Covid-19 Une mine d’or pour les laboratoires

La France s’est révélée incapable de dépister massivement les malades du Covid-19, révélant la dépendance de la santé publique vis-à-vis des laboratoires privés.

par Quentin Ravelli (*)

Article publié dans le Monde diplomatique Avril 2020

Les crises économiques sont aussi sélectives que les épidémies : à la mi-mars, alors que les Bourses s’effondraient, l’action du laboratoire pharmaceutique Gilead grimpait de 20 % après l’annonce des essais cliniques du remdesivir contre le Covid-19. Celle d’Inovio Pharmaceuticals gonflait de 200 %, à la suite de l’annonce d’un vaccin expérimental, INO-4800. Celle d’Alpha Pro Tech, fabricant de masques de protection, bondissait de 232 %. Quant à l’action de Co-Diagnostics, elle flambait de plus de 1 370 % grâce à son kit de diagnostic moléculaire du coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS- CoV-2), responsable de la pandémie de Covid-19.

Comment expliquer qu’au cœur de la tourmente il soit ainsi possible de s’enrichir alors même qu’il manque des masques de protection, y compris pour les médecins et les personnels soignants, et que les tests de dépistage restent inaccessibles au plus grand nombre après trois mois d’épidémie ? Pourquoi ces tests sont-ils au cœur du débat mondial, de la Corée du Sud aux États-Unis, en passant par l’Allemagne, l’Australie et la Lombardie, mais restent soigneusement évités en France, où le directeur général de la santé, M. Jérôme Salomon, n’envisage leur usage massif qu’« à la sortie du confinement » ? Contrairement aux annonces gouvernementales, loin d’être une guerre contre un virus dont la seule arme serait la quarantaine, la bataille concerne notre propre organisation économique et sociale. C’est une crise de notre politique de santé, de recherche et de production, où l’industrie pharmaceutique joue une place centrale, mais soigneusement maintenue à distance du débat public.

Depuis quelques semaines, la pandémie du coronavirus révèle les failles d’un modèle social fondé sur l’idée de la rentabilité économique de la santé, justifiant des baisses budgétaires toujours plus contraignantes pour le personnel et les patients. En France, avec la saturation des salles de réanimation et des services des urgences, déjà en lutte depuis des mois dans le collectif Inter-Urgences pour demander plus de moyens, les soignants doivent faire des choix dramatiques entre les soins vitaux, dont la liste se réduit, et ceux qu’on sacrifie, toujours plus nombreux. Dans certains cas, comme en Alsace, cela revient déjà à se demander qui il faut maintenir en vie et qui on peut laisser mourir. Mais comment expliquer que, le 22 mars dernier, on comptait déjà 271 morts dans le Grand-Est alors qu’à deux pas de là, de l’autre côté du Rhin, dans le Bade-Wurtemberg, où la population est deux fois plus nombreuse et l’épidémie plus précoce, il y en avait seulement 23, soit plus de dix fois moins ?

L’une des réponses à cette question se trouve dans la place très politique que joue l’industrie pharmaceutique dans nos systèmes de santé. C’est elle qui produit les outils permettant de dépister le virus, de nous vacciner contre lui ou de le traiter. Si la France en manque cruellement, les kits de dépistage — dont la technologie par réaction de polymérase en chaîne (PCR) identifie le virus en amplifiant son ADN — sont pourtant simples à fabriquer. De nombreuses entreprises se sont lancées sur ce marché colossal, qui vient de surgir comme un geyser : Abbott, Qiagen, Quest Diagnostics, Thermo Fisher, Roche, BioMérieux… La technique est peu coûteuse — de l’ordre de 12 euros pour un kit vendu 112 euros en France, dont 54 euros à la charge des patients. Mais elle peut faire l’objet d’accords tarifaires prohibitifs dans un contexte de monopolisation du marché entre quelques grandes entreprises, comme Abbott ou Roche, qui vendent aux laboratoires de quartier des plates-formes technologiques hors de prix (1).

Orienter les recherches à partir d’une vision générale de la science, de la médecine, de l’écologie

Même avec ces limitations économiques, comment expliquer que la France ait effectué, au 20 mars, près de deux fois moins de tests par million d’habitants que l’Iran ou l’Autriche ? Qu’avec moins de 40 000 tests pratiqués à cette date elle soit loin derrière les 316 644 de la Corée du Sud, les 167 000 de l’Allemagne, les 143 619 de la Russie ou les 113 615 de l’Australie (2) ? En Corée du Sud, on peut être testé dans sa voiture ou dans des cabines vitrées où les praticiens font les prélèvements avec des gants en caoutchouc. Le dépistage systématique, accompagné d’un suivi de chaque personne contaminée, permet de briser les chaînes de transmission en isolant ceux qui sont malades et pas les autres. En conséquence, les mesures de confinement sont bien moins restrictives, le taux de mortalité des patients positifs est plus bas et, surtout, le nombre de morts bien moins élevé qu’en France, malgré la proximité du foyer infectieux chinois.

Si le dépistage est bien l’un des angles morts de la lutte française contre l’épidémie, il y a aussi un autre angle mort à l’intérieur de celui-ci : la pénurie des réactifs, ces composants chimiques essentiels au dépistage, qui attestent la présence du virus. De ces molécules on ne sait presque rien : ni d’où elles viennent, ni à quoi elles servent, ni combien elles coûtent vraiment. Pourquoi ne pas lever tout secret industriel, tout secret commercial et tout brevet sur la composition de ces réactifs si précieux pour la santé de milliards d’êtres humains, et faire connaître au public l’origine de leurs matières premières, comme les voies de leur fabrication ?

Outre le dépistage, la deuxième arme essentielle dans cette guerre est celle du médicament qui permettrait de guérir du Covid-19. Selon une annonce du gouvernement chinois, le favipiravir — le principe actif de l’antigrippal Avigan, produit par l’entreprise japonaise Fujifilm — donnerait de « très bons résultats » contre le virus en réduisant la durée de guérison. Un autre candidat, le Kevzara, un anticorps monoclonal inhibiteur des récepteurs de l’interleukine 6, indiqué contre la polyarthrite rhumatoïde, évalué en partenariat entre Sanofi et Regeneron, pourrait réduire la réaction pulmonaire inflammatoire du virus chez les patients sévèrement touchés par le Covid-19. Ces reconversions de molécules dans l’urgence témoignent d’une absence de planification des problèmes de santé et d’une fébrilité opportuniste en lieu et place d’une politique industrielle.

On pourrait se dire qu’il est par définition impossible de prédire une pandémie et que la recherche est condamnée à être prise au dépourvu. Cet argument ne tient pas : à défaut de prédire, on peut prévoir, orienter les recherches à partir d’une vision générale de la science, de la médecine, de l’écologie. De telles recherches ne peuvent pas se conduire à court terme, avec des impératifs de profit. Elles se mènent au long cours en fonction des besoins réels de la population. Or ces besoins ne correspondent structurellement pas aux marchés solvables : 85 % des médicaments sont consommés dans des pays qui regroupent 17 % de la population mondiale, et il y a plus de recherche de médicaments pour la dépression et l’obésité que pour les maladies infectieuses, qui sont l’une des toutes premières causes de mortalité dans le monde.

Quand survient la crise, ce décalage conduit à des situations aberrantes, dont la troisième arme — les vaccins — fourmille déjà d’illustrations. M. Donald Trump propose par exemple d’acheter à l’entreprise allemande CureVac le brevet de son vaccin contre le coronavirus pour l’utiliser « uniquement aux États-Unis », suscitant un refus catégorique de Mme Angela Merkel et une subvention-éclair de 80 millions d’euros de l’Union européenne. Cette précipitation diplomatique, non dénuée d’arrière-pensées électorales, traduit une réalité industrielle : comme la recherche se fait essentiellement par incitations financières et par brevets, les grandes entreprises pharmaceutiques réduisent leurs investissements dans les domaines médicaux essentiels, dont font partie les infections, qu’elles soient bactériennes ou virales. Mais, là encore, le rythme réel des recherches n’est pas adapté : l’entreprise Moderna Therapeutics, considérée comme la première à développer un vaccin, ne pourra pas le mettre sur le marché avant plusieurs mois — ce qui n’a pas empêché le cours de ses actions de faire un bond après l’annonce de son projet.

Savoir qui est réellement infecté éviterait l’incertitude, l’assaut des urgences et les mesures excessives. Isolement et confinement seraient proportionnés à la progression réelle du virus et non aux calculs de risques hypothétiques, induisant des coups de barre gouvernementaux. Le dépistage massif serait aussi une mesure simple de démocratie médicale. Mais comme cela suppose de la prévoyance, voire un contrôle des industries par l’État, elle est difficile à mettre en place dans un système capitaliste fondé sur le profit. On peut même parler d’une discrimination de classe : si, à la mi-mars, dix-huit députés et deux ministres ont été dépistés et s’avouent en bonne santé (sauf l’un d’eux), alors qu’on réserve le dépistage aux cas les plus graves pour le reste de la population, c’est bien qu’il existe des inégalités sociales de santé. Le dépistage est devenu un privilège de classe.

Ces impasses de la recherche privée ne sont pas compensées par la recherche publique. Les coupes budgétaires tombent souvent comme des guillotines sur des projets patiemment développés. Le 4 mars dernier, le chercheur Bruno Canard, spécialiste en réplication des « virus à ARN » — un virus dont le matériel génétique est constitué d’acide ribonucléique — comme le coronavirus, expliquait dans une tribune : « Dès 2006, l’intérêt des politiques pour le SRAS-CoV avait disparu ; on ignorait s’il allait revenir. L’Europe s’est désengagée de ces grands projets d’anticipation au nom de la satisfaction du contribuable. Désormais, quand un virus émerge, on demande aux chercheurs de se mobiliser en urgence et de trouver une solution pour le lendemain. Avec des collègues belges et hollandais, nous avions envoyé il y a cinq ans deux lettres d’intention à la Commission européenne pour dire qu’il fallait anticiper (3). » Ce chercheur a beau clamer que « la science fondamentale est notre meilleure assurance contre les épidémies (4) », il ne peut que constater que certaines branches de la virologie et de la bactériologie restent des parents pauvres de la recherche — qu’il s’agisse de recherche pharmaceutique appliquée ou de microbiologie fondamentale. L’« appel Flash » de l’Agence nationale de la recherche, doté de 3 millions d’euros, semble dérisoire, quand il arrive après des années de désinvestissement et d’autres épidémies similaires. Après le coronavirus responsable du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) en 2015, et le SRAS de 2003, surgi en Chine (8 096 personnes infectées dans une trentaine de pays, causant 774 décès), la Corée du Sud avait finalement réorienté ses politiques de santé publique et jeté les bases de son action actuelle. Pour que les gouvernements aient de la mémoire, il faut manifestement que les traumatismes soient forts et répétés. Et, même dans ce cas, c’est souvent l’amnésie qui l’emporte.

C’est toute cette politique de fond que l’État cherche à faire oublier, en soulignant subitement l’importance de la santé publique après l’avoir soigneusement minée pendant des années. M. Emmanuel Macron, le champion toutes catégories de la privatisation, a pu dire sans rougir, devant près de 22 millions de téléspectateurs, jeudi 12 mars : « ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il existe des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché ». La porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, de son côté, s’est mise à souhaiter que l’État soutienne les essais cliniques, pourtant réalisés depuis des décennies par les laboratoires privés. L’État français semble s’être mis, bien tard, à écouter le président de la Lombardie, épicentre de l’épidémie en Europe : « Ou bien on cache les problèmes sous le tapis, ou bien on enlève le tapis et on lave par terre ». La prochaine étape sera sans doute un virage à cent quatre-vingts degrés : l’apologie du diagnostic par Jérôme Salomon, après avoir méprisé tous les avertissements, y compris de l’OMS — « testez, testez, testez », disait Tedros Adhanom Ghreyesus. Autant de façons de reconnaître, le dos au mur, que la recherche de médicaments, et la santé en général, sont des enjeux qui ne devraient pas rester dans les mains du privé. Ils oublieront sans doute ces belles paroles dès la levée du confinement. En s’accumulant à nouveau, l’amnésie politique préparera les prochaines crises de santé publique.

Quentin Ravelli

(*) Chargé de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Auteur de La stratégie de la bactérie. Une enquête au cœur de l’industrie pharmaceutique, Seuil, Paris, 2015. Version longue de l’article paru dans l’édition imprimée.

(1) Communiqué de presse, Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, 18 mars 2020.

(2) Esteban Ortiz-Espina et Joe Hasell, « How many tests for Covid-19 are being performed around the world ? », Our World in Data, 20 mars 2020.

(3) Bruno Canard, « Coronavirus : la science ne marche pas dans l’urgence ! », Université ouverte, 4 mars 2020.

(4) Bruno Canard, « La science fondamentale est notre meilleure assurance contre les épidémies », CNRS Le journal, 13 mars 2020.

COVID-19 pénuries/réquisitions: une coalition inédite saisit le Conseil d’État

COVID-19 pénuries/réquisitions: une coalition inédite saisit le Conseil d’État

30 mars 2020 Par PaulineLondeix

– Mediapart.fr

Une coalition inédite, composée d’Act Up-Paris, ADELICO, des Collectifs Inter-Hôpitaux et Inter-Urgences, du CNI (Coordination nationale infirmière) et de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, saisit aujourd’hui le Conseil d’État pour demander, au nom du droit à la dignité humaine, des réquisitions nécessaires face à la pénurie de matériel et de médicaments.

Communiqué de presse, lundi 30 mars 2020  

Act Up-Paris, ADELICO (Association de défense des libertés constitutionnelles), Collectif Inter-Hôpitaux, Collectif Inter-Urgences Syndicat CNI – Coordination nationale infirmière / interprofessionnelle & Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament

Le matériel essentiel manque aujourd’hui pour lutter contre le COVID-19 : masques, tests, équipements, médicaments essentiels pour assurer la prise en charge des personnes malades, y compris des médicaments de réanimation et de soins palliatifs nécessaires pour assurer la dignité des personnes. 

Nos organisations s’inquiètent de l’insuffisance des moyens disponibles sur le terrain malgré les mesures prises et annoncées par le gouvernement. Si cette insuffisance se prolongeait, elle aggraverait la catastrophe sanitaire en cours, en violation de plus en plus manifeste de la dignité des personnes. 

Pour l’empêcher, nos organisations respectives [1] ont décidé de s’associer pour former une coalition inédite en déposant ce lundi 30 mars 2020 une requête en « référé mesures utiles » devant le Conseil d’État.

A côté des mesures exceptionnelles de confinement et de privations de certaines libertés publiques ou individuelles, il est indispensable de mettre en place des mesures pour que la production industrielle s’adapte à la « guerre sanitaire » déclarée, et donne aux hôpitaux les moyens d’effectuer leurs missions dans des conditions nécessaires en termes de sécurité pour les patients et les soignants.

Cette requête fait suite aux annonces du Premier ministre Édouard Philippe le samedi 28 mars.

Même s’il a reconnu les pénuries, le Premier ministre n’a pas semblé prendre la mesure des conséquences dramatiques de l’épidémie sur le manque et les pénuries de ces équipements, matériels et médicaments absolument essentiels pour faire face à l’urgence de la situation.

Cette requête a donc pour but de saisir le Conseil d’État sur la gravité de la situation sanitaire, ainsi que sur les graves atteintes à la dignité des personnes et aux menaces sur leur santé, leur vie qui en découlent.

Une situation dramatique 

Depuis le début de l’épidémie, les masques sont en quantité insuffisante. Les recommandations concernant leur utilisation pour les professionnels de santé varient au fil du temps, s’adaptant à la pénurie et visant à limiter leur utilisation, avec une mise en danger inacceptable des personnels hospitaliers, notamment des salariés réquisitionnés.

Chaque jour, les témoignages continuent d’arriver sur les manques de masques, de blouses, de tests et même maintenant de sacs mortuaires avec une inquiétude qui grandit parmi le personnel hospitalier et un risque d’arrêt maladie qui augmente.

En outre, le personnel médical et paramédical restant une ressource très rare et particulièrement indispensable à la prise en charge des patients, il serait dramatique qu’elle vienne à manquer encore plus.

Il s’agit actuellement d’une préoccupation majeure pour les hôpitaux dans la mesure où les personnels étaient déjà en nombre insuffisant avant la crise, ce qui avait conduit à fermer de très nombreux lits, aujourd’hui rouverts en catastrophe devant l’urgence et la gravité de la situation. aux fermetures de lits.

Nous rappelons que c’est grâce à des annulations de congés et à des recrutements d’anciens personnels que des lits ont pu être rouverts et admettre les patients qui le nécessitaient.

Par ailleurs, les services hospitaliers sont aujourd’hui contraints d’utiliser « avec parcimonie » et « frugalité » certains médicaments tels que la morphine ou de rationner l’usage des curares. 

Ils doivent « jongler » avec les stocks existants qui s’amenuisent, comme l’ont documenté des articles du Monde et de Mediapart la semaine dernière, avec à l’appui des compte rendus des agences régionales de santé et de la préfecture de police de Paris. 

Cette situation dramatique est une atteinte à la sécurité sanitaire des personnes et à leur vie – pas d’intervention chirurgicale sans curare par exemple. C’est aussi une atteinte à leur dignité – notamment pour les personnes en fin de vie qui risquent de ne pas avoir accès à la sédation profonde et de mourir en souffrant, étouffées, angoissées, sans possibilité d’apaisement. 

Cette situation renforce par ailleurs les vulnérabilités des personnes exclues et les inégalités.

Prendre les mesures de réquisitions nécessaires 

La situation ne fera qu’empirer si les décisions nécessaires ne sont pas prises dès maintenant.

Le gouvernement qui a pourtant reconnu des difficultés majeures à venir, liées à la pénurie mondiale de ces médicaments, n’a semble-t-il pas encore envisagé des mesures fortes comme des réquisitions.

Pourtant, celles-ci pourraient sauver des vies si elles étaient prises aujourd’hui.

Face à cette pandémie sans précédent, et à l’urgence extrême de la situation (pic de l’épidémie en cours en France), il n’est pas possible de se contenter d’une réponse « proportionnée ». 

La France dispose du savoir-faire, des infrastructures, capacités industrielles, notamment de production, pour mettre en place des mesures décisives maintenant. La production nationale de masques, de ventilateurs mécaniques et de matériels de réanimation comme des pousses seringues qui manquent pour prendre en charge les patients en réanimation et dans d’autres services de soins intensifs (y compris pour des patients non COVID) et pour accompagner les patients en fin de vie, permettrait de répondre à la demande qui ne cesse d’augmenter avec des stocks qui s’amenuisent chaque jour.

Les experts du marché de la matière première, comme le pharmacologue Andrew Hill, sont formels : la Chine et l’Inde ayant dû ralentir leur production et faisant face à une demande exponentielle pour les mêmes molécules, ils ne seront pas à même de fournir la demande et les pays ayant commandé devront trouver d’autres solutions.

Il est donc urgent de ne pas repousser des décisions qui sont nécessaires pour sauver des vies dès aujourd’hui. Les médicaments qui sont actuellement sous tension sont pour leur grande majorité dans le domaine public. Ils ne sont plus sous brevet, et la production de la matière première est possible en France.

La production nationale de ces médicaments et de leur matière première, permettra également d’aider nos voisins européens et des pays du Sud par la suite.

Décider de programmer au niveau national de la production est le meilleur moyen d’éviter un rationnement des matériels médicaux et de protection et une rupture générale des médicaments indispensables à la prise en charge des patients. Ne pas répondre à la pénurie conduirait à de graves pertes de chance pour les patients et aboutirait à des choix de priorisation difficiles et questionnables d’un point de vue éthique.

Nous attendons de notre gouvernement qu’il mette tout en œuvre pour protéger ses personnels hospitaliers indispensables à la gestion de la crise actuelle et qu’il leur donne les moyens d’assurer des soins en préservant la dignité des personnes.

Aujourd’hui, compte-tenu de l’extrême urgence de la situation, seules des actions fortes comme des réquisitions, prises sans tarder, pourraient permettre d’éviter un drame et un scandale sanitaire majeur à notre pays. 

C’est la raison pour laquelle nous avons saisi en urgence le Conseil d’Etat afin qu’il décide des mesures nécessaires pour assurer la dignité des personnes et la sécurité sanitaire du pays.

En parallèle, il va de soi qu’une telle action devra être coordonnée à l’échelle européenne pour garantir la sécurité sanitaire de la population.

Act Up-Paris

ADELICO (Association de défense des libertés constitutionnelles)

Collectif Inter-Hôpitaux

Collectif Inter-Urgences

Syndicat CNI – Coordination nationale infirmière / interprofessionnelle

Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament

[1] 1 Les requérants sont des personnes individuelles, ainsi que Act Up-Paris, ADELICO, le Collectif Inter-Hôpitaux, le Collectif Inter-Urgences, la Coordination nationale des infirmières, l’Association des Victimes, Malades et Impactés du Corona Virus. L’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament soutient la démarche.

Sanofi Mourenx : Stop à la république des pollueurs !

    Ballade du portrait du Président Macron devant Sanofi Mourenx

Groupe d’Action Non Violente-COP 21 d’Oloron-Ste-Marie

Stop à la république des pollueurs !

La dépakine de Sanofi, un vaste scandale sanitaire

Ce lundi 17 février nous faisons visiter symboliquement à Emmanuel Macron le site de production du médicament phare produit par l’entreprise de son ami Serge Weinberg, Sanofi, dont les ouvriers sont par ailleurs en grève depuis 3 mois. Seul site mondial de production de la dépakine (valproate de sodium), dont le laboratoire sait depuis 1980 que son administration chez les femmes enceintes entraîne des cas d’autisme chez leurs enfants, Sanofi a toujours refusé de payer des indemnisations aux victimes, et a été mis en examen le 4 février.

Le groupe a aussi été mis en cause l’an dernier pour des émissions de produits toxiques autour de l’usine de Mourenx dont les pics sont 190 000 fois supérieurs aux normes, faisant ainsi peser sur les employés de l’usine, les riverains et l’environnement un risque sanitaire inacceptable. Nous dénoncons plus largement l’ensemble des pollutions industriels du bassin de Mourenx.

Nous dénoncons les liens toxiques entre le Président Macron et Sanofi

Nous voulons ainsi dénoncer les collusions entre le pouvoir et l’industrie pharmaceutique, qui se sont manifestées une fois de plus honteusement début janvier par la remise par l’état de la légion d’honneur à Mr Weinberg, président de Sanofi.

Quels services Mr Weinberg a-t-il rendu à la nation, augmenter les dividendes versés à ses actionnaires de 234 % tout en baissant les emplois au sein du groupe de 16 % ? Taire les effets de la dépakine sur les enfants de femmes épileptiques qui l’ont utilisée ? Refuser les études d’impact du bromopropane et autres rejets toxiques autour de l’usine de Mourenx ?

En sortant le président Macron sans qu’il soit accompagné par son ami Mr Weinberg nous voulons lui faire rencontrer les associations de défense de l’environnement, les associations des victimes de la dépakine et des riverains qui respirent chaque jour des produits toxiques,  les employés de l’usine de Lacq en grève pour qu’entre autres soient pris en compte les risques que leur travail fait peser sur leur santé.

Mr Macron, nous vous souhaitons bienvenue dans un monde que vous ne connaissez que trop peu…

L’envolée des prix des médicaments

Communication au 7ème colloque “Sur et Sous-médicalisation, sur diagnostic et surtraitements »  29-30 novembre 2019

Merci d’avoir sélectionné notre poster sur l’envolée des prix des médicaments et de nous donner ainsi l’opportunité de communiquer, au nom de tout le groupe, sur notre initiative d’un médicament pensé comme un bien commun.

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée en 1948, reconnaît (article 25) un droit à la Santé et à la Protection Sociale. La santé humaine est multifactorielle : cela va des conditions à l’accès aux besoins vitaux tels que l’eau, l’alimentation, aux conditions de travail, en passant par l’environnement et le risque d’exposition à la pollution, et enfin à l’accès aux soins de santé. Le médicament fait partie des soins, et son accessibilité à toutes et tous est une condition indispensable à la jouissance du droit à la santé.

Cet objectif d’une totale accessibilité est loin d’être atteint : des millions de personnes dans le monde meurent faute de soins ou d’accès aux médicaments, notamment à cause de leur prix, objet de notre poster présenté à ce colloque, qui est au cœur de cette problématique de l’accès aux soins de santé.

Depuis plus d’une décennie, nous constatons une envolée des prix. Cette augmentation est flagrante pour les nouveaux traitements dits innovants, notamment ceux issus des biotechnologies. Les exemples sont nombreux : en France le traitement d’un cancer ou d’une polyarthrite rhumatoïde par un anticorps monoclonal est de l’ordre de 20 000 € à 40 000 € par an,  le traitement du mélanome par le Keytruda est chiffré environ à 180 000 Euros par an et par patient (soit 6000 Euros  /mois).

Le montant des dépenses des médicaments contre le cancer, est ainsi passé de 24 milliards en 2008 à 80 milliards en 2014, faisant de l’oncologie l’aire thérapeutique la plus rentable pour les industries pharmaceutiques.

Deux thérapies géniques contre les cancers (deux traitements CAR-T), le Kymriah® de Novartis et le Yescatya® de Gilead, sont vendues en Europe respectivement   320 000 et 350 000 euros par patient-e.

Aux Etats-Unis, une autre thérapie génique, administrée en dose unique, le Zolgensma, développée par le laboratoire Novartis vient de recevoir l’approbation de la FDA (autorité sanitaire américaine), au prix de 2,125 millions de dollars la dose.

La hausse des prix des médicaments n’est d’ailleurs pas cantonnée aux nouveaux médicaments. Des molécules déjà présentes sur le marché, connaissent des hausses de prix spectaculaires et injustifiées. Aux Etats-Unis le prix de l’insuline a plus que doublé en quinze ans : le Lantus de Sanofi a vu son prix passer de 99,35 dollars en 2010, lors de son lancement, à 269,54 dollars en 2018, (soit une hausse de 171,3%). L’Avastin est passé de 10 à 100 euros, soit une hausse de 1000%, lorsque son usage a été étendu au traitement de la dégénérescence maculaire,

Cette inflation des prix n’est pas sans conséquences sur les populations. La principale est l’augmentation des inégalités d’accès aux médicaments. Onze millions de personnes meurent chaque année de maladies infectieuses faute d’avoir accès aux médicaments essentiels. Deux milliards d’êtres humains n’ont pas accès aux soins de santé de base, parce que ceux-ci sont trop coûteux. C’est vrai pour les pays du sud mais également pour ceux du Nord : Aux USA près de 30% de la population renoncent aux soins, 7% des patients en France et 18% en Grèce renoncent aux prescriptions, principalement en raison du coût des traitements.

Ces prix exorbitants conduisent les décideurs de la santé à une hiérarchisation des malades : c’est le cas avec le traitement de l’hépatite C par le Sofosbuvir, (initialement vendu 41000 Euros la cure). Seuls les patients ayant atteint un certain stade de fibrose ont été admis au bénéfice du traitement, alors qu’en termes de santé publique, le traitement du plus grand nombre est essentiel afin d’enrayer durablement l’épidémie et d’éviter de nouvelles contaminations…

Cette sélection de malades pour un accès à un traitement risque de s’étendre à d’autres indications, comme le cancer par ex, au vu des prix faramineux des anti-cancéreux.

Ces prix mettent en danger notre système de solidarité : à terme, l’assurance maladie ne pourra plus faire face à la croissance inexorable des dépenses de santé. D’ores et déjà des réductions sont régulièrement annoncées : réduction du taux de prise en charge par l’assurance maladie de dépenses de santé, réduction des budgets hospitaliers, amplification des déremboursements de médicaments et d’actes médicaux. Ces dispositions favorisent la privatisation des systèmes de santé par une augmentation du financement privé du risque maladie, qui est passé de 5.3% en 1980 à 13.3% en 2015.

Pourquoi des prix si élevés pour les médicaments ?

L’IP (Industrie Pharmaceutique) se justifie par des arguments plus fallacieux les uns que les autres : elle invoque le coût de la R&D (recherche et développement) qui atteindrait 2 milliards de dollars, mais elle omet de mentionner le montant des investissements publics en recherche et les crédits d’impôts dont elle bénéficie : Ex en France, en 2019, plus de 600 millions d’euros de Crédit d’Impôt Recherche (CIR) sont alloués aux industriels privés au titre de la recherche pour la santé. Il est notoire que les frais de R&D annoncés sont artificiellement gonflés par les dépenses de marketing et de lobbying réalisées pour positionner avantageusement leurs produits « sur le marché ».

Un autre argument invoqué est que les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain pour le développement de nouvelles thérapies.  Dans les faits, 50 à 100% des bénéfices sont distribuées aux actionnaires.

En réalite le prix est plus déterminé en fonction de ce que le malade est prêt à payer pour rester en vie que du service médical rendu (SMR), ou du coût réel de la production.

Force est de constater que la politique de santé est dominée par les lois du marché et de la finance, que ce sont les entreprises vendeuses qui décident de façon exclusive de leurs conditions de vente, et que face à elles, les pouvoirs publics n’affirment pas suffisamment leurs exigences, en termes de prix ou de sante publique.

De tous les secteurs industriels, celui du médicament est de loin le plus profitable : le chiffre d’affaire des multinationales dépasse les 1000 milliards d’Euros, avec une rentabilité de 20 %.

 

Comment justifier les profits exorbitants de cette industrie ?

Le médicament est considéré par les IP comme un bien de consommation comme les autres, dont le prix de base devrait être fonction de l’offre et de la demande, comme pour n’importe quel business. Cette démarche a été facilitée par l’intégration du médicament aux activités commerciales de l’Organisation Mondiale du Commerce (l’OMC) en 1994 (accord de Marrakech), alors qu’il était jusqu’à cette date exclusivement sous l’égide de l’Organisation Mondiale de la Santé (l’OMS).  Transformé en « marchandise », dans le Traité commercial de libre échange TAFTA, signé en Juillet dernier, le médicament voisine avec les pompes à vélo et les poulets aux hormones.

De plus en 1994, l’OMC a légitimé internationalement les droits du Brevet d’Invention appliqué aux médicaments devenus marchandises. A chaque mise sur le marché d’un nouveau traitement est associé un brevet qui octroie, pour une période de 20 ans, une exclusivité de production et de commercialisation à la firme détentrice, lui assurant un monopole. Il y a une incidence directe et forte de la réglementation des brevets sur les prix des médicaments, le brevet conférant aux entreprises une position de domination dont elles usent pour imposer leur prix de vente aux gouvernements.

De plus en plus souvent des voix s’élèvent contre les abus de monopole liés aux brevets ; un exemple récent (février 2019) : en Inde, Johnson & Johnson (J&J) a voulu breveté la forme saline d’un anti tuberculeux (la bédaquiline), pour prolonger sa position monopolistique et vendre son produit au prix fort (400$ pour six mois), retardant d’autant l’entrée sur le marché du générique moins cher. Des activistes soutenus par MSF, se sont élevés contre cette prise injustifiée de brevet.

Plus récemment encore (juillet 2019) MDM s’est opposé au brevet du KYMRIAH, pour dénoncer son caractère abusif, et le prix excessif de ce traitement, véritable barrière à l’accès aux soins pour toutes et tous.

La santé de tous, finalité et justification initiales des laboratoires a disparu. La volonté de conquérir les « marchés émergents », tel que celui de la Chine, est devenu la priorité. Les IP favorisent la production pour le profit, à l’opposé de leur vocation initiale : la santé des hommes.

Ce qui signifie que, via le prix du médicament, c’est la survie de 7 Mds d’humains que détiennent entre leurs mains quelques dizaines d’hommes par la seule légitimité d’être installés au faîte de quelques multinationales. Ils se sont enrichis grâce aux cotisations sociales payées par les millions de cotisants malades et bien portants. A aucun moment, ceux-ci, premiers concernés, ne sont admis à participer aux décisions qui les concernent pourtant en premier lieu puisqu’il y va de leur survie.

Le médicament ne peut pas être un bien marchand : il doit être libre de droits exclusifs. Il est temps que nous nous approprions les médicaments et produits de santé, largement financés par les contribuables. Ils doivent être pensés comme un Bien Commun et accessibles au plus grand nombre. Ils ne peuvent pas être source de profit.

Nous devons changer de paradigme, l’IP doit revenir à ce qu’elle doit être : une industrie au service de la santé publique.  Pour que les besoins de santé de la population humaine prévalent sur les spéculations financières, le médicament doit sortir des règles de l’OMC, la notion de propriété intellectuelle appliquée aux Brevets sur les médicaments doit être revue. Pour que soient pris en compte les intérêts humains majeurs en matière de Santé, mobilisons-nous pour que soit instauré un regard démocratique des patient(e)s et des citoyen(e)s sur la politique du médicament. Ce qui pourrait se réaliser par la mise en place de partenariats entre société civile, des citoyen(e)s et des élu(e)s, centrés sur les exigences sociales, animés par celles et ceux qui s’inscrivent dans le mouvement de la société. C’est possible si soutenus par une forte volonté politique.

Mesdames, Messieurs je vous remercie au nom de notre groupe et des centaines de cosignataires du Manifeste que vous trouverez sur le site www.medicament-bien-common.org et que nous vous invitons à signer.

Intervention de Eliane Mandine, au nom du groupe

Colloque: Scandales sanitaires, scandale démocratique (Assemblée nationale)

Colloque organisé par François Ruffin, député de la première circonscription de la Somme, Co-présidé par Gérard Bapt, député honoraire, médecin. Jeudi 26 septembre 2019

Pour une appropriation citoyenne active et solidaire de la Santé.

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée Générale de Nations Unies le 10 Décembre 1948, reconnaît dans son article 25 un droit à la Santé et à la Protection Sociale. Ce Droit comporte de nombreuses composantes de notre quotidien. A la qualité du logement ou de la nourriture s’ajoute celui qui nous réunit aujourd’hui : la Santé. L’une des conditions du plein exercice de ce Droit Humain Universel est donc le total accès aux médicaments comme aux autres modes de soins qu’ils soient de routine ou d’urgence. Le médicament, par sa quotidienneté, y occupe une place de 1er plan. Place qui va croissant aux deux extrémités de la vie: en raison, par exemple, du passage à la chronicité d’affections, mortelles à 100%,  jusqu’à ces dernières décennies ; en raison aussi de l’extension d’affections liées aux pollutions aériennes urbaines telle la croissance régulière de l’asthme infantile. Dépendant jusqu’à 1994 de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) le médicament, à cette date, est passé sous la houlette de l’Organisation Mondiale du Commerce (l’OMC). Transformé en «marchandise» le médicament voisine avec les pompes à vélo ou les chevaux de course dans le Traité commercial dit TAFTA, voté en Juillet dernier. Son prix, donc son accessibilité, dépend alors de décisions commerciales où la spéculation trouve toute sa place. Il devient alors moteur d’inégalités DANS les peuples comme ENTRE les peuples (Inégalités dont un rapport du Bureau International du Travail (BIT) de Juillet 1944 soulignait le rôle dans le déclenchement des conflits armés). Ce qui signifie que, via le prix du médicament, c’est la survie de 7 Mds d’humains que détiennent entre leurs mains quelques dizaines d’hommes installés au faîte de quelques multinationales par la seule légitimité de leurs capitaux personnels. Capitaux accumulés, pour l’essentiel, grâce aux cotisations sociales payées par les millions de cotisants malades et bien portants, solidaires entre eux. A aucun moment, ceux-ci, premiers concernés, ne sont admis à participer aux décisions qui peuvent concerner jusqu’à leur survie.

N’y a-t-il pas, ici, une contradiction irréductible entre décision financière d’une poignée de dirigeants et absence de consultations de millions d’humains pourtant directement concernés, pourtant cotisants mais aucunement consultés? Cette question s’adresse à SANOFI, comme à Merck/Sharp/Dome ou Novartis et autres, ci-après désignés : les Big-Pharma.

Les Big-Pharma détiennent le monopole du marché du médicament principalement grâce aux droits du Brevet d’Invention appliqué aux médicament-marchandise, droit légitimé fort à propos par l’OMC. Le Brevet donne aux Big-Pharma l’exclusivité de la production et de la commercialisation du produit, le médicament, pour une période de 20 ans. Le brevet leur confère une position de domination dont elles usent pour imposer leur prix de vente aux gouvernements. Cette position de domination de Big-Pharma met en lumière les moyens réels et la motivation principale des pénuries organisés en France et en Europe: pénuries multipliées par 20, comme vous le savez, entre 2008 et 2018. Par ailleurs, l’Etat se désengageant de plus en plus de la recherche publique, ces multinationales, assises sur leurs réserves financières, assujettissent l’organisation et les orientations de la recherche fondamentale à leur avantage. Seuls sont conservés les domaines jugés les plus profitables. Multinationales, elles n’hésitent pas à piller, pour les breveter à leur profit exclusif, la connaissance millénaire de phytomolécules efficaces des indiens d’Amazonie ou ces habitants de Madagascar ou d’Afrique. La santé de tous, finalité et justification initiales des laboratoires a disparu. La volonté de conquérir les «marchés émergents», celui de la Chine en 1er lieu, est LA priorité. Ce n’est plus la santé des hommes.

L’EXEMPLE DE SANOFI : Comme les autres Big-Pharma, depuis 15 ans environ, SANOFI, priorise finance et dividendes au détriment des investissements internes. En 2017, SANOFI verse à ses actionnaires en Mds€ sous forme d’action ou rachats d’actions, en hausse de 15% sur 2017

 SANOFI se désengage ou ferme des Centres de Recherche :

A Romainville, (93) ou à Toulouse (31). SANOFI supprime des axes de recherche comme celui des anti-infectieux au moment où la résistance croissante aux antibiotiques rend possible une crise sanitaire mondiale. Par ses choix, SANOFI menace l’indépendance médicamenteuse de notre pays : en effet, en 2019, ne restent en France, que 4 Centres de Recherche sur les 15 en activité en 2001. Sur la vingtaine d’Axes de Recherche ainsi décimés, il n’en resterait qu’un seul (Oncologie). En une année, 5 plans sociaux successifs ont effacé 1500 emplois. Du coup, il ne reste, en R&D que 3.500 CDI, sur les 6300 de 2008. L‘hécatombe n’a pas empêché SANOFI de toucher environ 130M€/an au titre du Crédit Impôt Recherche : ces 130 M€ représentent le coût de la destruction, cette année, d’un bâtiment et de son matériel entièrement neufs, à Montpellier, avant d’avoir servi une seule minute. Destruction donc entièrement subventionnée.

SANOFI EXTERNALISE la fabrication de nombreuses molécules très  diversifiées. SANOFI veut ignorer que c’est la Sécurité Sociale en remboursant les médicaments dont, entr’autres, la Cortisone, qui a permis la croissance de cette entreprise, grâce au développement des soins de Santé depuis 1946.  SANOFI feint d’ignorer que ce sont ses chercheurs, ses techniciens qui ont assuré sa dimension économique et sa valeur scientifique. En sacrifiant RECHERCHE et SAVOIR-FAIRE au service du Divin Marché, SANOFI sacrifie l’humain et menace, j’y insiste, l’indépendance médicamenteuse de la France. EXTERNALISATION ET SPECULATION contribuent à la pénurie dans les officines et dans les hôpitaux. Souffrance(s) et mort(s) résultent de cette pénurie organisée dans toute l’Europe qui regarde ailleurs. Vous le savez, mieux que personne, cette pénurie affecte tous les domaines : vaccins, antibiotiques, anti-inflammatoires, anti-parkinsoniens ou anti-diabétiques. Ce bilan complète celui du Médiator, celui de la nouvelle formule du Lévothyrox, celui de la prescription non encadrée, de la Dépakine et celui des flacons de sang contaminés , sciemment vendus en 1989, aux enfants hémophiles irakiens, tous morts aujourd’hui.

Pour conclure :

Le médicament ne peut pas être un bien marchand comme les autres : il doit être libre de droits exclusifs. Il doit être pensé comme un Bien Commun, accessible au plus grand nombre. Il ne peut pas être source de profit pour quelques acteurs capitalistes. Le médicament doit sortir des règles de l’OMC, la notion de propriété intellectuelle appliquée aux  Brevets doit être revue pour changer de paradigme, pour que les intérêts humains majeurs en matière de Santé soient pris en compte.

L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE DOIT REVENIR A CE QU’ELLE DOIT ÊTRE : UNE INDUSTRIE AU SERVICE DE LA SANTE PUBLIQUE AVEC UNE APPROPRIATION ACTIVE PAR LES CITOYEN(NE)S et LA MAÎTRISE PAR CEUX-CI, DES CHOIX ET ORIENTATIONS DES LABORATOIRES. Nous proposons que soit mis en place des partenariats entre société civile, citoyen(ne)s, élu(e)s, centrés sur les exigences sociales, animés par tous ceux et celles qui se battent et s’inscrivent dans le mouvement de la société.

   Ces CHOIX DOIVENT ÊTRE SOUTENUS PAR UNE VOLONTE POLITIQUE INSTITUTIONNELLE FORTE.

 Mesdames, messieurs je vous remercie au nom de notre Collectif et des centaines de co-signataires du Manifeste

Intervention de M. Morereau, au nom du groupe.

 

 

TRIBUNE: La santé tuée par la finance

Orientation générale des politiques industrielles dans le secteur santé

D’après le contrat de filière des Industries et Technologies de Santé, le discours officiel des acteurs de la santé publique (1) affirme que les Industries de Santé représentent une valeur ajoutée économique et sociale considérable pour la France, comme sources d’innovation, de croissance et de compétitivité. Si le document détaille soigneusement en quoi les « projets structurants » présentés créent une valeur économique, mettant en avant les 90 milliards de chiffre d’affaires et les 35,6 milliards d’euros provenant de l’exportation, la valeur ajoutée sociale est à peine mentionnée dans l’introduction, et les besoins de santé des populations complètement oubliés.

En juillet 2018, lors du Conseil économique des Produits de Santé (CEPS), le gouvernement a garanti aux plus grands groupes pharmaceutiques une croissance de 3 % de leur chiffre d’affaires sur les molécules innovantes. En 2019, plus de 600 millions d’euros de Crédit d’Impôt Recherche sont alloués aux industriels privés au titre de la recherche pour la santé. C’est dire comme il fait bon investir dans l’hexagone en matière d’industrie pharmaceutique.

Le cas Sanofi

Dernière multinationale d’origine française, fleuron de la recherche pharmaceutique française, Sanofi dit vouloir bâtir une compétence scientifique forteet un portefeuille de molécules en interne, qui mèneraient au développement de médicaments les plus innovants pour les patients. Dans le même temps, on assiste depuis 20 ans à une réduction impressionnante de la diversité de ses activités de recherche et de production.

Les arguments avancés par la direction de Sanofi pour étayer sa stratégie sont ceux communs à tous les décideurs, des industriels aux politiques : la nécessité de « s’adapter » à la mondialisation au nom du profit financier.

Une entreprise privée florissante…

 4egroupe pharmaceutique mondial, avec plus de 100 000 collaborateurs dans le monde, Sanofi a généré 35 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2018 et engrangé 6,8 milliards d’euros de bénéfice net. Le groupe affiche une marge nette de 20 % sur les ventes et consacre chaque année entre 5 et 6 milliards d’euros à rémunérer ses actionnaires : palmarès de nature à faire pâlir bien des industriels.

2,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires et plus de 15 % de croissance ont été réalisés l’an dernier en Chine, devenu le deuxième marché mondial du groupe français derrière les Etats-Unis et devant la France, marché stratégique de premier plan pour l’entreprise tricolore.

 …bénéficiant en outre des deniers publics

 Chaque année, depuis dix ans, l’entreprise pharmaceutique Sanofi perçoit de l’État entre 120 et 140 millions d’euros via le Crédit Impôt Recherche (CIR de 130 millions en 2018).

Sanofi est partie prenante du programme gouvernemental «Technologies de Rupture dans la Bioproduction»(2), qui vise à développer des technologies nouvelles dans le domaine du développement biologique et de la bio-production. 800 millions sont alloués à ce programme par l’Etat : Sanofi recevra sa part.

Et pourtant  

 En 20 ans, le fleuron de l’industrie pharmaceutique française a été presque entièrement démantelé. De fusion-acquisition en OPA puis de plans d’économie en plans de restructuration, les centres de recherche pharmaceutiques des différentes entreprises  absorbées par le groupe au fil des années : Roussel-Uclaf, Rhône-Poulenc, Delagrange, Delalande, Synthélabo, Sanofi … sont en voie d’extinction irréversible.

De 15 centres de recherche, il y a 20 ans, il n’en reste plus que 4. De la vingtaine d’axes de recherche travaillés, il n’en resterait qu’un seul réellement travaillé en France (oncologie et immuno-oncologie). Des 6300 CDI français travaillant dans Sanofi en R&D en 2008 il n’en resterait au mieux que 3500 avec le dernier plan annoncé en juin (3). En un an, dans les différentes activités du groupe, 5 plans sociaux se sont succédé, entraînant la suppression de plus de 1500 emplois.

Au-delà des licenciements

 Pour 2020, le budget prévisionnel de la R&D est en baisse de 4 % par rapport à l’année 2019. La décision d’abandon de certains axes de recherche ou l’externalisation d’activités entraînent non seulement la fermeture de sites mais aussi, parfois, la destruction de l’outil  industriel, notamment à Montpellier, où le pilote de développement chimique a été rasé sans avoir jamais été utilisé : perte sèche d’un investissement  de 120 M€.

Plus grave encore : cette débandade cause des pertes de savoirs et de compétences difficilement rattrapables.

Ces choix posent un double questionnement quant aux stratégies mises en œuvre pour «bâtir une compétence scientifique forte » et quant à l’usage fait de l’argent public. Comment tolérer que le CIR soit clairement utilisé par Sanofi pour financer les plans de restructuration et non pour développer la recherche et l’emploi scientifiques ?

La perte des savoir-faire et du patrimoine de la recherche

 Les restructurations, les fermetures de centres de recherche, les suppressions d’emplois se font sans transfert des savoir-faire : soit, dans le « meilleur » des cas, les compétences restantes sont déplacées vers d’autres lieux, avec nécessité de reconstruction, soit elles sont transférées sur d’autres activités de recherche, avec nécessité de tout réapprendre, avec des budgets de formation limités. Quelques exemples : recherche anti-infectieuse antibactérienne, antifongique, antivirale abandonnée en 2002 en région parisienne, réimplantée en 2008 à Toulouse, puis transférée à Lyon en 2015 suite au désengagement total de Sanofi du site de Toulouse, pour être bradée à Evotec en 2018 ; en cardiologie, recherche abandonnée en 2010, puis reprise en 2015 et arrêtée en 2019 faute d’avoir conquis le marché américain, le plus rentable ; en immunologie : recherche abandonnée en 2010 à Montpellier, reprise à Vitry, sans transfert d’expertise.

Des activités essentielles dans le développement d’un médicament : développement chimique, études de toxicologie réglementaires BPL, pharmacovigilance, ainsi qu’une partie du département des sciences translationnelles (4)… sont sous-traitées ou externalisées, laissant échapper du même coup les compétences internes du groupe  – et conduisant à la fermeture d’un site de recherche, celui d’Alfortville..

 La perte d’axes de recherche indispensables

 Sont abandonnées les recherches sur de nouveaux antibiotiques pour combattre les maladies infectieuses, alors que les résistances aux bactéries deviennent une grave menace pesant sur la santé mondiale. Egalement abandonnées les recherches sur l’insuffisance cardiaque, sur la maladie d’Alzheimer et bientôt celle de Parkinson, où les besoins thérapeutiques sont pourtant très criants, et aussi les recherchesconcernant les pathologies endocriniennes et métaboliques, ou encore des maladies qui sont de véritables fléaux en Afrique.

Un tel gâchis est la conséquence des plans d’économie successifs et de stratégies à court terme adoptées en fonction des marchés financièrement les plus avantageux. Sanofi se vante de la 25ème année consécutive de l’augmentation de son dividende, obtenue en sacrifiant ses forces internes.

Seuls restent les axes de recherches financièrement ultra-rentables

 La Direction de Sanofi entend se concentrer en France sur les maladies chroniques, qui génèrent 80% des dépenses de santé mondiales, en particulier sur l’axe oncologie et immuno-oncologie, où la perspective financière est la plus élevée : le marché de la cancérologie croît de 10 % par an et pourrait atteindre 200 milliards de dollars en 2022.

Le portefeuille de R&D est orienté vers toujours plus de molécules biologiques (anticorps), celles-ci étant des plus rentables financièrement … mais ne permettant pas à terme de traiter toutes les pathologies.Stratégie qui pose la question, entre autres, du devenir de l’outil industriel orienté vers la production de principes actifs d’origine chimique.

L’axe des vaccins, hautement rentable, est conservé : support essentiel de la prévention, le vaccin reste cependant destiné aux pays dits riches, et inaccessible pour nombre de  populations les plus démunies, les plus directement concernées.

Conséquences

La grande majorité des autres groupes pharmaceutiques appliquent la même stratégie, à savoir la focalisation sur les maladies où la rentabilité est la plus élevée. La compétition va être féroce et la réduction des axes de recherche et de production est suicidaire pour le potentiel scientifique et industriel de Sanofi en France.

Ainsi Sanofi, comme les autres grands labos, se désengage de la production des principes actifs de médicaments essentiels, d’intérêt thérapeutique majeur, jugés moins rentables, avec pour conséquence la multiplication des ruptures (corticoïdes, antibiotiques…).

Cette stratégie à court terme, dictée par des intérêts exclusivement financiers, a déjà une incidence sur l’accès aux médicaments, trop chers ou manquants, pour une partie de la population, et aura un impact à long terme sur le développement de médicaments indispensables, notamment en cas d’épidémie ou pour soigner les nouvelles maladies d’origine environnementale.

L’abandon de la recherche et du développement de médicaments pour les pathologies considérées comme « non ou peu rentables » par les industriels fait que certaines maladies ne pourront bientôt plus être soignées.

Ainsi une partie de l’humanité est-elle sciemment condamnée…

Pouvons-nous rester spectateurs de cette entreprise de destruction ? Il est grand temps, pour les citoyens et les pouvoirs publics, d’arracher la chaîne du médicament, de la recherche à la mise à disposition de patients, à l’emprise mortifère de la finance, pour la reconstruire dans des pratiques respectueuses du partage des savoirs et du droit de tous les humains à la santé. L’enjeu est la survie de l’humanité.

Signé : Manifeste pour une appropriation sociale du médicament

www.medicament-bien-commun.org

(1) d’après le dossier de presse « signature du contrat de filière des Industries et Technologies de Santé » – Conseil national de l’industrie – 4 février 2019

(2)  La tribune ; Plan Deep Tech – Sylvain Rolland ;  30/01/2019

(3) le 19 juin 2019, le groupe pharmaceutique a annoncé la suppression de 466 de postes en France et en Allemagne dans son organisation de recherche & développement, dont 299 postes sur les sites de Vitry/Alfortville dans le Val-de-Marne, et celui de Chilly-Mazarin dans l’Essonne.

 (4)  Sciences translationnelles : discipline scientifique émergente de développement d’applications cliniques pour aider à la validation d’un médicament à partir de candidats médicaments.

 

 

CONTRETEMPS N°42 DOSSIER: Le médicament un bien commun!

Dans le domaine du médicament et de la santé, périodiquement des scandales éclatent dans le champ médiatique, voire judiciaire…
Aujourd’hui il s’agit de la pénurie de certains médicaments : des patients se voient privés de plusieurs remèdes vitaux (ces cas ont été multipliés par 12 depuis 10 ans!
Comment expliquer cela, alors que les grands groupes pharmaceutiques sont parmi les plus puissants de l’économie mondiale et génèrent des profits faramineux?
Quelles relations, trop souvent occultées, avec les choix stratégiques des directions et des actionnaires de Big pharma?

Tout le dossier: www.lesdossiers-contretemps.org

SOMMAIRE

Danielle Montel, Francis Sitel, À votre santé !
Manifeste Pour une appropriation sociale du médicament
Daniel Vergnaud, Libérer le médicament du brevet
et de la domination des Big Pharma
Éliane Mandine et Thierry Bodin, Recherche et finance :
une dangereuse liaison
Eliane Mandine et Thierry Bodin, Prix du médicament :
distinguer le vrai du faux !
Éliane Mandine, Les génériques : médicaments non-brevetés
ou médicaments low cost ?
Annick Lacour, Essais cliniques et pharmacovigilance
Michel Mourereau, Le sang humain n’est pas une marchandise…
Thierry Bodin et Bernard Dubois, Ruptures de médicaments
et de vaccins
Emmanuel (Manolis) Kosadinos, La marchandisation du cerveau
Didier Lambert, co-président de E3M, La controverse
sur l’aluminium vaccinal. Un exemple de la mise sous influence
par l’industrie pharmaceutique du domaine public
Pascale Brudon, Le médicament dans la mondialisation :
40 ans de luttes
Fabien Cohen, Entre enjeux économiques et enjeux de santé publique.
L’Europe et le médicament

Sanofi: déclaration des élus du comité d’entreprise européen

2 juillet 2019

Après des centaines de postes supprimés en Europe par les plans de restructuration des activités industrielles, commerciales et fonctions supports en cours : Convergence, Horizon 2020, SCCOPE, la Direction du Groupe Sanofi informe le Comité d’Entreprise Européen d’un nouveau projet d’organisation de la Recherche & Développement en Europe. La Direction justifie la restructuration de son activité de recherche et développement comme un «recentrage de ses efforts d’innovation vers ses aires thérapeutiques les plus stratégiques».
En 20 ans, ce qui constituait le fleuron de la recherche pharmaceutique française et européenne (Hoechst, Roussel-Uclaf, Rhône-Poulenc, Aventis, Sanofi, Synthélabo, Delagrange, Delalande, Zentiva, Chinoin,…) a été presque entièrement démantelé.

En France, de 17 centres de R&D il y a 20 ans, il n’en reste plus que 5. Par rapport aux multiples axes de recherche qui étaient travaillés en France, il n’en resterait plus que trois : oncologie, immuno-oncologie et vaccins. L’Allemagne connaît une situation comparable à celle de la France, alors qu’en Hongrie, Italie, Espagne et Royaume-Uni, les activités de R&D ont totalement disparu.
Voici quelques exemples récents des orientations dites «stratégiques» de Sanofi qui s’accompagnent de suppressions d’emplois et de perte d’expertises :
° Novembre 2018 : une réorganisation est annoncée dans les fonctions commerciales en Italie : 75 postes supprimés.
° Décembre 2018 : une réorganisation est annoncée dans les fonctions support: 700 postes supprimés en France, 142 en Allemagne.
° Décembre 2018 : un projet de transfert de salariés vers le sous-traitant informatique Cognizant est annoncé dans certains métiers de l’informatique : 80 postes supprimés en France.
° Mars 2019 : une réorganisation est annoncée dans les fonctions commerciales : 640 postes supprimés en Europe, principalement en France et en Allemagne.
° Mars 2019 : une réorganisation est annoncée dans la Supply Chain : 100 postes supprimés en Europe.
° Mars 2019 : délocalisation vers Barcelone des fonctions centrales de la Supply Chain : 12 personnes impactées.
° Avril 2019 : délocalisation de certaines fonctions support vers la Hongrie et externalisation.
° Juin 2019 : une réorganisation est annoncée en R&D : 299 postes supprimés en France et 168 en Allemagne.
Rappelons aussi la vente de Zentiva à Advent International avec environ 2500 postes supprimés en Europe au 2ème semestre 2018.
Mais il n’y a pas que des suppressions et des délocalisations, il y a aussi les allers-retours dans les choix des aires thérapeutiques :
A) Recherche Anti-infectieuse Antibactérienne, Antifongique, Antivirale :
– Abandon en 2002 à la suite de l’OPA de Rhône-Poulenc sur Roussel-Uclaf.
– Reprise d’une recherche dans cet axe à Toulouse en 2008 dans Sanofi suite à nos arguments pour développer cet axe répondant à des besoins majeurs dans de nombreux pays.
– Décision de Sanofi de vendre les activités scientifiques de Toulouse en 2013, l’axe anti-infectieux est transféré à Lyon où, affirme la Direction, il y aura des synergies avec Sanofi Pasteur. Environ 80 salariés sont transférés de Toulouse, Montpellier et Vitry en 2014-2015.
– Décision en 2018 de se séparer de cet axe de recherche comprenant une centaine de salariés par une vente à l’entreprise Evotec, avec pour argument que les anti-infectieux ne sont plus une priorité pour Sanofi.
B) Recherche en Diabète et Cardio-Vasculaire :
– Fermée en 2010 à Toulouse.
– Réintroduite en 2015 à Chilly-Mazarin après l’acquisition d’une molécule.
– Abandonnée à nouveau en 2019.
C) Recherche en Neurologie :
– Recentrages sur des maladies neuro-dégénératives rares et abandon de tous les autres axes de recherches.
D) Recherche en Oncologie :
– Arrêt de la recherche à Montpellier en 2010, recentrage uniquement sur Vitry.
– Sanofi annonce vouloir se recentrer sur cet axe en 2019 alors que les expertises de 2010 ont disparu.
Et tout cela se passe dans un Groupe qui a fait en 2018 un chiffre d’affaires de 34,5 milliards d’euros et un bénéfice de 6,8 milliards d’euros, Groupe qui se félicite de sa Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE) !
Ces restructurations sont d’autant plus inacceptables que Sanofi perçoit chaque année entre 120 et 130 millions d’euros de crédit d’impôt du gouvernement français, normalement pour développer la recherche en France et les collaborations en France et en Europe. Où est l’éthique de Sanofi quand cet argent est utilisé pour financer les plans de restructuration et saborder sa R&D?
Outre le côté scandaleux d’un point de vue moral, il est alarmant de constater qu’avec l’externalisation à outrance, Sanofi se met soi-même en danger vis-à-vis du devoir de vigilance.

Nous, élus du Comité d’Entreprise Européen, demandons l’arrêt de ces plans massifs de suppressions de postes et de perte de compétences. Nous considérons que ces orientations stratégiques erratiques menacent sérieusement l’emploi pour l’ensemble des sites et des activités en Europe aussi bien en R&D que dans l’industriel.
Ces désengagements de Sanofi représentent un danger pour notre responsabilité sociale en matière de santé publique.

Lévothyrox

Emission « C Politique» 

AURORE GORIUS, journaliste, CATHERINE NOËL Médecin Angiologue à Rennes (35)

Les problèmes posés par le Levothyrox, ancienne formule, absent des pharmacies d’officines, durant plusieurs semaines et son remplacement par «sa nouvelle» formule.

Le Dr C. Noël, Médecin, angiologue à Rennes, et Aurore Gorius, journaliste d’investigation, sont intervenues sur le plateau de «C Politique» de la 5, Dimanche 7 Avril (de 1h 02/52 à 1h18). L’émission a réservé 16 minutes au Lévothyrox, «nouvelle formule», aux effets négatifs qu’elle a généré dès sa «mise sur le marché» (de la Santé).

Lancé, voici 30ans, par le laboratoire Merck-Sharp-Dome (MSD), le Lévothyrox donnait entière satisfaction aux 2,6 millions de patients atteints de troubles thyroïdiens, au point de garantir au laboratoire une position de monopole sur le marché. Pourquoi, alors, une « nouvelle formule»? Réponse : « C’est la réponse à une demande de l’ANSM* ».  Sauf que la «nouvelle formule», substitue à l’excipient ancien, le lactose, de l‘acide citrique et du mannitol**.Devant la montée en puissance des troubles signalés par les plaintes, la réponse de MSD a consisté à qualifier « d’hystériques » (dont la comédienne Annie Duperrey), les patients qui se plaignaient de fatigues, maux de tête et troubles fonctionnels variables. 

Levothyrox: Une étude met en cause la substituabilité des formuleshttps://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKCN1RG1L2-OFRTP

Or une équipe de scientifiques de l’université de Toulouse a épluché les données fournies par le laboratoire Merck, qui fabrique le Levothyrox, lors de la validation de la nouvelle formule de ce médicament en mars 2017. Et leur étude, publiée dans la revue Clinical Pharmacokinetics (en anglais) jeudi 4 avril, sonne comme une victoire pour les malades qui pointent du doigt la nouvelle formule. Les résultats des chercheurs permettent en effet d’affirmer qu’il existe bien des différences entre l’ancien et le nouveau Levothyrox, prescrit contre l’hypothyroïdie. 

Par ailleurs, des proximités préoccupantes sont observées dans le déroulement des opérations :

/ La demande expresse de cette nouvelle formule par l’ANSM, au laboratoire est exprimée par un membre de l’Agence, récent consultant rémunéré du laboratoire. 

 / Le mannitol et l’acide citrique que contient la nouvelle formule permettent à MSD d’avoir accès au marché des BRICs (pays émergents Brésil, Inde, Chine) où les maladies chroniques vont apparaître.

/ L’ancienne formule donnant satisfaction depuis 30 ans, rien n’obligeait MSD à lancer en France cette nouvelle formule si ce n’est que : à «nouvelle formule, nouveau prix de vente».

/ A ce jour, 4.000 plaintes ont été déposées contre MSD.

/Le Président Macron n’a jamais répondu au Dr Catherine Noël, qui prenait elle-même du Lévothyrox,  et lui signalait les effets négatifs de la «nouvelle» formule du Lévothyrox.

/ Une pétition, initiée par Mme Sylvie Robache, est en cours de signatures en France.

Les suites :

/ Une plainte est en cours d’Instruction auprès du Parquet de Marseille.

/ Des recherches au CNRS sont en cours.

/ Est posée la question de la mise en place d’une Commission d’Enquête Parlementaire

* Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

**le Mannitol est utilisé pour étudier la fonction rénale. Acidifiant, il peut donner des maux de têtes, or c’est un des troubles le plus souvent évoqué par les plaintes des usagers le nouvelle formule.     

Auteur:

Michel MOUREREAU                                                                                                     

Les brevets, un historique

Eliane Mandine

Marrakech 1994, une date importante. Se met en place l’OMC, organisation internationale à vocation d’établir des lois commerciales. Les pays contractants décident d’intégrer aux négociations un accord plus spécifique sur les services, pour amener plus de libéralisation dans les services publics par un accord multilatéral des échanges de services. Parmi les services se trouvent les activités de santé. Les activités de santé deviennent des activités commerciales ; les biens et produits de santé deviennent des marchandises relevant de l’OMC, sur un marché mondialisé.

L’idée que la santé est une valeur non marchande, d’une santé publique disparait, le vocable qualité des soins remplace le droit d’accès pour tous.  

C’est la mondialisation de l’appropriation des médicaments par les détenteurs de brevets. Fait suite à un lobbying des firmes pharmaceutiques, surtout US.

A la suite (toujours en 1994 à Marrakech) sont mis en place les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle (PI) qui touchent au commerce (ADPIC). Il est décidé que tous les états membres de l’OMC sont soumis aux mêmes droits de PI sur les médicaments, quel que soit leur niveau de développement ou capacité à produire des médicaments. Le brevet sur les médicaments est légitimé par le droit international, et contrevenir à ce droit est un délit.

Cet accord est ratifié par la France en 1995. En le ratifiant nous avons accepté que les services de santé deviennent des marchandises relevant du droit commercial international. Ce qui est en contradiction avec le fondement droit aux soins, qualifié de chose hors le commerce. En contradiction avec le code de déontologie médicale : « la médecine ne doit pas être considéré comme un commerce ».

Il existe un avant et un après 1994

Avant 1994, un pays ne possédant pas la capacité de développer un médicament ne délivrait pas de brevet. Pour ces pays l’importation d’un pays tiers, ou la production d’un générique (cas de l’Inde), même protégé par un brevet n’était pas qualifié de contrefaçon. Cette possibilité permettait aux pays pauvres d’avoir accès aux médicaments à des prix modérés, les génériques étant moins chers que les produits de référence équivalents protégés par les brevets.

Après la ratification des accords de Marrakech, produire la réplique d’un médicament encore sous brevet n’est plus autorisé. C’est un acte qualifié de contrefaçon (délit international passible de sanction). 

Ont été pénalisés tous les pays ne possédant pas les capacités de produire un médicament, principalement les pays  du Sud.

Les perdants :

L’Inde qui s’était doté d’une industrie capable de produire des génériques, au détriment d’infrastructures de recherche capables de développer de nouveaux médicaments, s’est vu pénaliser par ces accords, qu’elle a dû ratifier en 2005.

Les gagnants :

Les firmes pharmaceutiques des pays industrialisés : réduction de la concurrence pour leur produit

Puis il y a eu les procès en Afrique du Sud, suite à la pandémie du VIH. Possibilité, obtenue grâce à l’ampleur des protestations en Afrique du Sud et sur toute la planète, de produire des génériques bien que sous protection des brevets, au nom de la santé publique,

Suite à ce procès, des pays en développement demandent qu’une flexibilité soit introduite dans les ADPIC, que rien ne puisse empêcher les Etats de prendre des mesures pour protéger la santé publique de leur population. 

Ce sont les accords de Doha, en 2001 qui introduisirent la possibilité à un pays de produire des copies de médicaments même si protégés par un brevet en cas de situation d’urgence sanitaire nationale comme le SIDA, le paludisme, la tuberculose ou “d’autres épidémies : la licence obligatoire (ou licence d’office)

Une dérogation aux droits des brevets autorise les pays producteurs de médicaments génériques, comme l’Inde, le Canada ou le Brésil, à vendre des copies de produits brevetés à des pays incapables d’en fabriquer eux-mêmes.

Licence obligatoire (LO) : un défi à la puissance américaine certes mais pratiquement inefficace : 

Des organisations humanitaires comme Oxfam dénoncent très vite l’inefficacité de la licence d’office ; 

Les recours aux LO demeurent épisodiques : de 1995 à 2012 seulement 24 LO sont enregistrées ; principalement ce sont les pays du Sud à revenu intermédiaire qui y ont recours

Trop compliquées à mettre en œuvre pour les pays pauvres : un médicament peut être protégé par plusieurs centaines de brevets : des procédures à n’en plus finir, compliquées, onéreuses.

 4 années d’effort pour le Rwanda, avec l’aide de MSF, pour obtenir la production d’antirétroviraux génériques (produits par le Canada)

Si une licence obligatoire est délivrée,  une rémunération adéquate de compensation doit être donnée au détenteur du brevet, compte tenu de la valeur économique de l’autorisation

Des laboratoires pharmaceutiques ripostent avec l’exclusivité des données cliniques (durée 10 ans). Un générique, une fois produit doit être validé : il est comparé au produit de référence dans au moins un essai clinique. Ceci est rendu impossible si les données cliniques du produit de référence ne sont pas publiées. 

Maintenant c’est le secret des affaires qui est mis en avant : transparence assurée par les brevets  >  au secret industriel.