Quelle santé publique pour demain ? Comprendre et analyser les enjeux du « virage numérique de la santé » et ses alternatives possibles

Rencontre – débat

organisée par Sciences critiques et Médicament bien commun en partenariat avec l’Université du bien commun à Paris

Samedi 19 novembre 2022 de 14 h 30 à 18 h 30

Accueil à partir de 14 h

au Maltais rouge

40 rue de Malte – 75011 Paris

Inscription : https://framaforms.org/quelle-sante-publique-pour-demain-1666207583

Le numérique investit et envahit tous les secteurs de notre vie. L’application des services du numérique au domaine sensible de la santé, appelée communément « e-santé », selon la définition de l’OMS, est présentée par les pouvoirs publics comme une stratégie pertinente pour accroître l’efficacité des systèmes et services de santé tout en réduisant la dépense publique. Son développement suscite cependant un accueil partagé, tant de la part des patients (malades ou potentiels) que des professionnels de la santé, mais aussi des économistes, techniciens, politiques, philosophes.

La chirurgie robotique, la consultation à distance ou le dossier médical partagé peuvent être considérés comme des avancées technologiques qui permettent d’accroître l’efficacité des soins de santé. Demeurent des critiques et questions concernant la disparition du face à face soigné-soignant, la mise en péril du secret médical, la confidentialité et les utilisations des données personnelles.

Comment distinguer les croyances des réalités qui nous échappent, et apprécier les impacts réels de la numérisation dans le secteur de la santé sur l’avenir de notre société, nos droits fondamentaux et notre intimité ? Quels sont les enjeux éthiques de ce virage numérique ? Entre progrès technique et intérêts économiques, qu’advient-il de la santé, bien essentiel de l’être humain ?

Nous tenterons de comprendre et analyser ces enjeux et les alternatives possibles à ce « virage numérique de la santé », au cours de deux tables rondes portées par

– les usagers : le vécu et le ressenti des usagers et des professionnels du secteur de la santé, l’impact de la numérisation sur les soins de santé et sur la santé publique.

– les observateurs et analystes : l’utilisation des données de santé, les risques de dérives et les alternatives envisageables pour une gestion régulée, dans le respect des droits humains fondamentaux.

Chaque partie comprendra l’intervention d’acteurs, analystes et témoins des faits étudiés, et une large part sera accordée au débat avec le public.

Programme

14 h – Accueil

14 h 30 – Introduction

Eliane Mandine, Médicament bien commun ; Anthony Laurent, Sciences critiques

14 h 40 – Table ronde 1 – Vu du terrain : le numérique au quotidien, vécu des patients et des soignants

Animation : Annie Flexer, Médicament bien commun

Avec :

Stéfania Marsella, assistance sociale, chargée de projets à la fédération des maisons médicales, Maison Médicale Calendula ;

Christophe Prudhomme, médecin urgentiste, conseiller CNAM ;

15 h 30 – Débat avec le public

16 h – Pause

16 h 15 – Table ronde 2 – Le numérique dans la santé : enjeux, risques, alternatives

Animation : Anthony Laurent, Sciences critiques

Avec :

Florence Gaillard, journaliste ;

Sylvain Delaitre, ingénieur chercheur, représentant la CGT au comité Cyber du Conseil national de l’industrie

Juliette Alibert, juriste, spécialiste des données de santé, Association InterHop ;

Benoît Piedallu, membre de La Quadrature du net ;

17 h 40– Débat avec le public

18 h 20 – Conclusion

Partenaire

Nos sites web :

https://sciences-critiques.fr/   https://medicament-bien-commun.org/

https://www.universitebiencommun.org/

Des Big Pharma aux communs

Gaëlle Krikorian

Petit vadémécum critique de l’économie des produits pharmaceutiques

page1image43389648

La crise de la COVID illustre de façon presque caricaturale ce qui, dans l’économie des produits pharmaceutiques, nous condamne à restreindre inexorablement le nombre des personnes qui ont accès aux innovations de santé – dans les pays pauvres comme dans les pays riches. Changer de trajectoire, et éviter la multiplication du tri sur une base économique, impose de comprendre précisément les dysfonctionnements, déséquilibres et abus actuels pour proposer d’autres manières de fabriquer et de gouverner les produits dont peuvent dépendre nos vies.

Quels sont les symptômes qui affectent l’économie des médicaments ? Quels diagnostics peut-on établir sur la base de ces manifestations de dysfonctionnements ? Quels pourraient être les traitements à apporter à ce système en déroute ? Un ouvrage bref et concis qui fournit des arguments solides pour une réinvention de l’économie des produits pharmaceutiques.

Docteure en sociologie à l’EHESS, Gaëlle Krikorian alterne les phases de recherche, de conseil politique et d’engagement dans la société civile. Ses travaux portent sur les mobilisations sociales, les politiques publiques et la globalisation, autour de questions de santé. Elle a été conseillère pour le groupe des Verts au Parlement européen à Bruxelles, puis directrice des politiques pour la Campagne d’accès aux médicaments essentiels (CAME) de Médecins sans frontières (MSF). Son implication dans les luttes pour l’accès aux médicaments date de son engagement à Act Up.

Contact médias : Antoine Bertrand antoinebertrand1@gmail.com Diffusion/Distribution : Harmonia Mundi www.luxediteur.com

L’informatique hospitalière ou la dérive vers le privé

Les années 80

Dans les années 80, l’informatique hospitalière était limitée à la paye, à la facturation. L’informatique était gérée par les CRIH (Centre Régionaux d’Informatique Hospitalière), les développements étaient pour la plupart nationaux et réalisés par le CNEH (Centre National de l’Expertise Hospitalière). Chaque hôpital contribuait, par le biais d’une cotisation, au fonctionnement de ces centres. Les CRIH développaient aussi des solutions, orientées télétraitement et les mettaient à disposition des hôpitaux ou d’autres CRIH. Les participations aux développements se faisaient par conventions entre les hôpitaux, permettant de mutualiser les coûts.

C’est aussi la période où les hôpitaux développaient leurs infrastructures autour de « hosts » (Bull ou IBM). L’offre était limitée, la couverture fonctionnelle administrative (gestion du personnel, gestion comptable, gestion du dossier administratif du patient). Jusqu’à la fin des années 80, l’offre publique s’est progressivement développée afin de commencer à prendre en compte le dossier médical, le dossier infirmier, les prises de rendez-vous.

Tandis que les gros hôpitaux ouvraient petit à petit leur couverture fonctionnelle, les établissements plus petits peinaient à la mise en place de solutions. Les développements n’étaient pas coordonnés au niveau du ministère de la santé, des offres publiques, concurrentielles entre elles virent le jour. Des forums d’informatiques hospitaliers permettaient à chaque hôpital de présenter ses développements.

La somme des budgets alloués aux services informatiques dans les hôpitaux subit une première explosion. En 1991, l’IGAS fut missionnée pour faire une « Mission d’audit de l’informatique Hospitalière et d’évaluation de la Politique publique en ce domaine »[1].

Les années 90 et 2000

L’audit de l’IGAS fut confié à la société Bossard Consultants, société contrôlée par le groupe Cap Gemini. Cet audit dénonça l’émiettement de l’offre, les coûts importants, les objectifs non atteints, tout en relevant la pertinence d’un GIE référence, GIE intimement lié à Cap Gemini (« Cap Sesa Informatique Hospitalière »).

Dans ses conclusions, l’IGAS souhaitait une meilleure coordination des offres publiques afin de permettre les coopérations pour développer la couverture fonctionnelle, notamment autour du dossier patient. Elle alertait sur un risque « … fort de voir les sociétés privées “acheter” par ce biais, et en dehors de toute mise en concurrence, une clientèle alors que les centres producteurs déclineraient » alors que paradoxalement dans sa gestion actuelle ce projet risque d’être le “cheval de Troie” d’une offre particulière, celle de Cap Sesa Informatique Hospitalière. En page 58 de l’audit, toutes les propositions allaient dans le sens d’une offre publique, pour limiter les coûts. La plupart de ces propositions n’ont pas été suivies.

Dans les années qui ont suivi, faute de prise en compte des propositions de l’IGAS, une offre concurrente privée, s’est développée. Un cas type est celui de la société « Pyrénées informatique », offrant une solution intégrée sur AS400. IBM, voyant une opportunité de marché a racheté cette société puis a délaissé l’offre privée en logiciels hospitaliers, faute de rentabilité.

Siemens s’est très vite porté acheteur de cette offre, vendue par IBM, y voyant un moyen d’acheter un « portefeuille hospitalier existant » et arrêta rapidement la maintenance de la solution existante pour obliger les sites hospitaliers à installer son offre propre « Clinicom » venue des USA. Tous les hôpitaux s’étant engagé sur AS400 se trouvaient face à une obligation de migration, avec les coûts que cela représente… Et quelques années plus tard (2011) Siemens vendit à son tour son portefeuille « Clinicom » à la société « Intersystem » qui s’empressa de tuer la solution pour la remplacer par sa solution « Trakcare » venue des USA.  À chaque revente, les hôpitaux se retrouvaient captifs, comme l’avait prévu l’audit de 1991, à chaque migration obligatoire, les hôpitaux faisaient exploser leur budget informatique.

Parallèlement, des grosses sociétés, souvent dirigées par des multinationales virent dans cette désorganisation de l’informatique hospitalière un marché juteux. Le libre choix des hôpitaux, puis l’obligation de mettre en concurrence les solutions publiques et privées ouvrit le marché à ces sociétés à vocation lucrative.

La situation actuelle

Une offre complète, trop complète

L’informatique est dorénavant partout, dans toutes les unités de soins, les sociétés privées ont trouvé peu à peu leur créneau, leur spécialité.

Quel que soit le domaine, la spécialité médicale ou médico-technique, il existe plusieurs solutions sur le marché. Le règne de l’appel d’offre a diversifié les choix pour des hôpitaux partageant parfois le même personnel, obligé à se former à plusieurs solutions totalement différentes au niveau ergonomique pour pouvoir exercer son métier de soignant.

Une intégration complexe

Cet éclatement des solutions rend souvent très difficile leur intégration au niveau de l’hôpital. Cette intégration est chronophage et source de problème de sécurité. Les informaticiens hospitaliers ne sont plus maîtres de leur système mais simples intermédiaires entre les services et les prestataires informatiques. Très souvent les centres hospitaliers doivent gérer 4 à 5 SGBD[2] différents avec tous les problèmes que cela représente en formation, en sauvegardes. Une série de choix qui aboutit à l’externalisation des prestations informatiques[3]. Si l’usage de HL7[4] tente à se généraliser, s’il permet des échanges standards entre les applications, on est très loin du système intégré.

Des failles de sécurité énormes

Chaque solution a ses contraintes, en version de système d’exploitation serveur, parfois même en version de système d’exploitation client et même en version de navigateur. Ce nombre multiple de versions de systèmes n’est pas sans risque au niveau des failles. Et l’intégration des appareils médicaux dans les systèmes d’information hospitaliers apporte son lot de failles[5].

Vitry-le-François : cyber-attaque à l’hôpital, les pirates demandent une rançon (francetvinfo.fr)

Internet : des hackers revendent nos données médicales (francetvinfo.fr)

En 2022, un établissement hospitalier est rançonné par un malware chaque semaine en France. En avril, le système centralisé d’approvisionnement des pharmacies en France a été attaqué. Et en juin, le système AMELIE a été siphonné, et les données revendues sur le Dark Net.

Les GHT (Groupement Hospitalier de Territoire), une fausse « bonne solution »

L’informatique doit évoluer vers une homogénéité au niveau des GHT, mais le mal est déjà fait et le pansement sur une jambe de bois risque d’être très coûteux.

L’homogénéité va se faire en imposant aux plus petits hôpitaux des solutions privées, qui vont amputer le budget de ces derniers. L’offre privée en informatique hospitalière est trop souvent une niche et les solutions sont vendues à coût pharamineux.

Les pistes de réduction du TCO ne sont pas explorées

L’informatique hospitalière est le règne du tout Windows, sur serveur et sur station. Les équipes informatiques sont mobilisées sur les évolutions matérielles et logicielles, aucune solution de réduction du coût total de possession TCO[6] n’est envisagée, comme cela a été fait dans la gendarmerie nationale.

Les hôpitaux sont tributaires des tarifs imposés par les sociétés qu’ils ont choisies et ne sont plus maîtres de leur budget informatique, transféré en partie sur les GHT. Tout cela dans un contexte budgétaire global sous pression.

La sécurité informatique globale est donc laissée de côté, faute de moyens[7].

Retrouver le contrôle en développant un pôle public d’informatique hospitalière

« Easily[8] » est à ce jour un des logiciels publics de gestion de dossiers médicaux qui s’implante dans de nombreux hôpitaux. Mais repose sur une concurrence public-public.

Dans ce contexte, la seule solution serait de repartir de certaines propositions de L’IGAS en 1991[9], des solutions libres dans chaque domaine existent déjà, il faudrait une volonté gouvernementale pour participer à leur développement et les imposer. Il faut pour ce faire utiliser et mobiliser les personnels informatiques en place pour développer de manière coordonnée des outils dans un cadre national.

Les revendications des professionnels (et des patients) s’articulent autour de deux objectifs :

  • Un outil ergonomique permettant de colliger et d’avoir un accès simple, rapide et ubiquitaire aux informations concernant le patient pour assurer une prise en charge optimale ;
  • Une collecte de données anonymisées permettant la réalisation d’études cliniques, épidémiologiques et autres sous le contrôle des professionnels en accord avec les patients.

Nous avons donc deux besoins différents, donc de deux outils différents qui doivent bien entendu communiquer entre eux, mais qui doivent aussi permettre une certaine étanchéité afin d’assurer la meilleure sécurité possible en termes de protection des données. Deux exigences dont la France maitrise les moyens d’y répondre.

Le premier point correspond en fait au fameux Dossier médical partagé (DMP), serpent de mer et échec très coûteux, qui fait qu’aujourd’hui nous ne disposons toujours pas de l’outil qui apparaît de plus en plus essentiel pour assurer un suivi efficace et sécurisé des patients.

Le seul progrès de ces dernières années est l’informatisation du dossier hospitalier du patient, de qualité variable selon les hôpitaux qui ont fait appel à différents prestataires, ce qui signifie une grande hétérogénéité des systèmes installés. De fait les systèmes ne communiquent pas entre eux. Ils offrent en général une qualité et une ergonomie acceptable limitée au travail au sein de l’hôpital. Or le besoin essentiel aujourd’hui se focalise sur un dossier interopérable entre les professionnels de ville et hospitaliers.

Afin de pouvoir disposer de ce type d’outil, il est essentiel de privilégier une architecture légère, souple et décentralisée. En effet, si le dossier du patient doit pouvoir être consulté en tant que de besoin tout au long de sa vie, l’essentiel des accès se feront localement par les professionnels du bassin de vie du patient (ville, hôpital général et jusqu’au CHU de référence).

Le deuxième point concerne l’opération Health Data Hub très contestée, puisque le conseil d’administration de la CNAM a récemment rejeté le projet du gouvernement au motif que « conditions juridiques nécessaires à la protection de ces données ne semblent pas réunies pour que l’ensemble de la base principale soit mis à disposition d’une entreprise non soumise exclusivement au droit européen ».

Dans le même temps, il rappelle que « compte tenu du caractère spécifique des données au regard de leur complétude et de leur enjeu stratégique, seul un dispositif souverain et uniquement soumis au RGPD permettra de gagner la confiance des assurés dans l’utilisation de leurs données » et demande que le Système national des données de santé (SNDS) soit confié « à un opérateur souverain et de confiance pour l’hébergement des données ». Nous disposons donc là d’un appui pour que la base de données de la Sécurité sociale qui, rappelons-le est une des plus complètes au monde, reste sous un contrôle national.

La question qui se pose aujourd’hui est de pouvoir disposer de prestataires français, voire européens, dans le cadre de la stratégie industrielle qui est proposée dans le texte. L’annonce faite en octobre 2021 d’un accord entre Thales et Google en vue de la constitution d’un « cloud souverain » est très grave. Il aggrave notre dépendance et notre manque d’autonomie alors qu’il nous faut mobiliser les forces endogènes du pays. Si ce n’était pas une annonce officielle, cela pourrait passer pour une blague, tant l’association des termes « Google » et « Cloud souverain » sont antinomiques !

La situation mondiale fait déjà état d’une hégémonie des mastodontes Amazon, Microsoft et Google en termes d’offre Cloud, pourquoi s’associer à l’un des 3 monopoles pour « construire un Cloud Européen indépendant » ? La longueur de la cuiller n’y fera rien, il s’agit bien de « souper avec le diable», le Cloud European Act du commissaire européen Thierry Breton (et ancien patron de THOMON ou d’ATOS) est très mal parti …

Nous dénonçons ici ce double langage, cette contradiction entre les déclarations de principe et les actes. Il faut cesser les « coopérations » avec les Microsoft ou Google, et remettre les chercheurs européens sur des pistes indépendantes (des brevets indépendants existent, mais ils sont anciens : il faut reprendre les recherches). Pour cela, il faut des moyens en hommes et en financements, mais il faut d’abord une politique claire, et autonomes par rapport aux GAFAM ou aux puissances tiers (USA, Chine, Taiwan …).

Sylvain Delaitre, CGT Thales

Notes annexes

1. Choix des gendarmes sur les OPENSOURCES.

Ils ont résisté à l’injonction du Gouvernement Sarkozy de passer à Microsoft. Le FIC de Lille (cybersécurité), avec le Général Marc WATIN AUGOUARD (4 étoiles) refuse de s’aligner sur le système privé américain.

Aujourd’hui, 90% des postes informatiques de la Gendarmerie sont sous Linux, un système d’exploitation libre. Une preuve qu’il est possible, pour une administration, de se passer des Gafam, et de réaliser 40% de gain.

https://lafibre.info/tutoriels-linux/gendarmerie-libre/

2. La concurrence public-public fait rage … aussi.

Après avoir longtemps travaillé avec le CHU de Grenoble sur le dossier médical “Crystal Net”, les Hospices Civils de Lyon développent leur propre logiciel “Easily”, puis affichent à nouveau une volonté de travailler ensemble, qui finit par l’abandon total de la première solution. Si Easily est devenu au fil des années l’un des logiciels de gestion de dossiers médicaux les plus connus dans le monde hospitalier, au point de tuer le concurrent dont il est issu que de temps perdu dans cette concurrence public-public.   

3. Christophe Prudhomme, médecin urgentiste

“En ce qui concerne l’interopérabilité, je voudrais citer deux exemples en rapport avec mon activité quotidienne. Premièrement, l’absence d’interopérabilité des systèmes de gestion des interventions entre les SAMU de Paris et de la petite couronne et la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris. La conséquence est une perte de chance pour le patient lors des interventions où le facteur temps est déterminant, comme l’arrêt cardiaque. En effet, aujourd’hui que l’appel tombe sur le 15 ou le 18, la prise d’adresse se fait d’abord dans un système puis l’opérateur prend son téléphone pour contacter son collègue pour lui transmettre les informations afin qu’elles soient rentrées dans un autre système ! Deuxième carence ; l’absence d’accès direct aux dossiers de patients complexes lors d’un appel en urgence, notamment pour les patients en hospitalisation à domicile ou atteints de pathologies complexes.”

[1]http://www.lesiss.org/offres/file_inline_src/445/445_P_15163_1.pdf

[2] Système de Gestion de Base de Données

[3] Stratégie « de recentrage sur le cœur » comme dans l’industrie.

[4] Health Level 7 est une organisation qui définit un ensemble – auquel elle donne son nom – de spécifications techniques pour les échanges informatisés de données cliniques, financières et administratives entre systèmes d’information hospitaliers.

[5] https://www.toolinux.com/?securiser-les-dispositifs-medicaux-un-imperatif

[6] Le coût total de possession est plus souvent rencontré sous son abréviation anglophone de TCO (Total Cost of Ownership). Il représente la somme totale qu’a dû dépenser le propriétaire d’un bien au cours du cycle de vie de ce dernier. Les coûts directs et indirects sont pris en compte.

[7] https://www.reseau-hopital-ght.fr/actualites/sante-publique/politique-de-sante/350-millions-d-euros-pour-renforcer-la-cybersecurite-des-etablissements-de-sante-et-medico-sociaux.html

[8] https://www.ticsante.com/story/4042/informatique-et-ght-le-dossier-patient-informatise-easily-a-le-vent-en-poupe.html

[9] http://www.lesiss.org/offres/file_inline_src/445/445_P_15163_1.pdf

Pour une production collaborative de médicaments

Le modèle économique de délégation de l’État à des acteurs privés de produire et distribuer les soins de santé ne garantit pas l’indépendance sanitaire de la France. Ce constat est une incitation pour la société civile à s’emparer du sujet et à proposer de nouvelles formes d’organisation et de production d’un médicament bien commun, répondant aux besoins de la ­population. Face aux carences, profitant des compétences et des savoir-faire présents sur nos territoires, la relocalisation de productions des soins de santé est l’occasion d’imposer de nouveaux choix politiques ­favorisant la création d’organismes à but non lucratif, gérés démocratiquement par la collectivité et garantissant l’effectivité du droit à la santé à l’ensemble de la population.

L’État reconnaît la nécessité, pour la France, de « gagner en indépendance ­industrielle et sanitaire », tant en approvisionnement en médicaments qu’en dispositifs médicaux. Il a mobilisé une enveloppe de 200 millions d’euros pour accompagner l’industrialisation, la production et le stockage des produits thérapeutiques sur le sol national. Ces aides ciblent les industries pharmaceutiques. Nous sommes en accord avec une tribune parue dans le Monde en date du 16 avril : « Il serait paradoxal de donner à l’industrie pharmaceutique la maîtrise d’œuvre de la relocalisation, alors qu’elle a été responsable de ces délocalisations délétères uniquement pour des raisons de profitabilité et qu’elle pourrait en saisir l’occasion pour de nouvelles augmentations indues des prix. »

En revanche, nous pensons que la mise en place d’un établissement public utilisant « les compétences de chimie et de ­façonnage locales dans le cadre de partenariats ­public-privé » ne serait pas la solution. Trop d’exemples de partenariats ­public-privé se sont avérés dispendieux pour les ressources publiques et sans efficacité. Dans le contexte actuel, il n’est pas pensable de concevoir l’État comme seul garant de l’intérêt général. Il a autorité pour limiter l’accaparement privé de biens ou de ressources d’intérêt collectif, ainsi que la puissance des intérêts privés. Mais, depuis le XIXe siècle, l’attribution de droits subjectifs le consacrant personnalité­ ­juridique font qu’il aliène la chose publique en s’en considérant propriétaire, et transfère à des acteurs privés des biens et ressources jusque-là publics.

Cela est flagrant pour les soins de santé, dont le développement, la production et la distribution ont totalement été abandonnés au privé. L’État ne joue plus son rôle pour protéger les intérêts des personnes malades et encadrer les industries pharmaceutiques. Il en résulte un modèle économique rendu favorable aux acteurs privés par la consolidation des accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Adpic), mais incapable de répondre aux besoins de santé de la population. Ce qui a été crûment démontré par l’inégalité d’accès aux vaccins contre le Covid. L’accès aux médicaments est mis à mal. Il est soumis à un rapport de forces dominé par des entreprises pharmaceutiques, qui imposent aux institutions publiques leurs conditions dans les négociations sur les régulations et les prix de vente, négociations dont sont ­exclus citoyens et patients.

Pour sortir de cette situation, nous devons remplacer ce système par un modèle novateur, dans lequel les responsabilités ne seront plus déléguées ni à des acteurs privés, ni à la puissance publique, mais contrôlées par les intéressés eux-mêmes. Il est temps pour la société civile de se mobiliser pour collectivement se saisir de l’opportunité offerte par la situation actuelle de concrétiser une des revendications écrites dans le manifeste « Pour une appropriation ­sociale du médicament » (medicament-bien-­commun.org).

Une production de médicaments collaborative, axée sur la valeur d’usage plutôt que lucrative, est le point d’entrée d’une transformation du modèle vers une appropriation collective des moyens de recherche, de production et de distribution. Il s’agit de s’inscrire dans une dynamique de sortie des médicaments des circuits des marchés ­financiers. L’objectif est de leur donner un statut juridique de « biens inappropriables » par les intérêts privés, et de les reconnaître comme un bien commun.

Cet objectif ne peut être atteint qu’en ­remettant en question la soumission des médicaments au droit commun des brevets, qui restreint la diffusion et le partage des connaissances et la libre production de traitements pharmacologiques. La reconquête de la Sécurité sociale est cruciale pour pérenniser ce nouveau modèle de production, et aboutir à des services de santé plus inclusifs et égalitaires, mettant l’humain au centre.

Publié le vendredi 17 Juin 2022 dans l’Humanité des débats

Collectif

COLLECTIF MÉDICAMENT BIEN COMMUN

 

Relocaliser ne suffit pas. Chronique d’un gâchis pharmaceutique

Plus de dix milliards de doses de vaccin ont été inoculées en deux ans de pandémie. Parmi les dix sérums validés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), aucun n’a été conçu par le laboratoire Sanofi. Pour les salariés de l’entreprise, cet accident industriel apparaît d’autant plus douloureux qu’il était prévisible.

Tous les Français ont été comme moi traumatisés par cette affaire : c’est l’abaissement des moyens depuis trente ans sur l’innovation dans la recherche en santé qui a abouti à ce qu’on ne fasse pas de vaccin français… », reconnaissait M. Jean Castex lors d’un déplacement en Alsace, le 28 janvier dernier (1). « Ce n’est plus possible ! Il faut réinvestir massivement, poursuivait le premier ministre. On va créer une Agence de l’innovation en santé. Il faut réimplanter en France la fabrication. C’est aussi une question de souveraineté. »

Rompant avec les discours triomphalistes de l’entreprise ou du président de la République au début de la pandémie de Covid-19, ce constat amer rejoint celui des salariés de Sanofi, qui emploie plus de cent mille personnes, dont vingt-cinq mille en France. Ici, nombreux sont las des réorganisations successives, de la sous-traitance dans tous les domaines, mais aussi de l’absence de reconnaissance. Dans notre service de recherche et développement par exemple, beaucoup regrettent des décisions aberrantes, sans concertation, qui ne tiennent pas compte de leur expertise.

Fort de son image de numéro un mondial des vaccins pédiatriques et grippaux, Sanofi espérait jouer un rôle majeur dans la lutte contre le virus SRAS-CoV-2, en attirant en premier lieu les aides d’États aux abois face à la crise sanitaire. Dès le 18 février 2020, l’entreprise commence à collaborer avec les autorités américaines. Le 13 mai 2020, le Britannique Paul Hudson, directeur général du groupe depuis septembre 2019, déclare qu’il servira les États-Unis en premier, puisque Washington soutient ses recherches. Au pays de Pasteur et alors que les investisseurs institutionnels français détiennent encore 15 % du capital de l’entreprise, ces déclarations obligent le gouvernement à garantir qu’un libre accès du vaccin à tous « n’est pas négociable ». Le lendemain, M. Hudson s’adresse à l’Europe en expliquant que Sanofi « a besoin de partager les risques » pour produire les doses d’un éventuel vaccin… sans proposer la moindre contrepartie.

Durant l’été 2020, Sanofi, associé au britannique GlaxoSmithKline (GSK), signe des contrats successivement avec les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne. Selon les termes de ce dernier accord, les deux partenaires doivent livrer jusqu’à trois cents millions de doses en échange de fonds européens pour accompagner l’augmentation des capacités de recherche et de production de Sanofi sur le continent. Ce financement ne sera pas conditionné à une vente à bas prix ou à un partage de brevet pour les pays en développement.

À ce moment-là, l’entreprise a deux projets de vaccin. Les accords avec le gouvernement américain et l’Union européenne ne concernent que celui à base de protéines recombinantes produites dans des cellules d’insectes. GSK devait fournir l’adjuvant, c’est-à-dire une substance qui permet d’augmenter la réponse immunitaire du vaccin contre le virus. Ce sérum potentiel devait initialement entrer en essais cliniques de phase III sur l’homme au second semestre 2020 et, en cas de succès, être disponible début 2021, avec pour objectif la production d’un milliard de doses par an. « On se demandait avec quels moyens », nous confie un collègue de l’entité concernée.

« Je n’ose plus dire que je travaille chez Sanofi, alors qu’avant j’en étais fier »

Sanofi développe également un vaccin à ARN (acide ribonucléique) messager. Mais, après avoir investi 80 millions d’euros en 2019 dans BioNTech pour travailler sur l’immunothérapie du cancer, les négociations échouent sur le Covid-19, BioNTech s’alliant avec Pfizer. Le géant pharmaceutique doit se contenter d’un partenariat de moindre envergure avec Translate Bio. Les études de phase I, qui devaient contribuer à déterminer la dose recommandée, étaient alors attendues pour la fin 2020.

Depuis l’internationalisation du groupe au cours des deux dernières décennies, l’une des évolutions notables de « Sanofi Pasteur » — son entité vaccin — a été de se démarquer de l’universalisme de l’institut du même nom (Pasteur), en renonçant à la recherche de vaccins contre toutes les maladies infectieuses. « Sanofi Pasteur » ne s’intéresse plus qu’aux maladies lucratives. Et a même, pour certaines d’entre elles, préféré jeter l’éponge en interne pour se tourner vers un produit déjà en développement dans un autre laboratoire (comme avec le vaccin du sud-coréen SK Chemical pour la prévention des infections à pneumocoque, par exemple). Les experts internes se voient alors reclassés dans un autre domaine. Ainsi, un chercheur spécialiste des maladies cardio-vasculaires peut se retrouver à compiler les événements indésirables des traitements en oncologie pour ne pas être licencié.

Depuis une quinzaine d’années, Sanofi vit une restructuration permanente. Les exigences des marchés financiers conduisent à de nombreux sacrifices. Entre 2006 et 2018, l’entreprise a supprimé 3 565 postes, dont 2 814 consacrés à la recherche. Pourtant, depuis 2010, et grâce au dispositif mis en place par Mme Valérie Pécresse, alors ministre de la recherche, le groupe a reçu chaque année 150 millions d’euros de crédit impôt recherche, selon l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament.

Sur les conseils des consultants en stratégie du Boston Consulting Group (BCG), un plan de « sauvegarde de l’emploi » est à nouveau en préparation quand survient la pandémie. Des centaines de postes de recherche et développement sont dans le collimateur. Les consultants préconisent de se séparer de certains produits, sites et métiers pour se concentrer sur ceux qu’ils considèrent alors comme rentables. Dans cette logique, Sanofi avait déjà choisi lors de précédentes restructurations de se séparer de sa branche spécialisée dans les médicaments anti-infectieux (antibiotiques, antiviraux, antiparasitaires). Les présentations faites aux salariés en interne pour justifier les économies et la sous-traitance font souvent mention de chiffres et de comparaisons établis par le BCG.

Les plans « sociaux » successifs font partir régulièrement les salariés expérimentés sur la base du « volontariat », sans les remplacer et sans transferts de compétences. Ce fut notamment le cas lors de la fermeture, en 2003, du site de recherche et développement ou, en 2013, lors de celle du site de production à Romainville. Mille postes ont été supprimés en 2020 et 2021, et encore 364 suppressions sont prévues d’ici fin 2022. Les salariés, et leurs représentants, dénoncent le manque de moyens mis à disposition, ainsi que la politique de sous-traitance menée tous azimuts, bien souvent sans se donner le temps ni les moyens de la contrôler.

Alors qu’à la fin 2020 Pfizer et Moderna commencent la production commerciale de leurs sérums respectifs, le 11 décembre 2020, Sanofi et GSK annoncent les résultats décevants de leurs essais cliniques. Le laboratoire découvre, à la fin de l’essai de phase II, que son vaccin ne déclenche pas une réponse immunitaire suffisante, notamment chez les personnes âgées. « Pour gagner du temps, nous avons acheté un réactif auprès d’un centre de recherche, plutôt que de le développer nous-mêmes. Mais il n’a pas permis de bien évaluer la quantité d’antigènes présente dans les injections », avoue alors M. Olivier Bogillot, le directeur France du groupe (2).

« Une erreur de débutant », juge la virologue Marie-Paule Kieny. Les représentants des salariés s’indignent : « Le vaccin n’était pas assez concentré. Il était sous-dosé. Se tromper de technologie ou de cible, ça peut arriver. Mais là, nous avons utilisé une technologie que nous maîtrisons. Rater un dosage, c’est humiliant », explique M. Jean-Louis Peyren, coordinateur de la Confédération générale du travail (CGT). « L’erreur de débutant fut de ne pas contrôler le dosage du réactif. Nous avons sauté l’étape du contrôle », précise M. Matthieu Boutier, délégué syndical Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) (3). Les salariés se sentent alors bafoués et placés dans une situation qui leur échappe. « Je n’ose plus dire que je travaille chez Sanofi, alors qu’avant j’en étais fier », avoue un collègue. Aux demandes d’explication des élus du personnel, la direction ne donne aucune réponse sur la sous-traitance et les procédés de contrôle à la va-vite. Elle se contente de répéter que des erreurs peuvent arriver dans tout travail de recherche.

Durant l’été 2021, les résultats intermédiaires des essais du vaccin à ARN messager conçu avec Translate Bio — racheté pour 2,7 milliards d’euros en août 2021 par Sanofi — apparaissent positifs pour les phases I et II (sur un nombre limité de patients). Selon Sanofi, ils montrent une séroconversion, c’est-à-dire la fabrication d’anticorps, chez 91 à 100 % des participants deux semaines après la deuxième injection. En outre, aucun effet secondaire n’a été observé, et le profil de tolérance semble comparable à celui d’autres vaccins du même type, comme ceux de Pfizer-BioNTech et Moderna. L’étape suivante consiste normalement en un essai de phase III pour démontrer l’efficacité sur un nombre plus important de patients, dernière étape avant une autorisation de mise sur le marché.

Pour que l’entreprise rende des comptes aux contribuables des pays qui l’aident

Le 28 septembre 2021, Sanofi déclare cependant ne pas vouloir poursuivre : « Le besoin n’est pas de créer de nouveaux vaccins Covid-19 à ARN, mais d’équiper la France et l’Europe d’un arsenal de vaccins à ARN messager pour une prochaine pandémie, pour de nouvelles pathologies », explique M. Thomas Triomphe, vice-président de la branche, avant d’enfoncer le clou : « Il n’y a pas de besoin de santé publique d’avoir un autre vaccin ARN messager » (4). Ce faisant, il ne se préoccupe que des besoins des pays riches — ceux qui ont déjà vacciné la majeure partie de leur population — et écarte de sa définition de la santé publique les autres pays. On s’interroge en interne sur les raisons profondes de cette décision. Est-ce seulement parce que les parts de marché des pays « solvables » étaient déjà prises ?

Pendant ce temps, le retard s’accentue pour le vaccin principal, à protéines recombinantes. Des difficultés techniques surviennent, cette fois, dans la fabrication du matériel nécessaire aux essais cliniques, eux aussi sous-traités, alors que Sanofi possède des structures destinées à la réalisation de ces essais en interne. Depuis, le vaccin n’est plus considéré comme un vaccin de primo-vaccination et a été redirigé dans un rôle de rappel, qui demande moins d’essais cliniques.

Dans l’entreprise, des voix s’élèvent : les salariés, sous la pression des restructurations et de l’absurdité de certaines directives, montrent leur désapprobation et critiquent la stratégie du groupe au cours d’une enquête de satisfaction interne. Cette démarche s’avère risquée, car lors d’un discours à leur adresse, à la mi-janvier, M. Hudson profère des menaces à l’encontre des salariés ayant émis des critiques, qu’il présente comme des détracteurs : « J’ai eu l’impression qu’un tiers des salariés de l’entreprise est vraiment derrière ce que nous essayons de faire et voit la réalité des choses. Et environ un tiers ne veut vraiment pas faire de progrès. (…) Maintenant, nous ne pouvons pas garder toutes ces personnes. Au fil du temps, certaines partiront ou nous les aiderons à arriver à cette conclusion. »

En annonçant à la mi-février « un plan massif de réinvestissement de Sanofi en France parce qu’il faut repartir de l’avant », le premier ministre fait-il le bon diagnostic ? La logique de financiarisation et de satisfaction des seuls actionnaires a profondément abîmé un collectif aux compétences hors du commun. Il est temps que Sanofi rende des comptes à ses salariés et aux contribuables des pays où l’entreprise reçoit des aides, à commencer par la France.

Margot Dupont

Pseudonyme d’une cadre de Sanofi.

(1) France Bleu, 28 janvier 2022.

(2) Béatrice Mathieu, Stéphanie Benz et Emmanuel Botta, « Sanofi, un fiasco français », L’Express, Paris, 4 février 2021.

(3Lyon capitale, 26 février 2021.

(4) AFP, Paris, 28 septembre 2021.

7 avril : journée mondiale citoyenne de la santé

Appel

7 Avril 2022, Pour faire de « La Journée Mondiale de la Santé » « Notre Journée Mondiale Citoyenne de la Santé »

Les politiques publiques menées dans toute l’Europe dans le domaine de la santé et de la protection sociale, au nom d’une dette qui n’est pas la nôtre, ont conduit à une dégradation continue et désormais dramatique

– Suppressions massives de lits dans les hôpitaux, fermetures de services, de maternités, hôpitaux de proximité vidés de la plupart de leurs activités, désertification médicale, concentration des établissements sanitaires et sociaux, privatisation accrue, protocolisation de toutes les activités sanitaires et sociales dans le cadre d’une marchandisation du soin et du social, s’accompagnant d’une déshumanisation des relations usager-e-s-intervenant-e-s, dégradation majeure des conditions de travail des travailleuses et travailleurs de la Santé, du Social et du Médico-social menant à des départs massifs…

– Pratiques inadmissibles et dégradantes d’isolement et de contention qui se multiplient en psychiatrie mais aussi dans les EHPAD et dans d’autres secteurs de soins.

– Multiplication des franchises médicales, forfaits et depuis le 1er janvier 2021, forfait urgences qui pose de nouvelles barrières financières dans l’accès aux soins.

– Fragilisation extrême de l’hôpital public, de la santé et de l’action sociale révélée par la pandémie
– Affaiblissement de la sécurité sociale, menacée alors qu’elle a financé à des prix exorbitants les multinationales pharmaceutiques, sanitaires ou l’E-santé.

Nous, organisations signataires, refusons ces politiques contraires au bien-être de chacune et chacun, considérons la santé et l’action sociale comme une richesse, un investissement au service du bien commun et devant être une priorité des politiques publiques.

Nous exigeons

  • Un égal accès pour tou-te-s à la Santé, sans limitation de quelque sorte que ce soit, financière, géographique, culturelle, de genre, d’origine.
  • Un système de santé, un secteur médico-social et social public et associatif non lucratif, incluant les soins primaires, la prévention, l’information, l’accompagnement psychologique et social, le soin relationnel, la prise en charge de la perte d’autonomie, la lutte en amont contre les causes des maladies.
  • Un secteur hospitalier public assurant l’accès à des soins de qualité et de proximité. Des professionnel-le-s de la santé et du social qualifié-es, reconnu-e-s, et rémunéré-es en conséquence, en nombre suffisant, un recrutement à la hauteur des besoins co-évalués, une répartition équitable sur l’ensemble du territoire.
  • L’arrêt des politiques d’austérité et l’obtention de moyens humains, matériels et financiers à la hauteur des besoins.
  • En psychiatrie, de redonner les moyens de la politique de secteur publique dans le cadre de la psychothérapie institutionnelle.Nous refusons que les multinationales de la santé et de “l’or gris” fassent des profits indécents sur la santé, la maladie et la perte d’autonomie et concurrencent nos services publics. Nous nous opposons à la marchandisation et la privatisation de la santé dans toutes ces dimensions : pas de profit sur la santé, pas d’argent public pour des profits sur la santé !

    Nous demandons la levée de tous les brevets sur les médicaments, traitements, appareillages médicaux dans le cadre de la pandémie Covid 19 et de ses suites, afin que cela devienne des biens communs de l’humanité, alors que 40% des habitants de la planète n’ont encore eu accès à aucun vaccin et que se justifie toujours pleinement la signature de l’ICE www.noprofitonpandemic.eu/fr

    Nous voulons

  • Une protection sociale solidaire ouverte à toute la population, garante du financement des dépenses de santé, assurant une prise en charge des soins, de la perte d’autonomie et de la prévention à 100%.

Contre la résignation, la soumission ou la démission, nos organisations (syndicats, collectifs, comités de défense …) ont la responsabilité d’offrir une alternative afin qu’ensemble usagers, salariés, nous reprenions possession de notre bien commun, un système public de santé, d’action sociale et de protection sociale, plus juste, plus solidaire, satisfaisants les besoins de la population plutôt que le portefeuille des actionnaires.

Nous appelons citoyen-ne-s, usage-ère-s et professionnel-le-s, à exprimer ces exigences le jeudi 7 avril en participant massivement aux initiatives qui se tiendront ce jour-là.

A trois jours du premier tour des élections présidentielles françaises, alors que la France exerce la présidence de l’Union Européenne, il nous appartient de faire du 7 avril “Notre Journée Mondiale Citoyenne de la Santé” et rappeler à nos dirigeants que nous ne lâcherons rien !

page1image65897072 page1image65898528

Médicament, marchandise ou bien commun ?

Le Forum social du Morbihan a organisé un débat le dimanche 6 mars sur le thème du médicament bien commun où MBC était présent.  Le débat portait sur plusieurs points :  le processus de la découverte à la « mise sur le marché » d’un médicament, la réalité de l’industrie pharmaceutique et de la santé dans notre pays, l’outil que constitue le brevet dans l’exclusivité de commercialisation d’un médicament ou vaccin.

Le débat a permis d’amorcer quelques pistes pour sortir le médicament de la sphère marchande et en faire un bien commun à travers des expériences actuelles de mise en œuvre.

 Débat au Forum Social Local 56 (Morbihan), avec la participation de Thierry Bodin, Bernard Dubois, syndicalistes CGT Sanofi et Patrick Bodin, tous trois membres du collectif Médicament bien commun (MBC), Paul Robel médecin généraliste.

Écouter le débat

Entretien avec Vladimir Nieddu: Construction du concept de médicament bien commun. Quels rapports de forces ? Comment, avec qui ?

Entretien avec Vladimir Nieddu *

(*) Vladimir Nieddu a travaillé 42 ans dans les services techniques d’un hôpital psychiatrique. Il est membre et animateur de Mouvement Populaire Pour la santé People’s Health Movement (PHM France) : https://www.facebook.com/groups/2666278480145495/

A ce titre il participera à la campagne mondiale pour la levée des brevets en marge de la réunion de l’OMC à Genève les 29 et 30 novembre, avec 90 autres participants de PHM de différents pays. Il faut faire pression pour  la levée de tous les brevets sur les vaccins et traitements anti Covid-19, mais aussi remettre en question les traités commerciaux dans l’esprit « notre monde n’est pas à vendre ». L’eau, la nourriture, le travail, le logement, les systèmes de santé, … qui doivent être des biens communs.

Introduction

MBC: Comme on peut le lire dans notre manifeste “Pour une appropriation sociale du médicament” (www.medicament-bien-commun.org) notre groupe se mobilise autour de 2 thèmes majeurs : médicament bien commun et propriété intellectuelle (brevets).

Nous pensons que ces 2 thèmes sont étroitement liés  et voulons progresser dans la construction du concept de médicament bien commun, c’est à dire un accès pour tous, un prix juste, des effets indésirables contrôlés, des pénuries évitées, une utilité sociale des traitements, une place aux patients, …. .

Quel est ton avis sur cette approche ? Est-ce que People’s Health Movement, notamment au plan international, s’inscrit dans une approche similaire ? Quelle est la vision de PHM?

Vladimir: PHM a pris naissance dans les pays du Sud (Inde et Afrique du Sud) où se trouvent ses principaux sièges. La coordination mondiale est tournante : en 2022 elle se tiendra en Amérique latine.

Les accords d’Alma Ata fixaient comme objectifs une santé pour tous en l’an 2000. PHM s’est engagé pour supprimer la mortalité évitable ; les premiers combats ont été de faciliter l’accès aux vaccins et la lutte contre le HIV.

Bien sûr que la santé est un bien commun (BC), mais également tous les déterminants de la santé, incluant les médicaments, l’accès à l’alimentation, le logement, l’eau ; ce qui remet en question la propriété.

Construire des biens communs nécessite des rapports de forces de très haut niveau et une coordination internationale, une alliance de tous les systèmes de santé et de tous les autres secteurs. Et il faut avoir une stratégie à long terme.

MBC : Dans la construction du rapport de forces, on constate une résistance énorme. Les manifestations pour exiger des vaccins pour tous sont peu suivies. Quelques personnalités se sont engagées, mais c’est insuffisant. Comment fait-on pour rassembler plus ?

Comment progresser dans l’opinion publique et les mobilisations sur cet objectif ? N’est-on pas freiné par la dispersion des définitions suivant les organisations ou mouvements, la faiblesse de la réponse du politique sur le sujet, une mobilisation insuffisante ou le fait que le médicament est considéré encore majoritairement comme une marchandise, le doute que l’on puisse faire reculer les Big Pharma. 

Vladimir : Comment progresser dans l’opinion publique ? C’est un projet de long terme. Obtenir la levée des brevets sur les vaccins serait une avancée considérable. La société a changé depuis le début de la pandémie : il y a des fissures, les relations sont différentes dans ce monde multilatéral. L’hégémonie américaine est en train d’être taillée en pièces avec la montée de la puissance chinoise. Le monde devient multipolaire. Les réponses de la bourgeoisie se différencient sur le pacte budgétaire, sur les intérêts nationaux. Il y a une crise capitaliste.

Il faut   exploiter les divisions de l’adversaire qui donnent des espaces de lutte. Par exemple les divisions entre les différents fabricants de vaccins sont une brèche dans le secteur privé. Il faut sensibiliser la population à la question des biens communs. Il faut articuler le problème du médicament à ceux de la santé. Aujourd’hui les médicaments sont un moyen de piller la sécurité sociale ; c’est scandaleux.

La situation est particulière en France : les médecins sont très attachés à la médecine à l’acte et se mobilisent peu. Dans d’autres pays (Afrique du sud, Inde), les médecins sont au contraire moteurs. En Grande Bretagne, les médecins ont joué un rôle considérable à la COP 26.

Cependant on constate en France depuis 2019 une évolution  avec une convergence entre des jeunes médecins, des soignants, les syndicats et la population. Des initiatives se construisent, comme la mobilisation de la psychiatrie https://printempsdelapsychiatrie.org/, le 18 novembre, comme les manifestations pour la santé, l’hôpital public et les soignants le 4 décembre, dans le secteur social et médico-social partout en France le 7 décembre 2021, à l’appel des syndicats, des collectifs de défense des hôpitaux, des associations, … c’est nouveau et porteur d’avenir.

MBC : on peut être optimiste parce que l’adversaire se divise. C’est une brèche où s’engouffrer, notamment pour remettre en question la propriété intellectuelle.

MBC est sollicité pour une audition par la commission des lois de l’Assemblée Nationale pour une proposition de loi donnant un statut aux biens communs. C’est un moyen de marquer des points et de sensibiliser la population. Même si tous les membres de MBC ne partagent pas cet enthousiasme ou ne pensent pas que cette proposition de loi soit une avancée. Elle risque d’être rapidement enterrée, comme l’a été la proposition d’inscrire les biens communs dans la constitution. Par exemple l’Université du bien commun (UBC) est très attentive à l’avènement de ce statut juridique. Pour qu’il advienne, la société civile doit pousser très fort. https://www.universitebiencommun.org/

Le concept fondamental de la loi sur les biens communs est posé en terme politique. Il pourrait être repris dans les programmes de la campagne présidentielle, mais pour le moment la santé en est totalement absente.

Cette proposition de loi, travaillée avec les associations, permet de mettre sur la place publique le concept de biens communs et d’avoir des débats, des prises de position, notamment des associations.

En proposant une loi sur les biens communs, prend-on les choses dans le bon sens ? C’est un choix de société dont il est question pour sortir de la domination de l’argent.

C’est une période très à risque pour la santé. Le bilan va encore s’alourdir avec la pandémie. La mobilisation citoyenne n’est pas suffisante face aux Big Pharma.  Il faut faire progresser dans l’opinion l’idée que ces questions sont fondamentales, existentielles. On a besoin que ces questions traversent toutes les couches de la population. Parmi les plus précaires, la situation est subie, il n’y a pas de mobilisations.

Les médecins ne bougeront pas si les mobilisations ne sont qu’à l’appel des syndicats. Il faut rester attentif à ce qui bouge, comme le fait que FO ait échoué à exclure les collectifs et associations de la mobilisation du 4 décembre. Une convergence a pris corps, qui est peut être une étape pour une prise de conscience citoyenne. Même si les gens se sont repliés sur eux-mêmes, les propositions de mobilisations comme celle du 4 décembre sont utiles.

La Santé doit devenir un dénominateur commun, qui permettrait de faire basculer le reste. Il faut construire en élargissant.  On a la possibilité d’avancer. La santé est passée du 7ème   au 3ème  rang des préoccupations des français. La fébrilité des gens au pouvoir indique qu’ils sont en difficulté.

Vladimir : Il ne faut pas opposer le débat législatif et les mobilisations. Tout est utile pour avancer.

Il faut s’appuyer sur les déterminants de la santé, globaliser les choses, et relier les problèmes (brevets – faim dans le monde par exemple) entre eux plutôt que les cloisonner.

Donner un objectif mondial à long terme (50 ans). Par exemple le besoin d’une protection sociale, c’est un bien commun sans frontière, un objectif de très long terme. L’idéal serait une sécurité sociale globale qui intègre tout le système de santé, incluant le système assurantiel, pour une santé démocratique sous contrôle populaire. A partir du global, il faut donner des objectifs locaux.

Ce qui est essentiel pour les communs, c’est une valeur juridique, une utilité sociale reconnue, impliquant une participation importante de la population. La réponse aux besoins, la démocratie, l’universalité, l’accès…

On observe beaucoup de mobilisations concernant la santé dans d’autres pays en Europe: Suisse, Italie, Grande Bretagne, Espagne, pays de l’est (en Pologne plusieurs dizaines de milliers de manifestants, du jamais vu depuis 1979)

En France, il faut relier notre discours sur la santé au discours général, désigner l’adversaire et faire savoir ce qui se passe. E. Macron est le verrou à faire sauter; c’est lui qui tient avec l’Allemagne le maintien des brevets, d’autant qu’il sera président de l’UE de janvier à juin 2022.

Il faut construire un agenda : une conférence européenne avant juin, un 8 mars 2022 très fort ainsi que le 7 avril 2022, journée mondiale de la santé. Des échéances sur le terrain social incluant des grèves en santé dans toute l’UE. Tout faire pour que la question santé devienne centrale. C’est à préparer dès maintenant.

Dans la discussion à l’OMC sur la levée des brevets, il existe une volonté de trouver une monnaie d’échange, mais pas celle de modifier les échanges inégaux entre pays riches et pays pauvres. A l’OMC, tout est lié. PHM n’est pas seulement là pour les vaccins mais veut élargir son champ d’intervention à l’alimentation, et  aussi au numérique. Pour PHM, il est nécessaire de supprimer l’OMC.

MBC : l’OMC peut faire pression sur l’industrie pharmaceutique pour la levée des brevets uniquement pour que l’économie reparte.

Les multinationales peuvent faire semblant de céder en mettant en avant les Medicine Patents Pools,https://medicinespatentpool.org/fr qui leur permettent de rester propriétaires des brevets tout en laissant croire qu’elles les partagent. En échange elles vont demander à ce que les « intrants » circulent plus facilement. Autrement dit obtenir une baisse des prix, ce qui serait préjudiciable pour les fournisseurs de ces intrants, bien souvent les pays pauvres. Les industries du médicament veulent sauvegarder leur image de marque, conscientes qu’au procès de Pretoria, ce n’est pas d’avoir cédé sur les licences d’office  qui leur a fait mal, mais d’avoir, par leur comportement, terni leur image de marque.

Vladimir : Rendre compte de la situation, c’est aussi rendre compte des divergences au sein du système capitaliste actuel. La concurrence inter-capitaliste entre les industries de production entraîne des divisions qui constituent des « trous de souris » pour nos luttes.

MBC : Comment verrais-tu une rencontre avec la participation de plusieurs groupements, mouvements ou personnalités mobilisées ou en réflexion sur le sujet ?

Vladimir : je vois trois objectifs

– Très vite rédiger un très court document adressé à E. Macron, Il est nécessaire de le cibler sur les responsabilités criminelles du gouvernement français en refusant la levée des brevets à la réunion de l’OMC.

– Faire en sorte que la mobilisation du 30 novembre soit un succès.

– Mettre en œuvre une stratégie tout de suite après la réunion de l’OMC, au niveau international, pour que la santé soit au premier plan des préoccupations.

– Articuler national/international avec une grève générale européenne autour de la privatisation de la santé le 7 avril 2022. Cette date (3 jours avant la présidentielle) doit devenir une référence de mobilisation contre la privatisation de la santé.

La santé touche tout le monde, c’est une question transversale dont il faut faire une bataille centrale. Se saisir de la situation de la pandémie pour sensibiliser les citoyens en faisant des assemblées populaires sur la santé partout (ce qui a été fait en Inde), en restant au plus près des populations, et dans l’unité.

Anecdote : Le texte syndical et du mouvement associatif “plus jamais ça” https://plus-jamais.org/ en réponse à la pandémie avait « oublié »  les questions de santé ; ils ont réécrit un  nouveau texte  les intégrant.

Il se pourrait que nous ayons une avancée soudaine. Comme en Tunisie, avec l’ampleur des mobilisations, la prise du pouvoir par le président (issu du mouvement social). Ou au Brésil, avec une brusque mobilisation début septembre, avec des millions de personnes dans la rue et dé-légitimation de Bolsonaro.

La pandémie est à l’origine de crises sanitaires et sociales qui poussent à de fortes mobilisations.

MBC : La couverture médiatique est faible sur les initiatives citoyennes, ce qui freine l’effet boule de neige nécessaire. Les réseaux sociaux prennent le relais sur les mouvements sociaux. Les assemblées populaires permettraient de contrecarrer la faible diffusion de l’information.

La santé est vraiment dans toutes les têtes (hôpital public, manque de médecins..). Il faut fédérer tous les acteurs.

La santé est un problème central et avec la volonté du gouvernement d’étatiser la Sécurité sociale c’est un moment historique où tout ce qui tourne autour de la santé se fédère, ce qui peut constituer un cocktail explosif qui peut nous surprendre. Le sujet est brûlant.

Vladimir : Pour devenir membre de PHM, il suffit d’approuver la charte – possibilité de suivre des formations sur la santé. PHM est en capacité de mettre MBC en contact avec des chercheurs, activistes du monde entier sur ces questions. Il est possible de suivre des visios avec des internationaux (Afrique du Sud, Inde).

Il tiendra MBC informés de la suite des activités de PHM.

Entretien réalisé le 17 novembre 2021

 

 

Protection et statut juridique des biens communs

Le député Pierre Dharréville (Groupe Démocrate et Républicain) a présenté le 1er décembre 2021 devant la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, deux propositions de lois, l’une pour une protection des biens communs (N°4576 dossier législatif ), l’autre créant un statut juridique des biens communs (N°4590 dossier législatif). Dans son rapport rendant compte du contenu des auditions, P. Dharréville souligne en introduction des débats en commission : « Humain, on ne l’est pas seul, pris chacune, chacun, isolément. On le devient chacun, chacune, singulièrement, par ce qui nous est commun. Sans conscience de ce commun, l’humanité́ court à sa perte. Poser la question « qu’avons-nous en commun ? », c’est à la fois reconnaitre l’individu et le collectif, c’est parler le langage du partage, s’intéresser à l’avenir. »

Malgré la robustesse du dossier et les avancées sur le sujet soulignées par les nombreuses personnalités auditionnées, les groupes LREM, LR, Démocrates, Agir Ensemble, ont majoritairement rejeté ces deux propositions de lois (seuls les groupes de la gauche GDR, PS et LFI les ont approuvées). Celles-ci n’ont donc pas été examinées en séance de l’Assemblée.

Pourtant les enjeux ont été largement éclairés par toutes les personnes entendues. Le collectif « Médicament bien commun » a été auditionné. Cela lui a permis de réaffirmer qu’un bien est commun parce qu’il est lié à un droit fondamental. Nous avons montré que le médicament peut prétendre au statut de bien commun (c’est à dire un accès pour tous, au prix juste, des effets indésirables contrôlés, des pénuries évitées, une utilité́ sociale des traitements, une place aux patients), parce que la santé est un droit fondamental. La recherche médicale, les médicaments, contribuent à l’effectivité de ce droit fondamental. Le commun pose par nature la question des finalités là où règne l’utilitarisme capitaliste.

Ainsi le droit d’usage doit primer sur le droit de propriété, dans le cadre d’une auto-organisation démocratique des usagers, avec une mise en commun des connaissances, le partage des découvertes et technologies, l’organisation d’une production en fonction des besoins, de prévention et de traitement, selon les principes d’égalité d’accès.

  • Protéger les connaissances et savoirs scientifiques

La recherche génère des connaissances et des savoir-faire qui appartiennent à l’humanité́. Ce sont des biens communs qui devraient être protégés de la privatisation. Leur appropriation s’est faite en leur donnant un titre de propriété́, par le biais de la propriété́ intellectuelle (PI). Le brevet, est un titre de propriété́ qui confère à son détenteur les droits d’un propriétaire, notamment celui d’exclure tous ceux qui ne détiennent pas ce sésame. Le brevet joue le même rôle que les enclosures qui empêchent la population d’avoir accès à une ressource naturelle par exemple comme le bois dans une forêt privatisée. De fait, par l’imposition des droits des brevets, l’humanité́ se voit exclue d’un accès aux savoirs et aux technologies scientifiques.

Considérer les connaissances comme des biens communs permettrait de remettre en cause les droits de propretés intellectuelles (DPI), pour les remplacer par exemple par des licences mises en commun (Creative Commons) favorisant l’échange et le partage. La recherche cesserait alors d’être assimilée à un marché́ (marché des idées).

  • Protéger le vivant

Dans un but avoué d’améliorer les thérapeutiques des maladies rares et des cancers, un programme de séquençage du génome humain à grande échelle a été lancé en 2016/2017, appelé́ France Médecine Génomique 25. L’idée derrière est d’avoir à terme la possibilité́ de séquencer le génome de toute la population, dès que les coûts du séquençage le permettront.

Le séquençage du génome permettra entre autres, d’identifier des marqueurs génétiques, prédictifs d’une maladie et donc pouvant servir à améliorer le diagnostic. Les entreprises qui mettront au point une méthode de diagnostic à partir de ces marqueurs voudront déposer des brevets, portant sur le vivant. Il y a des précédents de dépôts de brevets sur des gènes, exemple avec BRCA1 et BRCA2, gènes associés au cancer du sein. Mais à la suite de ce programme de séquençage, les demandes de brevets sur le vivant risquent de considérablement s’intensifier. Il apparait urgent de pouvoir résister à cet accaparement du vivant. Imposer l’approche de « communs » ou de « biens communs » pourrait aider.

  • Protéger les données de santé des patients

Une Plateforme des données de santé (PDS), également appelée « Health Data Hub » (HDH), a été créée par arrêté́ du 29 novembre 2019 (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000039433105/) pour faciliter le partage des données de santé, issues de sources très variées afin de favoriser la recherche clinique.

Des plateformes d’innovation et de santé numérique privées ou associatives souhaitent avoir accès à ces données pour participer au déploiement de l’e-santé́, qui serait essentielle pour répondre aux nombreux défis auxquels le système de santé fait face. Ces données de santé sont revendiquées dans un rapport de l’Institut Montaigne (https://www.institutmontaigne.org/ressources/pdfs/publications/e-sante-augmentons-la- dose-rapport.pdf) comme des biens communs précieux pour leur potentiel de « création de valeur » estimé entre 16 et 22 milliards d’euros annuels. C’est un cas typique de captation de valeur par le privé, qui donne raison à Benjamin Coriat lorsqu’il affirme « Les communs ne peuvent exister que sur la base d’un cadre légal qui empêche leur prédation ».

Par ailleurs ces bases de données concernant la santé des personnes, représentent des enjeux éthiques considérables, notamment dans le domaine du droit à la vie privée. Là encore il apparait urgent qu’un contrôle par les citoyens de l’usage de ces données soit rendu possible et que la notion des biens communs ne soit pas détournée au profit d’intérêts privés.

Créer un statut juridique des biens communs

L’appropriation mondiale des médicaments a été rendue possible par la légitimation du droit international du brevet, obtenue lors des accords de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), les fameux ADPIC ou TRIPS (Accord sur les aspects des droits de propriété́ intellectuelle qui touchent au commerce), négociés en 1994 à Marrakech. De cette appropriation découle l’exclusivité́ de l’exploitation commerciale lucrative des innovations pour une période de 20 ans. En découle aussi la situation de monopole des industries de la santé sur le marché́ du médicament.

La pandémie Covid-19 et l’accès aux vaccins a soudain fait prendre conscience que le brevet est un frein majeur à une distribution mondialement équitable des doses vaccinales. Le modèle économique reposant sur les brevets ne répond pas aux besoins en santé de la population et induit de fortes inégalités. Nous constatons qu’à ce jour plus de la moitié de la population mondiale n’a pas accès à la vaccination. Ce qui s’est illustré avec les vaccins et traitements contre le Covid-19, existe également pour l’ensemble des soins. Deux milliards d’êtres humains n’ont pas accès aux soins de santé de base, parce que ceux- ci sont trop coûteux.

Les médicaments, les vaccins ne peuvent pas être la propriété́ absolue des industries pharmaceutiques. Le régime de la propriété́ doit être remis en question. Le concept du commun ou de biens communs, est proposé́ comme une alternative à la propriété́ exclusive, qu’elle soit privée ou le fait d’une administration publique.

Ce qui ne peut être réalisable que si ce statut de bien commun est reconnu juridiquement

L’idée est de créer une catégorie juridique de biens « inappropriables » par les intérêts privés, d’appartenance collective, placés en dehors du marché́, du profit et de la concurrence, dont le contrôle, la gestion, la possession, relèvent de la collectivité́ dans son ensemble et non d’une structure administrative telle que l’État, et garantissant l’usage de tous (selon le droit des gens), selon des modalités établies démocratiquement.

Des expérimentations de partage des innovations et technologies dans le domaine de la recherche médicale, existent d’ores et déjà̀. On peut citer :

  • Les recherches menées par Jonas Salk, découvreur du vaccin contre la polio qui a refusé́ de breveter sa découverte afin qu’elle puisse être accessible à l’ensemble de la population ;
  • Le Global Initiative on Sharing Avian Influenza Data (GISAID) créé́ par un groupe de chercheurs de renommée mondiale en 2006, pour favoriser le partage des données sur la grippe aviaire, et maintenant impliqué dans la collecte de données sur SARS-CoV-2 ;
  • Le Covid-19 Technology Access Pool (C-TAP), initiative du Costa Rica, prise en mai 2020, consistant à mettre en commun (pool) les données et connaissances produites par les recherches sur le Covid-19, de façon à les partager et à les rendre accessibles à l’ensemble de la communauté scientifique mondiale.

Il existe des bases de données en libre accès, telle que la GenBank qui est une base de données de séquences d’ADN, créée au Centre américain pour les informations biotechnologiques (NCBI) dans le cadre de la collaboration internationale sur le séquençage des nucléotides. Mais également des productions de médicaments par des structures publiques. En France, l’APHP développe et produit des médicaments orphelins contre les maladies rares ou prend en charge des productions arrêtées par le secteur privé. Aux États-Unis, le laboratoire de production de médicaments génériques Civica a été monté par une association à but non lucratif regroupant 1000 hôpitaux.

L’exemple le plus emblématique de bien commun, qui a prouvé son efficacité depuis 76 ans et au combien dans cette crise Covid, est celui de la Sécurité́ sociale. Institution conçue par le Conseil National de la Résistance, avant son étatisation, le Sécurité sociale est aujourd’hui gravement menacée par une volonté́ ancienne et tenace de privatiser la santé et soumise à de continuelles contre-réformes. Sa reconquête par les citoyens, sur la base de ses fondamentaux, est cruciale pour le maintien d’une protection sociale solidaire.

“Nous sommes parvenus au terme d’une grande offensive, que certains appellent néolibérale, et que je nommerais plutôt l’offensive du capitalisme absolu, qui tend à la privatisation absolue de tous les rapports sociaux et à la destruction des espaces collectifs”. Jacques Rancière : « La transformation d’une jeunesse en deuil en jeunesse en lutte » ; entretien mené par Joseph Confravreux pour Médiapart, 30 avril 2016

Médicament bien commun

Vaccins anti-covid: échec du dispositif COVAX ?

La pandémie de Covid-19 ne connaît pas de frontières. Si la communauté internationale veut l’éradiquer, il faut qu’elle garantisse l’accès équitable aux vaccins et traitements pour tous les pays, quel que soit leur degré de développement. Le système international COVAX, codirigé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’alliance vaccinale GAVI[1] et la coalition CEPI[2], doit permettre de vacciner 27% de la population des 92 pays les plus pauvres, d’ici la fin de l’année, grâce à des fonds donateurs (objectif annoncé 2 milliards de doses). Sachant que ces pays cumulent à eux seuls 3 milliards d’habitants.

En Janvier 2021, l’OMS appelle les pays à cesser les « accords bilatéraux » avec les laboratoires, au nom de la solidarité vaccinale internationale. Son directeur général Tédros Adhamon Ghebreyesus, fustige « le nationalisme vaccinal (qui) nuit à tout le monde », alors qu’au même moment, le Canada signe un accord avec GSK et Sanofi pour 72 millions de doses, en plus de ses contrats avec les laboratoires américains. Dans les pays industrialisés, le nationalisme vaccinal a principalement dominé, à l’instar des États-Unis qui ont débloqué dès 2020 plus de 9 milliards de dollars pour la R&D et les précommandes de centaines de millions de doses de vaccins.

L’Union Européenne a lancé en juin 2020 sa stratégie de coalition prenant appui sur l’Inclusive Vaccines Alliance, créée par la France, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas. Cette alliance se traduit par des contrats d’achats anticipés avec les principaux laboratoires pour un total de 2,3 milliards de doses, réparties entre les États membres au prorata de leur population. Mais ces accords, conclus dans la plus grande opacité, n’ont pas évité une véritable guerre commerciale des prix dont les États (les systèmes de protection sociale) ont payé les frais et la contrainte d’endosser les risques d’indemnisation en cas de plaintes ultérieures des patients sur les effets secondaires.  En déc. 2020, les prix divulgués allaient de 1,78 € l’unité AstraZeneca, 6,93€ pour Johnson &Johnson, 7,56 pour Sanofi/GSK, 12 pour Pfizer-Bio-NTech,14,68 pour Moderna. Ce modèle d’alliance ne solutionne pas la question de l’approvisionnement, car ces seuls laboratoires ne pourront pas produire pour tous les pays de l’UE, encore moins pour le monde entier. C’est pourquoi le dispositif Covax a négocié avec les laboratoires le rachat des licences d’exploitation pour la production des vaccins.

En février 2021, plus de 200 millions de doses ont été administrées dans le monde, mais 45% de celles-ci dans les pays du G7. Joe Biden promet 4 milliards de dollars pour le programme Covax (la Fondation Bill & Melinda Gates 1,6 milliards) et la France a doublé sa contribution à 1 milliard d’euros. Fin mai, Covax avait livré 77 millions de doses dans 127 pays et territoires. Bien moins que prévu. A la fin juin, il lui en manquera 190 millions, avaient averti ses organisateurs. D’où le nouvel appel de l’OMS aux laboratoires, en juin, pour qu’ils partagent 50% de leurs doses avec Covax.

Un an après, où en sommes-nous ?

Durement touchée par la seconde vague, l’Afrique du Sud ne reçoit ses premières doses qu’en février 2021. Dès le mois de juin, alors que l’Afrique devait affronter la 3ième vague, les livraisons étaient quasiment à l’arrêt ! Il en est de même pour les Philippines, l’Algérie, le Pérou, l’Argentine, le Brésil, qui lancent leur campagne de vaccination au printemps, mais avec le vaccin chinois Sinopharm. Dans les Balkans, la campagne de vaccination prend des tournures géopolitiques. La Serbie affiche le deuxième meilleur taux de vaccination alors que ses voisins s’impatientent. Plus de 70 millions de doses ont été promises aux six États des Balkans et à leurs 20 millions d’habitants, mais rien ou presque n’était encore arrivé au mois de juillet. Échec de la solidarité européenne, qui a ouvert une voie royale à la Chine pour s’imposer avec la disponibilité de son vaccin.

Les Palestiniens reçoivent leurs premières livraisons de vaccins en mars (Israël a refusé l’entrée des vaccins à Gaza). La Tanzanie n’a démarré sa campagne de vaccination qu’en juillet. Ce même mois, la France envoyait en catastrophe un million de doses en Tunisie alors durement frappée. Le Venezuela a été obligé d’engager un bras de fer avec les laboratoires et ne sera livré qu’en ce mois de septembre. La situation du Vietnam est catastrophique…Alors que fin Août, comme l’a annoncé la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, 70% des adultes de l’UE sont vaccinés.

Les limites du dispositif Covax tient aussi au fait de la non-transparence des contrats. Pour les ONG, Covax ne devrait pas s’appuyer sur des clauses de confidentialité, mais « rendre publics tous ses contrats afin de faciliter la responsabilisation des acteurs dans l’utilisation des dépenses publiques », « de rendre les vaccins rapidement disponibles et financièrement abordables pour tous ». Mais aussi parce que le transfert des risques financiers des entreprises vers les puissances publiques s’est fait sans exiger en contrepartie un partage des technologies, véritable garantie d’un accès équitable à tous les pays du monde. Les faiblesses de Covax ont poussé aux stratégies nationalistes. Ces politiques ont conduit l’Inde, gravement touchée mais premier pays producteur de vaccins, a autorisé en urgence le vaccin développé par la société pharmaceutique Bharat Biotech et le Conseil indien de la recherche médicale, la campagne de vaccination servant d’essais cliniques de phase III. Le Canada a commandé ou placé des options sur plus de 400 millions de doses pour une population de 38 millions d’habitants !

Le verrou des brevets : beaucoup de temps perdu !

L’Union européenne, première contributrice d’aide au développement, a les moyens de rendre équitable l’accès aux vaccins, en soutenant la proposition de l’Afrique du Sud et de l’Inde, ainsi que de plus de 150 ONG, d’obtenir à l’OMC une dérogation aux droits de propriété intellectuel, sur les vaccins et traitements anti-Covid, y compris le matériel tel les masques et ventilateurs, se traduisant par la levée des brevets et le partage des technologies. Ce qui donnerait aux pays en développement le droit de collaborer à la recherche ainsi que de fabriquer par eux-mêmes les vaccins et traitements à des coûts accessibles. Au lieu d’entamer un processus long et aléatoire de licences obligatoires par brevet et par État. L’UE a préféré se ranger derrière les exigences des multinationales pharmaceutiques, en sabordant le sommet de l’OMC du 4 Juin dernier, se retranchant derrière les licences obligatoires ! Contradiction de la période, l’initiative de l’Afrique du Sud et de l’Inde a trouvé le soutien en mai 2021 des États-Unis, de la Chine et de la Russie.

En mai 2021, au sommet sur les économies africaines organisé à Paris sous la présidence d’Emmanuel Macron, les pays africains, européens et autres continents ainsi que les organisations internationales présentes, ont renouvelé leur demande de d’une levée des brevets sur les vaccins, afin de permettre leur production en Afrique. Étrange discrétion du gouvernement français sur ce sommet qui a pourtant réuni les dirigeants ou représentants d’une vingtaine de pays africains, plusieurs pays européens, de Chine, des États-Unis, du Japon, du Canada et des États du Golfe, de l’ONU mais aussi du FMI et de la Banque mondiale. Le président français a informé la presse que les participants avaient décidé une « initiative très forte pour produire massivement des vaccins en Afrique et donc de développer, par des partenariats de financement et industriels, une capacité à produire en Afrique des vaccins de type adénovirus, protéines recombinée et ARN messager, dans les prochaines semaines. » A l’issue de la conférence, il a déclaré : « Nous soutenons les transferts de technologie et un travail qui a été demandé à l’OMS, l’OMC et au Medicines Patent Pool (soutenue par l’ONU, NDLR) de lever toutes les contraintes en termes de propriété intellectuelle qui bloquent la production de quelque type de vaccins que ce soit ». Tergiversations, double langage depuis plus d’un an. Il n’y a toujours pas de décision dans ce sens de ces mêmes dirigeants à l’OMC.

L’OMS s’est positionnée en faveur de cette dérogation des droits de propriété intellectuelle sur les vaccins. Les ONG et militants de l’accès aux médicaments pour tous (comme l’initiative citoyenne européenne No Profit on Pandemic), qui soutiennent cette demande depuis le début de la pandémie, ne sont toujours pas entendus. L’OMC est donc toujours sous la domination des Big Pharma. En mars 2021, sa nouvelle cheffe Ngozi Okonjo-Iweala, a appelé les fabricants de vaccins à accélérer la production dans les pays en développement, via des accords de licences. On mesure aujourd’hui avec quel succès !

Les inégalités d’accès aux vaccins et traitements anti-covid demeurent béantes en dépit de la croissance de la production, encore très insuffisante. Seul le partage des technologies permettrait de construire une nouvelle carte de la production pour répondre aux besoins de protection des populations. Mettre un bien commun sous la responsabilité de quelques entreprises et d’un nombre réduit d’États, est un non-sens, illusoire et dangereux. Les impératifs et l’efficacité d’une politique de santé publique mondiale, pour endiguer la pandémie y compris contre l’émergence de nouveaux variants, implique de rendre disponibles et accessibles les vaccins pour la population mondiale. L’OMS a déjà créé des plateformes de mutualisation des technologies à ARN qui pourraient par conséquent fonctionner à plein en cas de levée des brevets sur les vaccins. Ce n’est pas une question de dons et de philanthropie mais de décision politique à dimension universelle pour l’humanité entière.

« Le conseil des Adpic de l’OMC se réunit les 13 et 14 octobre à Genève. Le G20 se réunit à Rome les 30 et 31 octobre. Un appel à faire de ces dates des moments de mobilisation pour faire monter l’exigence de la levée des brevets, des transferts de technologie, pour une vaccination universelle, immédiate et gratuite, bâtie avec les populations, notamment les plus précaires, associé à des investissements massifs dans les systèmes de santé publique, et la promotion des gestes barrières. »  

[1] GAVI : Organisation internationale basée sur un partenariat public-privé créée en 2000 qui « aide à vacciner près de la moitié des enfants du monde contre les maladies infectieuses mortelles et invalidantes »

[2] CEPI (Coalition For Epidemic Preparedness Innovations) est un partenariat mondial entre des organisations publiques, privées, philanthropiques et la société civile lancé à Davos en 2017 de développement de vaccins pour arrêter de futures épidémies.