui pour nous apparaît particulièrement important en ce qui concerne le CADTM,  la Fédération Sud Santé et People Health Movement (https://phmovement.org).

Mettons fin au système de brevets privés !

Mettons fin au système de brevets privés !
Pour une industrie pharmaceutique sous contrôle social et un système de vaccination public, universel et gratuit
par CADTM International , Collectif , Attac France , Marche mondiale des femmes , TNI

18 mai 2021

À l’initiative du CADTM International, deux cents organisations sociales, syndicats, ONG et autres mouvements actifs dans les cinq continents ont signé un appel international.

Grâce à un énorme effort scientifique basé sur une collaboration internationale et des sommes historiques d’argent public, l’humanité a pu développer plusieurs vaccins efficaces contre la Covid-19 en moins d’un an.

Toutefois, cette grande réussite pourrait être totalement éclipsée par la cupidité de l’industrie pharmaceutique qui met les gouvernements et l’OMC sous pression pour éviter la suspension des brevets. Dans une situation aussi critique que celle que nous vivons, le caractère exceptionnel des mesures exigées de la majorité de la population doit également s’appliquer à l’industrie pharmaceutique privée et à sa soif permanente de profit. La suspension des brevets liés au Covid-19 doit être une priorité et une première étape.

Mais nous ne pouvons pas nous arrêter là. Des initiatives telles que COVAX ou C-TAP ont échoué lamentablement, non seulement en raison de leur inadéquation, mais surtout parce qu’elles répondent à l’échec du système actuel de gouvernance mondiale par des initiatives où les pays riches et les multinationales, souvent sous la forme de fondations, cherchent à remodeler l’ordre mondial à leur guise. La philanthropie et les initiatives public-privé en plein essor ne sont pas la solution. Elles le sont encore moins face aux défis planétaires actuels dans un monde dominé par des États et des industries guidées par la seule loi du marché et du profit maximum.

La crise sanitaire est loin d’être résolue. Le système capitaliste et les politiques néolibérales ont joué un rôle fondamental à toutes les étapes. À l’origine de ce virus, il y a la transformation effrénée de la relation entre l’espèce humaine et la nature. La crise écologique et la crise sanitaire sont intimement liées. Et la même logique néolibérale prédatrice a exacerbé les conséquences des deux en appliquant une gestion privée et concurrentielle de la crise. Le résultat est plus d’inégalités, plus de souffrance et plus de morts au nom des intérêts d’une minorité privilégiée.

La pandémie a accéléré et approfondi des tendances dangereuses, des écarts sociaux et des phénomènes multidimensionnels que nous observons depuis des décennies et dont souffrent principalement les classes populaires, en particulier les femmes et les personnes racisées. Les femmes sont majoritaires parmi les personnels de santé qui ont été en première ligne dans la lutte contre la pandémie, mais aussi dans le maintien de la vie face aux réductions des services publics et des droits sociaux dont elles sont les premières victimes.

La santé et l’accès à la santé et à la vaccination sont un droit humain universel. Par conséquent, les vaccins doivent être considérés comme un bien commun mondial. Et pour assurer leur accessibilité universelle, la suspension nécessaire et urgente des brevets doit s’accompagner de mécanismes de nationalisation des industries pharmaceutiques privées et d’un fort investissement dans le développement d’industries pharmaceutiques publiques dans tous les pays. Il faut une action décisive qui permette une planification publique de la production et de la distribution des vaccins, en développant les capacités de production locales lorsque cela est possible et en les complétant par une solidarité internationale contraignante dans les autres cas.

Si les virus n’ont pas de frontières, la lutte contre ces derniers ne doit pas en avoir. Le chauvinisme sanitaire est un autre visage de la dérive réactionnaire d’exclusion qui balaie le monde. Les peuples du Sud doivent avoir accès aux vaccins sur un pied d’égalité avec le reste des habitant·es de la planète. Nous saluons les efforts de Cuba pour développer des vaccins et des traitements pour affronter la pandémie et pour mettre à la disposition de l’humanité les résultats de ceux-ci. Les défis planétaires tels qu’une pandémie nécessitent des réponses mondiales qui soient appropriées.

L’économie privée, la foi aveugle dans le marché et la recherche du profit se sont révélées incompatibles avec la vie. La santé ne peut être une marchandise. La réactivation de l’activité économique ne peut se faire au détriment de la santé ou des droits de la majorité. Il faut choisir : le capital ou la vie. Nous devons agir rapidement et avec force, en pensant à une stratégie globale d’égalité d’accès et de garantie universelle du droit à la santé.
Pour toutes ces raisons, nous demandons :

  • La suspension des brevets privés sur toutes les technologies, connaissances, traitements et vaccins liés à la Covid-19.
  • L’élimination des secrets commerciaux et la publication d’informations sur les coûts de production et les investissements publics utilisés, de manière claire et accessible à l’ensemble de la population.
  • La transparence et le contrôle public à tous les stades du développement du vaccin.
  • L’accès universel, libre et gratuit à la vaccination et au traitement.
  • L’expropriation et la socialisation sous contrôle social de l’industrie pharmaceutique privée comme base d’un système public et universel de santé qui favorise la production de traitements et de médicaments génériques.
  • L’augmentation des investissements et des budgets publics alloués aux politiques publiques de santé et de soins de proximité, incluant une augmentation de l’embauche, des salaires et une amélioration des conditions de travail du personnel de ces secteurs.
  • L’introduction de taxes sur la richesse (patrimoine et revenus du 1 % les plus riches) pour financer la lutte contre la pandémie et assurer une sortie socialement juste et écologiquement pérenne des différentes crises du capitalisme mondial.
  • La suspension du paiement des dettes pendant la durée de la pandémie et l’annulation des dettes illégitimes et de celles contractées pour financer la lutte contre le virus.

POUR SIGNER LE MANIFESTE :

Envoyez un courriel à cette adresse : manifiestocovid[@]gmail.com

www.cadtm.org/Mettons-fin-au-systeme-de-brevets-prives

Liste des signataires de ce manifeste

Organisations intercontinentales :

  1. Alliance Zéro Covid https://zerocovidalliance.org/
  2. Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM) réseau mondial www.cadtm.org ;
  3. Campagne mondiale pour revendiquer la souveraineté des peuples, démanteler le pouvoir des sociétés transnationales et mettre fin à leur impunité https://www.stopcorporateimpunity.org/
  4. Dialogue des peuples (réseau sud-sud) https://www.peoplesdialogue.org/about/
  5. International Association of Health Policy (IAHP) https://iahponline.wordpress.com/
  6. L’Agora des Habitants de la Terre https://agora-humanite.org/
  7. Marche Mondiale des Femmes https://marchemondiale.org/
  8. Mouvement pour l’Assemblée internationale des peuples https://twitter.com/asambleapueblos
  9. People’s Health Movement (PHM) https://phmovement.org/
  10. Réseau mondial/local pour une éducation de qualité https://redglobalcalidaded.wixsite.com/redglobalcalidadeduc/integrantes
  11. Réseau syndical international de solidarité et de luttes http://www.laboursolidarity.org/
  12. Transnational Institute https://www.tni.org/en/transnational-institute
  13. Vers un nouveau Forum social mondial https://www.foranewwsf.org/

Europe :

Organisations internationales

  1. CADTM Europe (Belgique, France, Italie, Grèce, Luxembourg)
  2. Réseau européen contre la marchandisation de la santé et de la protection sociale http://europe-health-network.net/

Allemagne :

  1. Association des médecins démocrates Allemagne http://www.vdaeae.de/
  2. Convention Avenir
  3. LabourNet
  4. Sozialistische Zeitung https://www.sozonline.de/
  5. Zéro covid

Angleterre :

  1. Zéro Covid (Angleterre & Pays de Galles) https://zerocovid.uk

Autriche :

  1. Chômeur actif https://www.aktive-arbeitslose.at/
  2. Groupe d information sur l’Amérique latine (Vienna, Autriche) – https://lateinamerika-anders.org/
  3. Institut pour la recherche interculturelle et la coopération- https://www.latautonomy.com
  4. Zéro covid

Belgique :

  1. ATTAC Wallonie-Bruxelles https://wb.attac.be/
  2. A CONTRE-COURANT http://a-contre-courant.be/
  3. CADTM Belgique http://www.cadtm.org/Francais
  4. Centrale nationale des employés (CNE-CSC)
  5. CEPAG https://www.cepag.be/
  6. CETRI – Centre tricontinental, Belgique, www.cetri.be
  7. Fonds Ernest Mandel (Belgique) https://www.facebook.com/Ernest-Mandel-Fonds-1952230961709990/
  8. FGTB wallonne https://www.fgtb-wallonne.be/
  9. Formation Léon Lesoil (Belgique) http://formationleonlesoil.org/
  10. Forum Nord-Sud
  11. La Santé en lutte (Belgique) https://lasanteenlutte.org/ https://www.facebook.com/profile.php?id=100063697504866
  12. Plateforme d’Action Santé & Solidarité https://www.sante-solidarite.be/
  13. Présence et action culturelles (PAC) https://www.pac-g.be/
  14. Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP)

Bosnie-Herzégovine :

  1. Association pour la culture and l’art CRVENA à Sarajevo https://crvena.ba/ (Bosnie-Herzégovine

Espagne :

  1. Anti-privatisation des soins de santé https://www.casmadrid.org/
  2. ATTAC Espagne https://attac.es/
  3. Audit de la dette dans la santé (Audit santé) https://auditasanidad.org/
  4. Confédération intersyndicale galicienne (CIG). https://www.cig.gal/
  5. Coordination contre la privatisation de la santé (Madrid, Espagne) https://www.casmadrid.org/
  6. Ecologistes en Action https://www.ecologistasenaccion.org/
  7. ELA syndicat basque https://www.ela.eus/es
  8. Intersyndicale Valencienne (Etat espagnol, Pays valencien) https://intersindical.org/
  9. Juntas X la Pública https://twitter.com/juntasxpublica?lang=es
  10. Mouvement des assemblées des travailleurs.euses de la santé (MATS) https://mats-sanidad.com/
  11. Observatoire des multinationales en Amérique latine (OMAL) https://omal.info/
  12. Plate-forme contre les fonds vautours https://twitter.com/nofondosbuitre?lang=esSindicato
  13. Plateforme d’audit citoyen de la dette https://auditoriaciudadana.net/
  14. Plateforme santé de Navarre /Nafarroako Osasun Plataforma http://nafarroakosasunplataforma.blogspot.com/Navarra de https://www.facebook.com/Plataforma-Navarra-de-Salud-Nafarroako-Osasun-Plataforma-462069400539481/
  15. Syndicat andalou des travailleurs.euses (SAT) https://www.facebook.com/SindicatoSAT
  16. Syndicat Langile Abertzaleen Batzordeak (LAB) pais vasco https://www.lab.eus/es/

France :

  1. AITEC
  2. APEIS Association pour l’emploi l’information et la solidarité (France) https://www.apeis.org
  3. Appel Brevets sur les vaccins anti-covid, stop. Réquisition ! https://www.facebook.com/Stop-aux-brevets-R%C3%A9quisition-105952548197339/
  4. Association Henri Pézerat (santé, travail, environnement) https://www.asso-henri-pezerat.org/
  5. Association INDECOSA-CGT https://indecosa.fr/a-propos/
  6. Association sciences citoyennes https://sciencescitoyennes.org/
  7. ATTAC
  8. Cedetim
  9. Cerises la coopérative ceriseslacooperative.info
  10. CGT Sanofi https://www.facebook.com/sanoficgt/
  11. Collectif inter-urgences https://www.interurgences.fr/
  12. Collectif des salariés en lutte Anti-Sanofric https://www.facebook.com/LesSanofi
  13. Collectif « Notre Santé en Danger »
  14. Conseil démocratique kurde en France (anciennement : Fédération des Associations Kurdes en France) https://cdkf.fr/a-propos/
  15. Convergence nationale des collectifs de défense et de développement des services publics https://www.convergence-sp.fr/
  16. Coordination Nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité http://coordination-defense-sante.org/
  17. Europe solidaire sans frontières (ESSF) http://www.europe-solidaire.org/spip.php?rubrique1
  18. Fédération SUD chimie -Solidaire, unitaire et démocratique- https://sud-chimie-solidaires.org
  19. Fondation Copernic http://www.fondation-copernic.org/
  20. France Amérique latine (FAL) : https://www.franceameriquelatine.org/
  21. Ipam
  22. Institut Rousseau
  23. La santé un droit pour tous http://santedroitpourtous.over-blog.com
  24. L’Université du bien commun de Paris
  25. Médicament bien commun http://medicament-bien-commun.org/
  26. Observatoire de la transparence dans les politiques du médicaments (OTMeds) https://www.facebook.com/OTMeds/
  27. People’s Health Movement France
  28. Revue Inprecor http://www.inprecor.fr/home
  29. Sud santé-sociaux http://www.sudsantesociaux.org/
  30. Syndicat de la médecine générale https://smg-pratiques.info
  31. Union Syndicale de la Psychiatrie uspsy.fr
  32. Union syndicale Solidaires https://solidaires.org/
  33. WOS/agence des hypothèses https://wos-agencedeshypotheses.com
  34. Zéro Covid Solidaire https://www.facebook.com/Zéro-Pandémie-Solidaire-113278857470238/?ref=page_internal

Grèce :

  1. Amis de la nature Grèce https://www.naturefriends.gr/
  2. Expel Racism Initiative https://www.kar.org.gr/
  3. Initiative des personnels de soin pour la santé publique – droit du peuple bien social
  4. Organisation pour les droits des femmes TO MOV tomov.gr
  5. Solidarité pour tous (Athènes Grèce) https://www.solidarity4all.gr/
  6. Sunday Immigrants School https://www.ksm.gr/
  7. UndebtedWorld, https://undebtedworld.wixsite.com/undebtedworld/blog

Hongrie :

  1. ATTAC Hongrie http://www.attac.hu/

Italie :

  1. ATTAC Italie https://www.attac-italia.org/
  2. CADTM Italie http://italia.cadtm.org/

Pays Bas
Containment Nu

Portugal :

  1. CIDAC – Centre d’action pour le développement Amílcar Cabral : Portugal www.cidac.pt

République tchèque :

  1. Printemps de Prague 2 – réseau contre l’extrême droite et le populisme – https://www.facebook.com/praguespring2/

Slovénie :

  1. Institut Mirovni https://www.mirovni-institut.si/en/ (Slovenia)

Suisse :

  1. CETIM https://www.cetim.ch/
  2. Marche mondiale des femmes
  3. MultiWatch https://multiwatch.ch/
  4. Zéro covid

Afrique / Africa

Organisations internationales :

  1. Alliance africaine / African Alliance WoMin. https://womin.africa/
  2. CADTM Afrique
  3. Association panafricaine pour l’alphabétisation et la formation des adultes https://www.adeanet.org/fr/association-panafricaine-d-alphabetisation-et-d-education-des-adultes-paalae
  4. Réseau nord-africain pour la souveraineté alimentaire https://www.siyada.org/ar/
  5. Assemblée des femmes rurales Afrique australe https://ruralwomensassembly.wordpress.com/

Afrique du Sud :

  1. AIDC https://aidc.org.za/
  2. Campagne pour la vaccination des peuples The People’s Vaccine Campaign

Kenya :

  1. Ligue paysanne kényane www.kenyanpeasantsleague.org
  2. Réseau kényan pour abolition de la dette

Maroc :

  1. Association marocaine des droits humains (AMDH) http://amdh.org.ma/
  2. ATTAC CADTM Maroc https://attacmaroc.org/
  3. Forum des alternatives Sud https://www.e-joussour.net/fr/
  4. Organisation démocratique du travail /Maroc
  5. Réseau marocain pour la défense du droit à la santé et droit à la vie

République démocratique du Congo :

  1. CADTM Lubumbashi

Sénégal :

  1. Forum social sénégalais
  2. La Panafricaine pour l’éducation au développement durable ONG PAEDD ongpaedd.org
  3. Organisation des jeunesses panafricanistes

Tunisie :

  1. Association Al Warcha médiatique pour les droits économiques et sociaux https://www.inhiyez.com/
  2. Association des femmes tunisiennes pour la recherche sur le développement (AFTURD)
  3. Observatoire tunisien de l’économie http://www.economie-tunisie.org/fr

Amériques :

Organisations internationales :

  1. ALBA MOVIMIENTOS http://albamovimientos.net/
  2. CADTM-Abya Yala Notre Amérique (CADTM-AYNA)
  3. Conseil latinoamericain de sciences sociales (CLACSO) https://www.clacso.org/
  4. Conseil d’éducation populaire d’Amérique latine et de la Caraïbe – CEAAL https://www.facebook.com/CEAAL/
  5. Jubilé Sud Amériques
  6. Rencontre syndicale notre Amérique (ESNA), http://encuentrosindical.org/
  7. Réseau latinoamericain pour l’accès aux médicaments (RedLAM, ) www.redlam.org
  8. Réseau centroaméricain d’éducation populaire, Red Alforja http://enlazandoculturas.cicbata.org/?q=node/103
  9. Société latinoamericaine et caribéenne d’économie politique et de pensée critique (SEPLA) https://sepla21.org/fr/

Argentine :

  1. Association de l’enseignement de Santa Fe – Délégation de Rosario Argentina. http://www.amsaferosario.org.ar/)
  2. ATTAC – Argentina,
  3. Centrale autonome des travailleurs CTA- Rosario, Argentina https://www.ctarosario.org.ar
  4. Coopérative des éducateurs.trices et chercheurs.euses populaires -historique (CEIP-H) de Argentina
  5. Courant syndical Carlos Chile (Argentina) https://www.facebook.com/CorrienteCarlosChileCTAA/
  6. Fédération nationale des enseignants du supérieur d’Argentine CONADU-Historique
  7. Fondation GEP (Argentina) Www.fgep.org
  8. Front des organisations en lutte -FOL- (Argentina) https://www.facebook.com/FOLFrenteDeOrganizacionesEnLucha/
  9. Front Populaire Darío Santillán (Argentina) https://abriendo-caminos.org/
  10. Mouvement pour l’unité de l’Amérique latine et le changement social http://mulcs.com.ar/ / Movimiento 8 de Abril
  11. Mouvement des peuples : Pour un socialisme féministe par en bas (Front Populaire Darío Santillán – Courant Plurinational / Gauche socialiste latinoaméricaine / Mouvement pour l’unité latinoaméricaine et le changement social http://mulcs.com.ar/ / Mouvement 8 avril) Argentina
  12. Santé Institute Patria
  13. SUTEBA de El Tigre, Argentina
  14. Syndicat ADEMYS, Buenos Aires, Argentina

Bolivie :

  1. Confédération des travailleurs de l’éducation en milieu urbain de Bolivie. C.T.E.U.B.

Brésil :

  1. Association nationale de l’enseignement supérieur. ANDES
  2. Homa – Centre des droits humains et des affaires http://homacdhe.com/index.php/home/
  3. Syndicat national de l’enseignement fédéral, Sinasefe, Brazil
  4. SEPE Syndicat des professionnels de l’éducation
  5. Syndicat des travailleurs technico-administratifs de l’UFRN et de l’UFERSA
  6. Syndicat des employés de banque et des financiers de Bauru
  7. Syndicat des employés de Vinhedo
  8. Syndicat des enseignants de l’enseignement public officiel
  9. de l’État de São Paulo – São Bernardo do Campo
  10. Union des professeurs de
  11. Syndicat de l’enseignement public officiel de l’État de São Paulo – Sumaré
  12. Syndicat des enseignants de São Paulo
  13. Syndicat des enseignants de l’État de São Paulo – Ourinhos
  14. Syndicat des enseignants de l’enseignement officiel de l’État de São Paulo
  15. Syndicat des enseignants de l’éducation de l’État de São Paulo – Litoral Sul
  16. Syndicat de l’enseignement de l’État de São Paulo – Salto
  17. Union des professeurs de l’enseignement officiel de l’État de São Paulo – Osasco

Canada :

  1. Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC) https://rqic.quebec/

Chili :

  1. Fédération nationale des associations des employés de l’université du Chili – FENAFUCH-

Colombie :

  1. Fédération nationale des syndicats des banques colombiens « FENASIBANCOL » http://www.fenasibancol.org
  2. Groupe Kavilando Medellin
  3. Groupe de recherche GIDPAD Université de San Buenaventura Medellin
  4. Plateforme colombienne pour l’audit de la dette publique et la récupération des biens communs http://www.pacdeprebico.org
  5. Réseau inter-universitaire pour la paix REDIPAZ
  6. Union nationale des employés des banques « UNEB » http://www.unebcolombia.org
  7. Université autonome latinoaméricaine- centre de recherches socio-juridiques de Colombie Colombia

Costa Rica :

  1. Association des professeurs de l’enseignement secondaire (APSE) de Costa Rica

El Salvador :

  1. Réseau Alforja http://enlazandoculturas.cicbata.org/?q=node/103

Équateur :

  1. Plateforme « ça vaut pour toi Équateur » | Équateur | https://vaportiecuador.wordpress.com/
  2. Union Nationale des éducateurs d’Équateur (UNE)

États-Unis :

  1. Communautés de New York pour le changement (USA) https://www.nycommunities.org/

Haïti :

  1. PAPDA – Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif. http://www.papda.org/

Honduras :

  1. COPINH Honduras

Mexique :

  1. ANUEE (Assemblée nationale des usagers de l’énergie électrique) Mexique.
  2. Collectif pluraliste pédagogique du Mexique Kaichuk Mat Dha, Durango, Mexique
  3. Comité exécutif section 9 Démocratique SNTE-CNTE*
  4. CONJUPAM (Confédération des retraités, pensionnés et personnes âgées)
  5. Coordination nationale des usagers et usagères en résistance (CONUR) Mexique.
  6. Mouvement autonome pour l’émancipation communautaire (MAECC) de Oaxaca
  7. Mujer, Pueblo – Magisterio. Cnte Durango Mexique
  8. Nouvelle centrale des travailleurs https://nuevacentral.org.mx/
  9. Syndicat mexicaine des électriciens http://www.sme.org.mx/index.html
  10. Syndicat des travailleurs de l’Institut de l’enseignement moyen supérieur de la CDMX (SITRAIEMS)

Panama :

  1. Association des professeurs de la République de Panama- ASOPROF
  2. Association des éducateurs de la République de Panama
  3. Confédération générale des travailleurs de Panama (CGTP)
  4. Masse critique Panama

Pérou :

  1. Gouvernement territorial autonome de la nation wampis-gtanw (Perou) https://nacionwampis.com/
  2. Syndicat unifié des travailleurs de l’éducation du Pérou (SUTEP)

Puerto Rico :

  1. Association des enseignants de l’Université de Puerto Rico
  2. Fédération des enseignants de Puerto Rico (FMPR)

Uruguay :

  1. Articulation féministe Marcosur https://www.facebook.com/ArticulacionFeministaMarcosur/
  2. Plateforme Descam
  3. Réseau international de présidents d’institutions et de personnalités sur l’état de la dette publique

Venezuela :

  1. Centre international de recherches d’autres voies en éducation (CII-OVE) du Venezuela www.otrasvoceseneducacion.org
  2. Centre de recherche et d’études frontalières, Venezuela
  3. Ecole de formation populaire notre Amérique EFPNA Venezuela
  4. Forum vénézuélien pour le droit à l’éducation
  5. Observatoire international des réformes éducatives et politiques d’enseignement (OIREPOD), Venezuela

Asie :

Organisations internationales :

  1. Action internationale pour la santé Asie Pacifique (HAIAP), http://www.haiasiapacific.org
  2. Focus on the Global South https://focusweb.org/
  3. Forum des ONG sur la Banque asiatique de développement https://www.forum-adb.org
  4. Marche mondiale des femmes Asie
  5. Réseau international pour une économie humaine https://www.rieh.org/
  6. SAAPE Asie du Sud https://saape.org/

Bangladesh :

  1. CLEAN (Réseau d’action pour l’existence côtière et l’environnement) : https://cleanbd.org
  2. Groupe de travail sur la dette extérieure Bangladesh (BWGED) : https://bwged.blogspot.com

Corée du Sud :

  1. KPDS (Pharmaciens coréens pour une société démocratique) www.pharmacist.or.kr
  2. People’s Health Movement

Inde :

  1. Alliance populaire de l’Inde centrale et orientale (APCE-Inde)
  2. Collectif pour la justice économique
  3. Fédération des droits de la terre du Tamil Nadu (TNLRF) https://www.facebook.com/TNLRF/
  4. Forum indien d’action sociale (INSAF) https://www.insafindia.com/
  5. Forum des citoyens pour le développement de Mangalore (Inde)
  6. Karavali Karnataka Janabhivriddhi Vedike (Inde)
  7. Nadi Ghati Morcha (Inde)
  8. Observatoire de la croissance (Inde) https://growth-watch.blogspot.com/
  9. Prantojon
  10. Syndicat progressiste des travailleurs des plantations

Japon :

  1. ATTAC Japon

Malaisie :

  1. HAIAP -organisation régionale – Penang Malaisie

Pakistan :

  1. Comité Pakistan Kissan Rabita
  2. Mouvement Haqooq Khalq Pakistan

Philippines :

  1. Alternative Budget Initiative-Health Cluster, Social Watch Philippines
  2. DIGNIDAD Movement
  3. Sentro ng mga Progresibo at Nagkakaisang Manggagawa -SENTRO- (Philippines) www.sentro.org
  4. WomanHealth Philippines

Sri Lanka :

  1. Alliance populaire pour le droit à la terre–PARL-, http://parlsl.com
  2. Collectif des femmes progressistes https://www.facebook.com/progressivewomensc
  3. Fédération unifiée du travail –UFL-
  4. Mouvement de libération https://www.facebook.com/LiberationMovementLka
  5. Mouvement national de solidarité avec les pêcheurs www.nafso-online.org
  6. Mouvement pour l’agriculture naturelle et pour l’élevage indigène
  7. Mouvement pour la terre et la réforme agraire https://monlar.lk
  8. Protect Union
  9. Syndicat du personnel des Telecommunications TEDA
  10. Syndicat général des employés de l’information et des télécommunications (AEUIT)
  11. Syndicat général des employés des télécomunications Sri Lanka SLATEU https://www.facebook.com/slptsunion
  12. Syndicat des travailleurs des plantations du Sri Lanka (CESU)

Entretien avec Isabelle Moine-Dupuis. Le droit est là pour trouver des solutions

Isabelle Moine-Dupuis est maître de conférences à l’université de Bourgogne – Franche-Comté. Elle travaille au Centre de recherche sur le droit des marchés et des investissements internationaux (CREDIMI – UMR).

Son laboratoire est spécialisé dans le droit du commerce international, de l’énergie au sport, en passant par le droit de la santé. L’une de ses collègues travaille sur les contrats internationaux tels que celui d’AstraZeneca ; un autre, maître de conférences en sciences pharmaceutiques, est spécialiste de la réglementation pharmaceutique.

Ce laboratoire fait partie d’un réseau international (US, italien, anglais), Transpharmatrade, réfléchissant sur les transformations envisageables du marché pharmaceutique.

Parmi les objectifs : soumettre un projet à l’ANR pour obtenir des financements pour ses projets.

* Entretien réalisé par le collectif Médicament bien commun le 10 février 2021

Introduction 

Comme vous avez pu le lire dans notre Manifeste “Pour une appropriation sociale du médicament”, notre groupe se mobilise autour de 2 thèmes majeurs : médicament bien commun et propriété intellectuelle. Nous pensons que ces 2 thèmes sont étroitement liés. 

Les médicaments (soins de santé)  ne sont pas des marchandises comme les autres. Les droits de propriété intellectuelle (ou brevets) les soumettent aux règles du marché et de la commercialisation. En matière de santé publique, il existe une tension entre le brevet vu comme un obstacle (augmentation du prix des produits, compromettant l’accès aux médicaments aux plus démunis) et la condition de nouveaux traitements (brevet considéré comme favorisant l’innovation). Nous aimerions en discuter avec vous. 

Isabelle Moine-Dupuis (IMD) : La question de l’appropriation sociale est effectivement une question juridique intéressante.

Médicament Bien commun (MBC) : De nombreuses études ayant montré que le monopole de l’innovation dans l’industrie pharmaceutique n’était pas une méthode efficace pour augmenter l’innovation (promesses non tenues des brevets), pensez-vous que la remise en question des droits de Propriété Intellectuelle (PI) appliqués aux brevets sur les médicaments ait un impact positif sur la santé publique des populations ? Et que ce soit un bon angle d’attaque pour permettre un meilleur accès aux médicaments (prix équitables) ?

IMD : Certainement, mais cela dépend des médicaments. Certains médicaments  ne sont plus sous brevet (par exemple : ceux de la trithérapie VIH, commercialisés dans les années 90). Mais les problèmes d’accès sont liés à énormément de choses : organisation logistique, acheminement, conservation, problèmes de production et de conservation locale (ne serait-ce que les coupures d’électricité en Afrique) ; et surtout, une absence de coordination des Etats pour une politique commune.

Le problème des brevets a émergé avec leur généralisation, qui est relativement récente : au début des années 2000, avec surtout l’Accord sur les Droits de Propriété Intellectuelles appliqués au Commerce (ADPIC), de l’OMC. L’exclusivité conférée par le brevet crée une position dominante des laboratoires, qui s’appuient sur les lois nationales et sur l’Accord. Mais comme le dit un adage juridique, le droit cesse où l’abus commence, et le droit de la concurrence qui autorise la domination réprime par exemple le fait de chercher à prolonger indûment l’exclusivité que confère le brevet (dépôts multiples ou successifs en l’absence de réelle innovation, ou « grappes de brevets » ; accords «pay-for-delay », en français, de report d’entrée pour retarder la commercialisation des médicaments génériques).

La question de la protection sociale est fondamentale. Dans les pays du Sud, dont beaucoup n’ont pas de protection sociale, l’achat des médicaments n’est pas possible, et les patients se reportent massivement sur les produits falsifiés (la généralisation du commerce par Internet a mondialisé le phénomène de ce qu’on nomme, improprement d’ailleurs, car les médicaments concernés sont faux et pas seulement copiés en dépit des droits du princeps, la contrefaçon).

MBC : Il nous est apparu que, dans certains de vos écrits, vous cherchiez à « résoudre » la contradiction entre médicament bien privé et en même temps valeur commune : où en êtes-vous dans cette réflexion et dans quelle mesure le droit peut-il nous aider à transformer les biens privés que sont les médicaments aujourd’hui en biens à vocation commune ?

Est ce qu’il existe des approches ou des aspects juridiques (en dehors de la PI) qui permettraient de sortir les médicaments (voire les soins de santé) de la sphère marchande ? Le droit d’usage en fait-il partie ?

IMD : Il existe beaucoup de biens privés soumis à un régime dérogatoire, par exemple, les biens du patrimoine, les œuvres d’art, et même les animaux, à la fois biens et êtres sensibles selon le Code civil.

Il n’est donc pas impossible de proposer un statut particulier parmi les biens, au médicament. Cela pourrait constituer la base d’une régulation internationale du marché du médicament. Pourquoi pas celle de bien commun dont il est question très largement aujourd’hui, avec les vaccins anti-covid, mais qui pourrait être intéressante pour l’ensemble des médicaments.

Quel sens donner à cette expression ?  Dans sa tradition (cf Elinor Ostrom), la notion de commun se base sur un faisceau de droits autour d’un même bien, avec en particulier des droits d’usage multiples qui se combinent ou s’organisent selon des règles communes. On pourrait aussi parler d’une « multipropriété » sur les médicaments. Il importe aussi de bien définir l’objet de cette propriété spécifique : non la « boîte » de médicaments qui suit un circuit commercial, mais le principe actif qui représente la vraie valeur et pourrait porter théoriquement une multitude de revendications ou de droits d’usage (mais il faudrait en définir les créanciers – populations, systèmes de santé ? -, et le débiteur : laboratoires, Etats, institutions internationales, systèmes de protection sociale… ?) .

MBC : La définition des médicaments est très large. Ce régime pourrait-il ne s’appliquer qu’aux médicaments essentiels ?

IMD : On peut imaginer de faire des catégories en se basant sur cette liste de médicaments établie et mise à jour par l’OMS.

MBC : Quelle serait la réaction de l’industrie ? S’il y a droit d’usage mais que le marché fonctionne toujours de la même manière, les industries ne risquent-elles pas de s’en détourner, à cause des pertes de profits ?

IMD : La reconnaissance de ce droit supposerait bien évidemment de nouveaux modèles économiques. Il est arrivé par le passé que les laboratoires jouent le greenwashing au détriment du profit immédiat – voir les relations de Sanofi et de DNDi, dans la mise à disposition d’un médicament pédiatrique mis au point par le premier sans brevet. Le laboratoire y gagnait jusqu’à présent via la notation de l’entreprise, susceptible d’avoir un impact sur sa cotation en bourse. Est-ce toujours le cas ?  Certes, et notamment depuis la crise sanitaire, l’opinion a les yeux rivés sur le comportement des « big pharmas ».

En outre, et de plus en plus, les laboratoires ont besoin d’un modèle économique particulier pour les médicaments innovants. Ils font valoir la prise de risque, financière et industrielle, exceptionnelle, que facilite la structure financière privée. Comment mettre en œuvre une articulation cohérente et acceptée par tous entre les acteurs publics et privés, au bénéfice du plus grand nombre de patients possibles, telle est l’équation.

MBC : Les coûts réels ne sont pas connus ; avec plus de transparence on pourrait mieux apprécier à quels médicaments devraient s’appliquer ces règles. Le droit peut-il obliger l’industrie pharmaceutique (lP) à être plus transparente sur ses coûts ?

IMD : Il est difficile de travailler sur les contrats à cause du secret des affaires : il est donc tout aussi difficile de parler de transparence.

Comment obliger un laboratoire à être transparent sur ses coûts ? Il faudrait réglementer ses obligations, ce qui à notre avis, ne peut se faire qu’à travers un instrument international, de type traité. Aujourd’hui, il n’y a pas de gouvernance internationale de l’accès au médicament.

C’est en effet le problème global du droit international, qui est scindé, éclaté : d’une part le droit humanitaire, sous l’égide de l’ONU, et de l’OMS, d’autre part, le droit du commerce international, sous l’égide de l’OMC. Il est donc compliqué de connecter l’un et l’autre de ces droits à propos de la santé, vue comme principielle par le premier, et relevant de l’exception à la liberté des marchés par le second.

MBC : L’OMS a toujours été dans la position d’observateur à l’OMC mais l’idéologie du  marché est toujours au-dessus de celle des droits humains. Et les accords pour la santé passent de plus en plus par des accords de libre-échange hors de l’OMC.

IMD : Les accords ADPIC (Accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) ont révélé de manière éclatante cette difficulté !

L’OMC est cependant un forum entre États, qui a la capacité d’apporter une « flexibilité » à ses propres accords (ainsi la décision de 2003 visant à corriger l’ADPIC pour ne pas totalement priver les pays à faibles revenus de médicaments indispensables) ; mais elle est elle-même aujourd’hui fréquemment dépassée par les accords de libre-échange (y compris pour les accords concernant la santé), qui sont souvent plus contraignants en termes de propriété intellectuelle, que l’ADPIC.

En raison de ces contradictions diverses, une concordance de diverses initiatives, y compris locales, même privées, paraît plus envisageable qu’une gouvernance internationale. Le temps du droit international est un temps très long –il a fallu au moins un siècle pour forger le concept de propriété artistique, entre le siècle des Lumières et la Convention de Berne, à la fin du 19ème siècle. Cependant les périodes de crise ou d’urgence sont susceptibles d’accélérer les processus. La société civile va prendre de plus en plus d’importance dans les années à venir. La crise actuelle est l’occasion de faire avancer les débats.

N’oublions pas non plus que le droit a beaucoup d’imagination, il peut créer des outils : il faut que ces derniers répondent à un besoin mais aussi qu’ils soient relayés par la volonté politique et la faisabilité économique –  l’invention de la personne morale est un exemple de construction juridique destiné à répondre à une nécessité de la vie sociale et économique, permettre à des groupements de contracter en leur propre nom, et non en celui de leurs membres, ainsi qu’avoir un patrimoine distinct.

MBC: On voit, avec les vaccins contre la Covid-19, que les brevets sont l’un des freins à l’amplification de leur production et à leur mise à disposition mondiale. A quelles institutions (et à quel niveau) faut-il s’adresser pour être entendu et quels sont les arguments à faire valoir pour une suspension de l’application des brevets sur les vaccins et les traitements médicaux contre ce virus? Pour qu’ils soient reconnus comme biens communs de l’humanité ?

IMD : Une première question se pose : le frein provient-il plus d’un problème de capacité de production ou d’une question de brevet ?  Ces vaccins sont-ils faciles à produire ? En effet, octroyer une licence à un génériqueur suppose que celui-ci soit en mesure de produire la copie du vaccin, et dans un laps de temps court compte tenu de l’urgence des besoins : est-ce actuellement le cas ? Si oui, ce levier est bien sûr à envisager.

 

MBC : Beaucoup de pays pourraient produire en faisant valoir la licence d’office. Au préalable, il faut libérer les vaccins du brevet pour que la production puisse se faire dans tous les pays.

Les vaccins à ARNm, ne seraient pas si compliqués à fabriquer, si les firmes le souhaitaient. Il faut s’équiper en matériel.

C’est différent pour le vaccin Astra Zeneca, utilisant un adénovirus. Celui-ci est protégé mais la firme a permis à des organisations d’utiliser sa technologie. Le partenaire, l’université d’Oxford, a fait pression pour que le prix soit bas.

Le modèle est différent de celui de Pfizer, à capital risque. Cela se traduit par des différences de prix des vaccins. Comment justifier la course au profit des IP alors qu’il y a eu beaucoup d’investissements publics ?

IMD : La société commerciale est conçue pour faire des profits, c’est la différence entre une société et une association, ou une ONG. S’il fallait transformer la propriété intellectuelle pour qu’elle ne soit plus dans une logique de profit, il faudrait l’adapter pour concilier  la protection des valeurs dites non marchandes (santé, éducation…) avec le fonctionnement d’une société commerciale, surtout à dimension multinationale.

MBC : La loi de 1901 a été modifiée récemment. Ainsi des associations servent à présent à privatiser des services, et permettent de distribuer des profits sous des formes indirectes.

IMD : En France au moins, les associations peuvent avoir des salariés et une activité économique, à condition de le préciser dans les statuts. Ce sont des personnes morales de droit privé mais elles n’ont pas par principe le droit de distribuer les profits réalisés entre leurs membres.

Ce n’est pas parce qu’un organisme est régi par le droit privé qu’il répartit des bénéfices. Des personnes de droit privé peuvent être de service public, non lucratif – les organismes de Sécurité Sociale, par exemple.

Comment inciter les laboratoires à se rapprocher de ce genre de statut ? Utiliser la contrainte impliquerait que les Etats se coordonnent pour avoir prise sur les multinationales. Or les Etats n’ont pas prise directement sur les sociétés de droit privé étrangères : l’Etat français n’a pas autorité sur une société étrangère. En outre, d’un pays à l’autre, les modèles économiques, les « philosophies » de l’entreprise sont différents – prenons par exemple, le système de financement et d’exploitation du cinéma aux USA et en France.

MBC : Mais on observe cependant que, d’une part, les services publics sont de plus en plus pressés de faire du « rentable » ; d’autre part, les organismes privés ont toujours pour objectif la rentabilité, et inciter des laboratoires à abandonner cet objectif est difficile car le médicament est sous la coupe de l’OMC et non de l’OMS. Il faudrait donc, en premier lieu, que le médicament soit reconnu comme un service public, et que l’objectif du service public redevienne le bien commun.

IMD : L’industrie pharmaceutique est constituée de sociétés commerciales, dont l’objectif est de faire du profit et de satisfaire des actionnaires, nous l’avons rappelé. Mais cela ne doit pas faire oublier que sa raison d’être (pour utiliser un concept introduit par la loi PACTE, en France), est de répondre aux besoins des populations d’avoir des médicaments utiles et accessibles. C’est un levier essentiel, relevant de l’intérêt public en effet, et qui devrait distinguer cette industrie de celle qui produit des objets de consommation courante, non ou moins essentiels (là aussi pour user d’un terme bien actuel !). Ce peut être le socle d’un statut différencié, encore à construire.

MBC : Pour les vaccins, la recherche est financée par l’argent public mais, une fois mis sur le marché, il faut les payer à nouveau. Peut-on avancer l’argument « pas de profit sur la pandémie » ? Rappeler l’argent public injecté ? Que peut le droit ? Est-ce une question de rapport de forces ?

IMD : Le droit est là pour trouver des solutions avec les moyens qui sont les siens, mais aussi les contraintes qui l’entourent.

Le problème, dans le contexte que vous évoquez, est que les Etats sont eux-mêmes en concurrence. L’Union Européenne– si décriée en ce moment sur cette question – a pu être un laboratoire assez remarquable dans ce domaine, avec bien des points à améliorer (ce qui montre la difficulté de parvenir à des accords plus larges, dans des systèmes juridiques non intégrés en outre). Sur la question que vous évoquez, il me semble qu’une vision plus harmonisée et moins territoriale de la Sécurité Sociale, régulatrice des prix dans un pays comme la France, pourrait être une part de solution : mais les approches des différents Etats membres divergent parfois fortement. Plus largement, beaucoup de pays dans le monde n’ont aucun outil de ce type : si les laboratoires n’ont pas d’interlocuteur acheteur ayant le pouvoir de négocier, ils sont libres de fixer leurs prix.

MBC : Il est difficile d’agir au niveau national : Sanofi fait seulement 30% de son CA en France mais 70% hors Europe.

IMD : L’on y voit parfois la raison des pénuries de médicaments, qui durent depuis déjà plusieurs années.

MBC: A ce propos, plusieurs paramètres sont en jeu : les délocalisations, la sous-traitance, la production à flux tendu. Quand un maillon est défectueux, toute la chaîne est bloquée. Par exemple, une entreprise a brûlé en Inde, elle ne peut plus fournir de principes actifs, ce qui entraîne une rupture de production sans doute pour plusieurs produits. Même les médicaments essentiels peuvent être en rupture de stock. Il y a des entreprises qui arrêtent la fabrication de médicaments « pas rentables ».

Il y a aussi un refus de développer des génériques pour des médicaments à des prix « trop bas » pour les firmes qui, essentiellement, fonctionnent avec les molécules princeps. La France a toujours refusé d’avoir un vrai marché des génériques, il n’y a pas de grand génériqueur.

IMD : C’est assez paradoxal, dans la mesure où le droit de la sécurité sociale dans notre pays favorise l’achat de génériques (avec notamment le système « tiers payant contre génériques »).

MBC : Si on supprime les brevets, le générique n’existe plus. Le princeps et le générique sont alors un seul et même produit.

IMD : Si les accords ADPIC étaient dénoncés, et même, si les droits nationaux interdisaient le dépôt de brevets sur les innovations médicamenteuse, l’innovation pourrait-elle continuer ? Là est une question fondamentale que l’on pose souvent de manière inverse : est-ce que la possibilité de déposer un brevet aide l’innovation ?

MBC : Actuellement la recherche publique découvre et le privé confisque les résultats et dépose un brevet. Si on continue de financer la recherche publique, la recherche continuera à faire des découvertes. L’industrie ferme ses laboratoires de recherche en interne, qu’elle ne juge  pas rentables, et achète les produits aux start-up. Ces start-ups sont généralement créées par des gens issus du public. Il faudrait permettre de les réintégrer dans le public.

Par ailleurs l’INSERM ou le CNRS déposent aussi des brevets : il faudrait proposer que leurs résultats de recherche restent dans le domaine public. On pourrait séparer la recherche de la production.

Enfin, dans le développement des médicaments, ce sont les essais cliniques qui coûtent très chers. L’échelle de financement est supérieure aux besoins de la recherche. A voir si les essais dans les hôpitaux publics ne sont pas moins onéreux.

IMD : L’idée serait donc une recherche publique et une fabrication privée. L’expropriation est une possibilité pour la puissance publique : on pourrait avancer l’idée d’un « brevet public ».

MBC : Il y a un accord international pour les virus : la Chine n’a pas pris de brevet sur le génome du SARS-CoV-2. Mais pour les vaccins et autres produits pharmaceutiques, le monopole dû au brevet fausse la concurrence.

IMD : Le droit de la concurrence est un droit national ou régional (Union européenne) : il connaît ainsi la notion d’abus de position dominante. Mais le droit de la concurrence n’est pas mondialisé, au sens où il n’y a pas d’autorité de la concurrence véritablement supranationale. Une entente entre les pays pour trouver une solution de ce type, se forger des armes pour aboutir à une régulation mondiale de la concurrence, est nécessaire mais demande du temps. En outre, le droit de la concurrence n’est pas conçu à la base pour protéger les individus et les peuples, mais les marchés : on retombe donc sur le même « écueil ». Cependant, le droit de la concurrence joue parfois un rôle protecteur de l’accès aux médicaments (ainsi lorsqu’il réprime les pratiques destinées à écarter les génériques du marché, comme les accords de report d’entrée).  Une accélération en ce sens est imaginable, sous la pression des sociétés en temps de crise.

MBC : Si on utilise cette crise provoquée par la pandémie, quelle serait, avec les armes du droit, la meilleure façon d’attaquer, pour que le médicament ait un statut international ?

IMD : En droit international, plusieurs organisations sont possibles :

– des traités : le principe en est qu’en cas de problème commun, ne se réduisant pas à une question nationale et dès lors qu’existe un intérêt à s’accorder, plutôt que de rester « chacun chez soi », il convient de trouver un minimum de règles communes ; par exemple, la Convention de Berne sur la propriété intellectuelle des auteurs littéraires et artistiques, même si elle n’a pas réuni l’accord de tous les Etats, a pu être signée et  intégrée dans un grand nombre de droits nationaux, afin de protéger au mieux les auteurs. C’est plus intéressant qu’un accord de libre-échange dans la mesure où le point de vue peut être plus large, la philosophie moins « économico-centrée », et l’adhésion des peuples également.

– des instruments d’application desdits traités (juridictions, systèmes d’arbitrage ou de conciliation, qui permettent d’avoir un droit « dur » – effectif -, et aussi de débattre et de faire progresser le droit (la source de ce dernier n’étant pas uniquement normative mais aussi judiciaire).

On peut créer ainsi pas à pas un nouvel ordre juridique à partir d’un traité, comme cela est le cas dans des domaines comme  dans le cadre des traités OMC ou ceux du droit international de l’investissement (que je connais mal..). Rappelons ici l’intérêt de l’arbitrage comme système très développé de justice internationale : contrairement à ce que l’on imagine, les décisions des arbitres sont des décisions judiciaires véritables, ce qui a mené à une construction d’un droit d’acteurs privés (que nous nommons au CREDIMI la lex mercatoria, loi du commerce international, mais qui peut avoir de nombreuses déclinaisons, comme une lex pharamceutica). Par exemple : en cas de forage dans un pays, on a trouvé des arbitres qui arrivent à imposer aux entreprises de réparer les dégâts à l’environnement, de façon indépendante des droits nationaux.

MBC : Pourrait-on aboutir à un traité pour la santé ?

L’ordre juridique international est à construire sur ce point. Il y a une multitude d’acteurs possibles, sous l’égide d’une organisation internationale, comme l’OMS, ou d’un triumvirat (OMS-OMC-ONU). Pourquoi ne pas rêver ?

MBC : Finalement le droit a une multitude de moyens. Qu’est ce qui prime : le politique (pas seulement les Etats) ou les sociétés civiles, les ONG, les organisations citoyennes ? Le droit international peut-il évoluer sous une forte poussée ?

IMD : Ce qui fait déjà avancer, c’est qu’on en parle. Quand la valeur est affirmée, on cherche des outils. Par exemple : le travail des enfants. On ne le trouve pas normal, petit à petit, on fait accepter cette idée. La société civile a des ressorts, notamment les réseaux sociaux, parfois plus efficaces que les Etats. Surtout en cas de pandémie, où tous se sentent plus concernés et interdépendants : les débats qui ont émergé depuis l’arrivée du SIDA ont conduit à revoir partiellement les accords ADPIC.

Les outils sont là, le droit peut inventer beaucoup de choses, peut “recréer la réalité”. Il a besoin de l’appui des autres disciplines, de la philosophie, de la sociologie, de l’économie. Et surtout de l’appui des gens : le droit n’existe pas si les gens ne le veulent pas. Le droit est une création humaine. Le droit essaie de mettre de l’ordre dans le désordre, et en recherche en permanence les opportunités.

La période que nous vivons est peut-être un moment important pour agir.

Bibliographie conseillée :

-1) « L’OMC pourrait décider que la propriété intellectuelle ne s’applique pas aux produits Covid-19 ». Gaëlle Krikorian. https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/10/gaelle-krikorian-l-omc-pourrait-decider-que-la-propriete-intellectuelle-ne-s-applique-pas-aux-produits-covid-19

2)  Covid-19 : « Le fait que Pfizer ait découvert un vaccin avant Sanofi n’est pas une surprise »

Chez les fabricants de médicaments, la logique actionnariale l’a emporté sur la logique de santé publique, estime la chercheuse Nathalie Coutinet. Propos recueillis par Antoine Reverchon. Publié le 05 février 2021

https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/05/covid-19-le-fait-que-pfizer-ait-decouvert-un-vaccin-avant-sanofi-n-est-pas-une-surprise_6068894_3232.html

3) Dictionnaire des biens communs ; Marie Cornu, Fabienne Orsi, Judith Rochfeld (dir.) ; Presses universitaires de France, 2017.

-4) Le médicament et la personne, aspects de droit international, direction I. Moine-Dupuis, Lexisnexis, 2007.

-5) Les pratiques de l’industrie pharmaceutique au regard du droit de la concurrence, C. Jourdain-Fortier et I. Moine-Dupuis, Lexisnexis, 2010.

-6) Le droit des affaires pharmaceutiques, vers une lex pharmaceutica ?, direction M. Guerriaud C. Jourdain-Fortier et I. Moine-Dupuis, Lexisnexis, 2020.